VLADIMIR SIMICEK / AFP
DécryptagesInflation des prix du gaz et de l’électricité, réchauffement climatique… Ces cinq dernières années, l’atome retrouve un peu de crédit auprès des politiques et d’investisseurs audacieux, Chine en tête. Mais les problématiques financières et technologiques demeurent.
On pourrait presque se croire propulsé vingt ans en arrière, lorsque la sulfureuse Anne Lauvergeon, alors patronne d’Areva, proclamait la « renaissance » du nucléaire et promettait des ventes d’EPR par dizaines. Certes, ce n’est pas aussi flamboyant qu’à l’époque. Mais depuis quelque temps, une petite musique gagne du terrain dans les milieux d’affaires et les QG de campagne parisiens, qui contraste avec les récriminations passées.
Ces derniers mois, les termes « industrie stratégique », « souveraineté énergétique », « sécurité d’approvisionnement » ont en effet supplanté dans le débat public les « fiascos » et « déboires » de la filière nucléaire. En juillet, en visite en Polynésie, Emmanuel Macron, prudent sur le sujet, érigeait le nucléaire en véritable « chance » pour la nation. Quelques semaines plus tard, on apprenait que les activités nucléaires de General Electric, cédées par Alstom en 2015 en pleine déconfiture de la filière, pourraient repasser sous pavillon tricolore.
Sans doute la guerre de haute lutte que mène actuellement la France à Bruxelles pour faire inclure le nucléaire dans la liste des investissements verts européens a-t-elle contribué à resserrer les rangs autour de l’industrie tricolore du nucléaire. Ce qui est sûr, c’est qu’entre les pro (Xavier Bertrand, Valérie Pécresse, Eric Zemmour, Marine Le Pen, Arnaud Montebourg) et les anti (Jean-Luc Mélenchon, Yannick Jadot, Anne Hidalgo), les débats de la prochaine élection promettent d’être électriques.
Il faut dire qu’en cinq ans le climat s’est sensiblement amélioré pour l’énergie atomique… En cause, bien sûr, l’inexorable hausse des températures mondiales, et l’idée désormais croissante qu’on ne pourra pas tenir la trajectoire de 1,5 °C supplémentaire à horizon 2050 sans nucléaire. « Que ce soit l’AIE [Agence internationale de l’énergie] ou le GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat], toutes les instances internationales en conviennent : pour réduire nos émissions de gaz à effet de serre, il faut électrifier nos usages, et donc augmenter toutes les sources de production d’électricité décarbonée, y compris le nucléaire », explique Marc-Antoine Eyl-Mazzega, directeur du centre énergie et climat de l’Institut français des relations internationales (IFRI).
« De nombreux Etats découvrent à quel point la hausse de la demande d’électricité va devenir problématique à l’avenir » Jacques Percebois, fondateur du Creden
Même les investisseurs, qui avaient déserté ce secteur moribond, se remettent à y croire. Ces dernières années, ils ont investi massivement dans les petits réacteurs modulaires, les fameux SMR, présentés comme l’avenir du nucléaire. Parmi eux, le fondateur de Microsoft, Bill Gates, s’est même érigé en l’un des plus fervents défenseurs de l’atome. « Au fond, l’idée qui domine aujourd’hui n’est plus d’opposer le nucléaire au solaire et à l’éolien, mais de faire du nucléaire le complément pilotable indispensable au déploiement des renouvelables », explique Pierre-Louis Brenac, consultant énergie chez Sia Partners.
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