Nous ne cessons de le dire: la fusion nucléaire, sur laquelle planchent des dizaines de structures scientifiques et jeunes entreprises intrépides dans le monde, est le Graal de l'énergie propre, capable en théorie de fournir à l'humanité une électricité aussi infinie que neutre pour l'environnement.
Des progrès constants et étapes importantes sont régulièrement rapportés, comme les 59 mégajoules produits pendant une durée de 5 secondes par le JET britannique ou les 100 millions de degrés Celsius maintenus pendant plus de 30 secondes par un réacteur expérimental coréen début septembre.
Pourtant, malgré les promesses téméraires de structures sûres de leurs solutions, la plupart des scientifiques s'accordent à dire que la fusion n'arrivera pas avant des années ou des décennies pour sauver le monde de son insatiable appétit énergétique.
À moins que la Chine ne grille tous les autres: par la voix de l'un de ses physiciens les plus proéminents, le spécialiste en armements nucléaires Peng Xianjue, le pays a annoncé la mise en place d'une installation hybride fusion-fission qu'elle espère voir produire de l'électricité dès 2028.
La chose ne reposera pas sur la technologie propre aux tokamaks, utilisée par la vaste majorité des autres projets visant la fusion nucléaire, mais sur une machine nommée «Z-pinch», que Wikipédia définit comme un «dispositif de fusion à striction axiale».
La machine «réplique les réactions de fusion d'une bombe thermonucléaire grâce à la pression magnétique créée par une pulsation électrique extrêmement puissante», décrit plus avant le South China Morning Post.
Celle construite à Chengdu sera la réponse chinoise à d'autres du même type déjà expérimentées dans le monde, comme dans les Laboratoires Sandia aux États-Unis, la plus puissante jusqu'ici, utilisée notamment pour simuler les explosions d'armes nucléaires.
Peng Xianjue promet que la Z-pinch chinoise sera capable de délivrer une intensité de 50 millions d'ampères, le double de l'installation de Sandia. Relâchée en quelques nanosecondes, cette impulsion dantesque pourrait selon le scientifique permettre d'initier une réaction de fusion entre des atomes de deutérium et de tritium.
Casser de l'atome
C'est alors que la fission, la bonne vieille fission, entre également en jeu. Dans ce design baptisé «Z-FFR», l'énergie produite par cette réaction initiale de fusion n'est pas destinée à alimenter la grille électrique, mais à provoquer la fission des atomes d'uranium d'une centrale plus «classique». De l'uranium naturel, celui produit comme déchet des centrales actuelles ou du thorium pourraient être utilisés, et les scientifiques chinois promettent des rejets radioactifs maintenus au minimum.
Cette hybridation, est-il promis, pourrait permettre à l'ensemble d'être 10 à 20 fois plus efficace en matière de production de chaleur que les centrales nucléaires actuelles. Selon le calendrier des plus optimistes annoncé par Peng Xianjue, la machine pourrait être construite dès 2025, réussir ses première réactions de fusion en 2028, et fournir du courant à l'humanité en 2035.
Il y a néanmoins beaucoup de «si». Le modèle hybride a été exploré de multiples fois par le passé, avec jusqu'ici des résultats insuffisants pour une exploitation commerciale et utile. Des condensateurs et des câbles particuliers, capables de survivre à de telles impulsions et chocs électriques, devront également pouvoir être produits en quantité suffisante.
Peng Xianjue estime la chose possible grâce à de récentes découvertes, mais d'autres physiciens, interrogés par le South China Morning Post, sont plus dubitatifs. Ils notent néanmoins que le «méga lab» bâti à Chengdu, cette machine à striction axiale de tous les records, ne peut qu'élargir le champ des possibles, quelles que soient ses réussites réelles en production électrique.