Le site d’exploitation de gaz Yamal LNG, financé par Total, Novatek, CNPC et Silk Road Fund, sur la péninsule de Yamal, le long de l’estuaire de la rivière Ob, en Russie, en novembre 2018.
Après « L’affaire du siècle », l’affaire BNP Paribas ? Les organisations non gouvernementales Notre affaire à tous et Oxfam France, qui ont contribué à faire condamner l’Etat en justice pour son « inaction climatique », entendent désormais ouvrir le « procès d’un financeur du chaos climatique ». Un premier jalon a été posé, mercredi 26 octobre : les ONG, rejointes dans leur démarche par Les Amis de la Terre, ont mis formellement en demeure la première banque française de cesser de soutenir le développement des énergies fossiles, a appris Le Monde.
Elles s’appuient sur la loi concernant le devoir de vigilance, qui oblige les grandes entreprises françaises à identifier les risques et à prévenir les atteintes graves à l’environnement et aux droits humains pouvant résulter de leurs activités. En l’espèce, les associations reprochent à BNP Paribas de ne pas l’appliquer en matière climatique, en continuant à financer des projets pétroliers et gaziers. Elles fixent un ultimatum au groupe bancaire : il a trois mois pour « se mettre en conformité avec la loi ». A défaut, les associations saisiront le tribunal judiciaire de Paris. Avec l’objectif d’aboutir au « premier contentieux climatique au monde » impliquant une banque commerciale. Jusqu’ici, des Etats (la France, les Pays-Bas) et des groupes pétroliers (Shell) ont été condamnés.
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« BNP Paribas est responsable de la crise climatique, car elle finance les énergies fossiles. Elle est en train de devenir coupable, car, depuis l’accord de Paris [sur le climat, conclu en décembre 2015, lors de la COP21], malgré ses grandes promesses, la première banque française n’a toujours pas coupé le robinet, s’insurge Cécile Duflot, directrice générale d’Oxfam France et ancienne patronne des Verts. Nous sommes convaincus que la justice nous aidera à mettre fin à une hypocrisie en passe de devenir mortelle. »
Pourquoi cibler BNP Paribas plutôt qu’une autre banque ? Parce qu’elle est le « premier financeur mondial des principales majors du secteur », justifie Lorette Philippot, spécialiste des questions climatiques et financières aux Amis de la Terre. Entre 2016 (après la conclusion de l’accord de Paris) et 2021, le groupe a injecté plus de 43 milliards de dollars (43,4 milliards d’euros) dans les huit principales compagnies pétrolières et gazières européennes et américaines.
« Bombes climatiques »
Aucune autre banque au monde n’a investi autant sur cette période, selon les données compilées dans l’édition 2022 du Banking on Climate Chaos, rapport de référence piloté par une dizaine d’ONG, dont Reclaim Finance. Les américaines City et J.P. Morgan Chase, qui complètent le podium, ont « seulement » injecté 36 milliards de dollars sur la même période. Toujours à titre de comparaison, les françaises Crédit agricole et Société générale se classent en neuvième et dixième position, avec respectivement 15 milliards et 13 milliards de dollars. BNP Paribas est ainsi le premier bailleur de fonds de BP et Shell et le financeur majeur pour six autres géants : Total, Chevron, ExxonMobil, ENI, Repsol et Equinor.
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