Suite à l'impulsion européenne et à l'adoption de son paquet législatif dénommé le "Clean energy package", de nouvelles formes de partage d'énergie vont bientôt voir le jour un peu partout en Europe et notamment en Wallonie.
L'objectif poursuivi par l'Europe est d'accélérer la transition énergétique en plaçant le consommateur et la décentralisation de la production d'électricité au cœur de la stratégie énergétique européenne.
Dans ce cadre, deux directives européennes sont en cours de transposition. Il s'agit, plus particulièrement, de la directive "marché" 2019/944 et de la directive "renouvelable" 2018/2001, introduisant de nouveaux concepts dont notamment la possibilité de développer de nouvelles formes de partage d'énergie, que ce soit en participant à une communauté d'énergie citoyenne (CEC) ou renouvelable (CER), ou en autoconsommant de l'énergie renouvelable produite collectivement au sein d'un même bâtiment (autoconsommation collective).
Ce mercredi 16 décembre, le Gouvernement wallon a avancé dans la transposition de ces directives en adoptant, en 1 ère lecture, un avant-projet de décret visant à encadrer ces nouveaux acteurs.
Rappelons que le principe des CER avait déjà été transposé en droit wallon par le décret du 2 mai 2019. Ce régime n'est cependant jamais entré en application puisque sa mise en œuvre nécessitait au préalable l'adoption de mesures d'exécution par le Gouvernement wallon. Ce cadre est cependant en cours de révision afin, notamment, de tenir compte des nouveaux droits et obligations issus des directives 2018/2001 et 2019/944.
Schémas illustrant les concepts clés relatifs à l'autoconsommation individuelle, l'autoconsommation collective, la communauté d'énergies renouvelables et la communauté d'énergie citoyenne :
Objectifs
Tant la CEC que la CER doivent poursuivre l'objectif principal "de fournir des avantages environnementaux, économiques ou sociaux à ses actionnaires ou à ses membres ou en faveur des territoires locaux où elle exerce ses activités, plutôt que de rechercher le profit".
Ainsi, leur développement devrait apporter différents bénéfices :
- au niveau environnemental : une meilleure intégration de la production d'électricité renouvelable via l'augmentation de l'autoconsommation et le partage d'énergie à une échelle locale, notamment par un changement d'habitudes de consommation, devrait limiter la mobilisation du réseau et permettre une plus grande pénétration des productions décentralisées ;
- au niveau économique : l'impact devrait être favorable que ce soit sur la facture des participants ou en termes de retombées positives sur l'économie et les emplois locaux;
- au niveau social : ces nouvelles possibilités de partage sont ouvertes à tous les citoyens, y compris les locataires et les ménages précarisés qui n'ont pas la possibilité d'investir seuls dans des moyens de production décentralisés. L'inclusion sociale devrait être renforcée et la précarité énergétique diminuée.
Caractéristiques principales des différentes formes de partage d'énergie
Autoconsommation collective | Communautés d'énergie renouvelable | Communautés d'énergie citoyenne | |
---|---|---|---|
Art.21.4 directive 2018/2001 | Art.22 directive 2018/2001 | Art.16 directive 2019/944 | |
A partir de sources d'énergie renouvelables situées dans ou sur le bâtiment1 | A partir de sources d'énergie renouvelables | Uniquement l'électricité, à partir de sources d'énergie renouvelables ou non | |
Au sein d'un même bâtiment | Au sein d'un périmètre local2 | Non limité | |
Non | Oui | Oui | |
Groupe de clients actifs agissant collectivement dans ou sur un même bâtiment | Actionnaires ou membres de la CER : personnes physiques, autorités locales ou petites ou moyennes entreprises à condition que leur participation ne constitue pas leur principale activité commerciale ou professionnelle | Contrôle effectif3 : par des membres ou des actionnaires qui sont des personnes physiques, des autorités locales ou des petites entreprises | |
Partage d'énergie | 3° partage de l'électricité produite en son sein au départ d'installations de production appartenant à la communauté via le réseau public de distribution ou de transport local ; 5° stockage de l'énergie 8° vente de l'électricité autoproduite et non autoconsommée | 3° partage de l'électricité produite en son sein au départ d'installations de production appartenant à la communauté via le réseau public de distribution ou de transport local ; |
1 "Bâtiment" : toute construction immobilière, en ce compris les annexes éventuelles qui y sont liées et qui sont situées sur des terrains contigus ; le Gouvernement précise la notion de bâtiment.
2"Périmètre local" : périmètre géographique situé au sein du réseau d'un même gestionnaire de réseau de distribution et dont les limites sont fixées par le Gouvernement.
3Contrôle effectif de la personne morale au sens de l'article 1 :14 du Code des sociétés et des associations.
Fonctionnement
Parmi les mesures adoptées en 1 ère lecture le 16 décembre 2020 par le Gouvernement, on peut relever les principes suivants :
Principes communs aux communautés d'énergie (CE) et à l'autoconsommation collective :
- l'électricité partagée au sein d'une CE ou autoconsommée collectivement devra transiter par le réseau public (interdiction de créer des micro-réseaux privés) ;
- le régime de la compensation annuelle ("compteur qui tourne à l'envers"), n'est pas compatible avec les activités de partage d'énergie et d'autoconsommation collective puisqu'elles impliquent une compensation "instantanée" entre la production et la consommation d'électricité par les membres ;
- l'électricité partagée ou autoconsommée collectivement n'est pas considérée comme une opération de fourniture d'électricité (pas de licence de fourniture requise). À ce titre, chaque participant devra être équipé d'un compteur double flux télé-relevé quart horaire ou d'un compteur intelligent ;
- seuls le partage et l'autoconsommation collective d'électricité issue de nouvelles installations de production d'électricité seront autorisés ;
- une convention devra être conclue (selon le cas, soit entre les membres de l'autoconsommation collective ; soit entre les membres et la CE) fixant, entre autres, les règles d'échange (clés de répartition) et de facturation de l'électricité partagée.
Principes spécifiques aux CE :
- la CE devra disposer d'une personnalité juridique distincte de celle de ses membres (personne morale) et devra être propriétaire des unités de production et de stockage utilisées pour le partage;
- la CE devra expliciter dans ses statuts les objectifs environnementaux, sociaux, ou économiques qu'elle poursuit ;
- la constitution d'une CE sera soumise à l'octroi d'une autorisation individuelle.
une simple notification suffira ; un représentant devra être désigné (point de contact unique avec le gestionnaire de réseau de distribution).
Enfin, certains concepts doivent encore être précisés par le Gouvernement, tels que les notions de "périmètre local", de "bâtiment" ou encore "d'autorité locale".
Timing
L'avant-projet de décret approuvé en 1 ère lecture ce mercredi 16 décembre 2020 par le Gouvernement doit à présent être soumis aux avis des instances consultatives, à savoir :
- le Pôle énergie regroupant les différents acteurs actifs dans le secteur énergétique ;
- l'Autorité de la protection des données.
Le projet sera ensuite adopté en 2 ème lecture par le Gouvernement puis soumis à l'avis de la section législation du Conseil d'Etat avant d'être définitivement adopté par le Gouvernement. Il sera alors examiné en Commission du Parlement puis voté en séance plénière, traduit et publié au Moniteur belge.
L'adoption définitive du décret est attendue pour mi-2021. Ensuite, le Gouvernement devra exécuter les différentes habilitations afin de rendre le décret opérationnel. Sur cette base, les premières communautés d'énergie devraient voir le jour début 2022.
La prudence est donc de mise, le texte tel qu'adopté ce mercredi 16 décembre pouvant encore faire l'objet de nombreuses modifications.