Une expertise scientifique débutée il y a trois ans indique que la diversification végétale des parcelles et des paysages agricoles est une solution naturelle efficace pour protéger les cultures et garantir des niveaux de rendement égaux voire supérieurs aux systèmes peu diversifiés.
L’implantation de haies favorise le contrôle des bioagresseurs selon l’étude.
© Gabriel Omnès
Le Pacte Vert de l’Union européenne vise à l’horizon 2030 une réduction de 50 % de l’usage des pesticides, ainsi qu’une augmentation allant jusqu’à 25 % de la part des surfaces agricoles cultivées en agriculture biologique. L’UE affiche également l’objectif d’augmenter jusqu’à 10 % les surfaces occupées par des éléments à « haute diversité biologique » : bandes enherbées, terres en jachère, haies… Dans un communiqué livrant les résultats d'une étude, Inrae estime : « Malgré la prise en compte de ces enjeux dans les politiques publiques, la transition vers des systèmes de culture plus économes en pesticides n’est aujourd’hui pas suffisamment développée pour atteindre les objectifs fixés. Cela s’explique notamment par un manque de recul critique et de vision d’ensemble sur l’efficacité « au champ » de la solution agroécologique que représente la diversité végétale pour protéger les cultures tout en favorisant la biodiversité et les services écosystémiques ».
L’importance des rotations de culture
L’expertise scientifique collective commanditée a pour objectif de produire une synthèse des connaissances internationales disponibles. Elle alimente également le programme prioritaire de recherche « Cultiver et protéger autrement ». Cette expertise croise des regards issus des sciences biologiques et des sciences économiques et sociales pour analyser les freins et leviers au développement de stratégies de protection des cultures fondées sur la diversification végétale. Les connaissances scientifiques actuelles montrent que toutes les formes de diversification du couvert végétal sont corrélées à l’augmentation du niveau de biodiversité. Si l’agroforesterie contribue aux plus fortes augmentations de la biodiversité (+ 61 %), d’autres pratiques ont également un impact positif. L’inclusion de couverts végétaux en période d’interculture est associée à une augmentation de 21 % de la biodiversité, tandis que les rotations de culture sont associées à une augmentation de 37 %.
Augmentation du contrôle des bioagresseurs
Par ailleurs, un lien positif fort entre diversité végétale et régulation naturelle des bioagresseurs comme les insectes ravageurs, les plantes adventices ou encore les champignons pathogènes est démontré. L’utilisation de couverts végétaux en interculture, en particulier, permet d’augmenter le contrôle des bioagresseurs de 125 %. Au sein d’une même parcelle (cultures associées, cultures en relai), il est constaté une augmentation du contrôle des bioagresseurs de 60 % lors de l’association de plusieurs espèces végétales, de 40 % grâce à l’agroforesterie, et de 84 % avec l’implantation de haies notamment.
Autre point positif : grâce à la diversité végétale, les cultures peuvent voir leur rendement augmenter de 2 à 47 %. Les gains sont notables avec la pratique des rotations de culture (10-20 %) et avec les associations d’espèces cultivées pour au moins une des deux espèces (20-40 %). Seul bémol : au niveau des exploitations les études économiques sont plus mitigées et montrent des effets à la fois positifs, neutres et négatifs. En effet, la mise en œuvre de certaines modalités de diversification végétale peut entraîner une réduction des surfaces cultivées (implantation d’espaces semi-naturels par exemple) ou au contraire les augmenter comme avec la pratique des cultures associées
Rôle essentiel des politiques publiques pour favoriser la diversification végétale
Toutefois, les scientifiques s’accordent pour reconnaître que l’agriculteur a besoin d’assurer la rentabilité de son exploitation et de limiter les aléas de la production, or des changements vers des pratiques de diversification végétale peuvent être coûteux (changement de matériel, perte de surface cultivée …) et les choix d’un agriculteur dépendent largement des interactions avec des acteurs en amont de la production (équipements, semences…) et en aval (filières agricoles, débouché des produits…).
C’est pourquoi ils préconisent une implication des pouvoirs publics qui « en tant que régulateurs, ont un rôle essentiel à jouer dans ces choix en mettant en place des politiques publiques incitatives (subventions, payement pour service environnemental…) cohérentes et contraignantes (interdiction ou limitation de certains pesticides, obligation de maintenir des espaces semi-naturels…) ».