Considérées comme la prochaine évolution d’Internet et des réseaux sociaux, les technologies immersives font beaucoup parler d’elles depuis quelques années. Cette recrudescence médiatique s’est d’ailleurs emballée en octobre dernier quand le groupe Facebook a annoncé son changement de nom pour devenir Meta. Dans une vidéo dédiée, Mark Zuckerberg présentait de manière presque mystique un nouvel univers semblable au jeu Oasis du film Ready Player One.
Pour autant, sous cette bannière de monde virtuel, il faut bien comprendre que plusieurs technologies, logicielles et matérielles, cohabitent ensemble, notamment la réalité augmentée, la réalité virtuelle et leur corollaire le métavers. Pour faire le tour de ces questions, l’Efrei, l’école d’ingénieurs généraliste du numérique, a organisé début février un débat dans son émission Hub, diffusée sur Twitch. Sur le plateau, Ryan Vialatou, étudiant en L3 à l’Efrei et Nicolas Perrier, Consultant innovation en réalité virtuelle, augmentée et métavers chez Inetum, ont débattu à propos des perspectives techniques, marketing et éthiques de ces technologies immersives.
Des technologies qui ne datent pas d’hier
Utiliser un filtre Snapchat, télécharger et jouer à Pokemon Go, se balader à la Fnac au rayon des casques VR. Bien que démocratisées auprès du grand public depuis quelques années, les premières expériences d’AR/VR remontent aux années 1960. La réalité augmentée consiste à intégrer en temps réel des éléments virtuels en 3D au sein d’un environnement réel. Cette technologie est certainement celle qui possède le moins de barrières à l’entrée puisqu’elle peut s’utiliser facilement depuis un smartphone. Grâce à l’essor de Snapchat et d’Instagram, ainsi que grâce à quelques coups d’éclat de certaines marques, l’AR est désormais une technologie admise et utilisée par le grand public.
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Même son de cloche du côté de la VR. Grâce à un casque, cette technologie permet de s’immerger dans un monde virtuel en 3D. Il est possible de se déplacer dans l’espace et d’interagir avec son environnement grâce à des manettes spécifiques. Le jeu vidéo est, bien évidemment, un débouché naturel pour la réalité virtuelle. Depuis 2016, Sony a écoulé plus de cinq millions d’exemplaires de son premier casque VR et le second devrait être disponible pour la fin de l’année. Le géant Ubisoft avait également, dès 2016, proposé une expérience immersive à travers son jeu Eagle Flight qui donnait la possibilité au joueur de survoler Paris à travers les yeux d’un oiseau.
Enfin, même si son apparition est moins ancienne que ses deux compères, le métavers est une notion qui n’est pas sortie tout droit du chapeau de Facebook. Le mot apparaît pour la première fois en 1992 dans le roman Snow Crash de l’auteur de science-fiction américain Neal Stephenson. L’écrivain pose alors les jalons d’un monde virtuel fictif dans lequel il serait possible d’évoluer, notamment grâce, mais pas uniquement, à la réalité virtuelle. Dans cet univers créé artificiellement, le public utiliserait alors des avatars afin d’interagir socialement avec d’autres utilisateurs.
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Bien que les projets de métavers se multiplient actuellement comme des petits pains, ils ne sont pas nouveaux comme nous l’explique Nicolas Perrier :
« En 2003, le jeu Second Life permettait déjà d’avoir une autre identité dans un monde numérique. Dans ce métavers, il était déjà possible de participer à des événements, de visiter des expositions ou de vendre des objets à partir d’une monnaie, le Linden, qui avait un taux de change en temps réel avec le dollar. Fait assez marrant, c’est l’émergence de Facebook qui a précipité le déclin de Second Life. On peut également citer des jeux comme Minecraft ou plus récemment Fortnite qui sont considérés comme des métavers. La vision que tente d’imposer Facebook avec Meta n’est pas un chemin tout tracé. Certains géants comme Apple ne se précipitent, par exemple, pas dessus, et préfèrent d’abord développer des technologies d’AR/VR. Le métavers n’est pas la quintessence ultime de la technologie ».
Le marketing dans les technologies immersives, entre opportunités et dérives
Les domaines d’application de l’AR/VR ne se résument pas seulement au gaming ou à un filtre Instagram. C’est un terrain de jeu que les professionnels du marketing savent déjà utiliser à bon escient. Pour la réalité augmentée, citons par exemple l’application IKEA Place qui donne la possibilité de placer virtuellement des meubles dans son salon ou sa chambre, Adidas qui permet d’essayer en avant-première sa chaussure Ultraboost 19 sur Snapchat ou encore L’Oréal qui utilise un simple selfie afin de faire essayer son maquillage avant de l’acheter.
