Valoriser nos données pour créer un revenu universel, l'idée fait son chemin, mais est encore loin d'aboutir.
Le monde d'après se rêve peu à peu. Les défis sont nombreux, notamment du point de vue économique, où de nombreux secteurs se sont retrouvés à l’arrêt depuis bientôt un an.
Les revenus de certains ménages ont également été affectés par la crise, et il n’y aura pas de retour en arrière sur le télétravail, l’automatisation des tâches et la numérisation de certaines activités. Alors que les autorités publiques et les acteurs privés tentent de trouver des solutions pour redémarrer la machine économique via d’ambitieux programmes de relance, des start-ups et de jeunes entrepreneurs veulent promouvoir une approche plus latérale.
C’est notamment le cas de Badr Boussabat. Ce trentenaire, qui travaille dans la cellule risques de Degroof Petercam et fait aussi partie de la direction du Belgian Finance Club, est un orateur reconnu sur l’intelligence artificielle ("Notre meilleur espoir", selon le titre de son bouquin publié l’an passé). Pour sortir de la crise, il propose de lancer le débat sur le revenu universel par la donnée.
Les données sont inépuisables
"Nous sommes entrés dans l’ère du capitalisme cognitif", lance-t-il en guise d’introduction. Pour preuve, il avance le fait que huit des dix plus grosses capitalisations boursières sont aujourd’hui des entreprises actives dans le numérique. Contrairement au capitalisme marchand, qui se fonde sur l’exploitation des matières premières, le nouveau paradigme cognitif se base sur la donnée, qui est inépuisable par définition. De plus, explique Badr Boussabat, "la création de la donnée dépend de la capacité de vivre, non pas de travailler".
Mais comment monétiser ses données? L’idée doit clairement encore parcourir son chemin et elle nécessiterait une infrastructure internationale, "à l’image de la finance internationale", précise l’auteur. Certains ont cependant déjà franchi le pas, comme Amazon qui a proposé à certains clients Prime de les rémunérer pour avoir accès à leurs données de navigation. Instagram et les autres réseaux sociaux reposent sur un modèle économique où les données ont beaucoup de valeur. Si cette valeur revient à son producteur, le citoyen, ces entreprises déposeront le bilan. C’est le revers économique de la médaille.
La donnée possède deux avantages sur la monnaie: elle est évolutive et sa production ne fait pas baisser sa valeur. "La donnée a le potentiel de créer une véritable valeur ajoutée. La quantité de data dans le monde augmente tous les jours, mais leur valeur augmente avec elle. Cette corrélation positive est un argument puissant en sa faveur", estime Badr Boussabat.
Une future guerre des données?
Dans cette nouvelle économie, la donnée est produite par le "consutoyen" (contraction de consommateur et citoyen), elle est distribuée aux entreprises, traitée par l’intelligence artificielle et régulée par les États.
Tout cela reste très théorique à ce stade, et de nombreuses questions se posent encore sur l’architecture à mettre en place pour récolter, traiter et valoriser nos données, "mais on investit déjà en données", fait valoir Badr Boussabat. "Et c’est aussi une manière plus démocratique de créer de la richesse que via le capital. La donnée peut réconcilier la gauche et la droite."
Un revenu issu des données que nous produisons pourrait aussi entraîner une guerre des données et une course à l’appropriation. Transformer les données en revenu universel semble aujourd’hui utopique, mais l’idée a le mérite d’exister, à l’heure où l’on pense le fameux monde d’après. La question de la valorisation des données sera, quoi qu’il arrive, un enjeu primordial des prochaines années.