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En proposant une expérience multisensorielle, la VR va encore plus loin dans ce nouveau dogme du marketing « essayer avant d’acheter d’où vous voulez ». Immobilier, voyage, patrimoine… Autant de secteurs qui lorgnent déjà avec appétit sur la réalité virtuelle. Cette technologie peut également servir pour promouvoir les initiatives sociales d’une entreprise. La marque californienne de chaussures Toms a par exemple utilisé la VR pour montrer en magasin à ses clients son engagement envers différentes organisations caritatives. Les clients pouvaient vivre l’expérience d’un « Giving Trips » où l’on voyait des bénévoles offrir des chaussures à des enfants dans le besoin à l’autre bout du monde. Pensée de cette manière, la VR stimule positivement l’engagement émotionnel envers une marque.
En ce qui concerne les métavers, l’expérience marketing est encore plus immersive et peut être sujette à plus de critiques comme le souligne Ryan Vialatou.
« Les prochains projets de casques VR de Facebook vont intégrer des systèmes de eye-tracking et des caméras tournées vers l’intérieur. Le but est simple, analyser nos pupilles et nos expressions faciales lorsque nous serons dans ce métavers. On connait tous l’appétit de Facebook en matière de publicité ciblée, dans son métavers il souhaite aller encore plus loin. Chaque avatar au sein du même monde virtuel pourra recevoir une publicité ciblée en temps réel. Ce n’est pas pour rien que Facebook a mis au point le « AI Research SuperCluster », un des supercalculateurs les plus puissants du monde. Cet outil ne va pas servir à créer ou faire tourner le métavers, il sera plutôt utile pour récolter la data issue de l’environnement virtuel afin de pouvoir proposer les contenus les plus adaptés à chaque avatar. »
Le réseau de Mark Zuckerberg n’est pas pour autant le seul loup dans la bergerie. Disney, Apple, McDonald’s, Nike… Toutes ces grandes entreprises multiplient actuellement les dépôts de brevets auprès de l’USPTO, l’Office des brevets et des marques des États-Unis. Brevets, supercalculateurs et analyse du mouvement de nos pupilles : les prodromes d’une dérive marketing au sein des métavers ?
Des vies virtuelles qui doivent nécessairement être régulées
Bien que Facebook prêche pour sa paroisse en essayant d’imposer sa vision des mondes virtuels, il faut garder à l’esprit que personne ne détient pour le moment le fin mot de l’histoire. De nombreux autres grands acteurs s’y affairent également de manière différente et selon d’autres enjeux. On peut citer Microsoft qui se positionne sur un métavers professionnel à destination du monde du travail ou encore Sony et Epic Games qui misent eux sur un pur univers de divertissement.
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Les métavers seront-ils alors exclusivement américains ? Pas du tout, la Chine et ses géants – Huawei, Tencent, Baidu, Alibaba, etc. – préparent également leurs propres visions des mondes virtuels. Si bien que des questions d’ordre éthique et juridique pointent déjà le bout de leur nez, notamment quand on voit que des accusations d’agressions sexuelles ont déjà eu lieu dans le métavers de Facebook. La législation avançant toujours moins vite que la technologie, il faut dès aujourd’hui se préparer à des problèmes déjà bien présents sur nos réseaux sociaux actuels : la désinformation, le cyberharcèlement, la protection des données personnelles et des mineurs… Est-ce aux États de jouer ce rôle de garde-fou ? Aux géants de la tech eux-mêmes ? Pour Nicolas Perrier, le dénominateur commun à toutes ces questions tient en un mot, la formation.
« Toutes ces entreprises vont avoir besoin d’ingénieurs pour développer ces mondes virtuels et d’un public pour les utiliser. Si nous formons dès à présent les étudiants ingénieurs, les futurs experts du marketing, mais aussi le grand public, il est possible dès à présent de former et de sensibiliser tous les acteurs et les cibles de ces technologies à une éthique numérique. Que ce soient les étudiants ingénieurs, les futurs experts du marketing, les juristes, le grand public… L’AR/VR et les métavers n’ont pas qu’une finalité publicitaire. Ces technologies sont un formidable pouvoir de formation. Il est possible d’apprendre des gestes métiers comme apprendre rapidement à faire la maintenance mécanique sur des avions ou des trains, faciliter le travail des chercheurs dans les laboratoires, permettre à des métiers en déclin dans l’artisanat de mieux former ses apprentis. »
Quoi qu’il en soit nous sommes actuellement à la croisée des chemins. La formation et l’évangélisation de tous les publics sont nécessaires afin d’intégrer au mieux ces futurs mondes virtuels dans notre quotidien. Il ne faut jamais oublier qu’une technologie n’est jamais mauvaise en tant que telle, c’est son utilisation qui la rend profitable ou critiquable.
Pour approfondir ces sujets, nous vous invitons à regarder le replay de l’émission d’Efrei, mentionnée précédemment !
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