À l’occasion des 50 ans de la sortie du rapport Meadows qui théorisait les limites de la croissance, la journaliste scientifique Audrey Boehly lance le podcast Dernières Limites. À son micro, et pendant 13 épisodes publiés chaque semaine, se succèdent économistes, scientifiques et philosophes spécialistes de la question climatique. Ils dressent un état des lieux de la situation actuelle, mais surtout, proposent des solutions pour envisager un monde d’après, plus juste et soutenable.
À l’occasion des 50 ans de la sortie du rapport Meadows qui théorisait les limites de la croissance, la journaliste scientifique Audrey Boehly lance le podcast Dernières Limites. À son micro, et pendant 13 épisodes publiés chaque semaine, se succèdent économistes, scientifiques et philosophes spécialistes de la question climatique. Ils dressent un état des lieux de la situation actuelle, mais surtout, proposent des solutions pour envisager un monde d’après, plus juste et soutenable.
Usbek & Rica – Faisant écho à la parution récente du dernier rapport du GIEC, votre podcast sort pour les 50 ans du rapport Meadows. Quel est le message qu’il véhicule ?
Audrey Boehly – La question climatique est un enjeu majeur de notre génération, mais il fait partie d’une question plus vaste : celle des limites planétaires qu’on est en train de dépasser aujourd’hui. C’est le rapport Meadows qui m’a fait comprendre cela. La cinquième limite (sur neuf, ndlr) vient d’être dépassée, celle de la pollution (pollution plastique, mais aussi chimique, de l’eau des sols…), et toutes sont liées entre elles de manière complexe. Elles doivent être considérées dans leur ensemble pour trouver et comprendre les solutions possibles. Et l’objectif du podcast, c’est ça : sensibiliser au fait que la question climatique fait partie des nombreuses limites planétaires qu’on dépasse, à cause d’un modèle de croissance économique qui n’est pas soutenable.
Dans ce podcast, je souhaite donner la parole à des experts et scientifiques qui travaillent sur ces questions, et dont la parole est précieuse. Il s’agit de faire écho au rapport Meadows publié il y a 50 ans, en l’actualisant, pour comprendre où on en est réellement aujourd’hui. Cela passe donc par un constat difficile, mais qui est en même temps plein d’espoir parce que les solutions existent et il faut les évoquer. Et je ne parle pas de solutions simplistes comme la « croissance verte » qui consiste au final à poursuivre la consommation d’énergie, de matériaux extraits du sol, et de fait la continuation de la pollution.
Quelles conclusions tirez-vous de ces entretiens ?
Le seul chemin viable et cohérent avec les limites de la planète, c’est de faire des choix de société qui permettent à chacun de vivre décemment avec une meilleure répartition des ressources. Dans un monde à venir où la contrainte de ressource est prégnante, la question de la justice sociale et environnementale est extrêmement importante.
Aborder la question des limites planétaires est importante pour ne pas se fourvoyer. Que ce soit le climat, l’impact de la production agricole, la biodiversité, l’accès à l’eau, l’artificialisation des sols, la disponibilité en énergies… : chacun de ces domaines s’approche du seuil des limites acceptables. Aujourd’hui, on a des options, mais poursuivre la croissance en consommant toujours plus n’en est est pas une. C’est ce que disait le rapport Meadows et c’est ce que nous redisent aujourd’hui les scientifiques dans ce podcast. Les solutions sont là et elles sont connues par les plus grandes instances. Leur application concrète est une question de volonté politique. C’est aujourd’hui qu’elles doivent être prises.
La question des solutions et notamment celle de l’imaginaire d’un « monde d’après » sont très importantes et largement sous-estimées dans le débat actuel, où un monde plus sobre serait toujours synonyme de régression. Pouvez-vous nous en dire deux mots ?
Il faut dépasser l’imaginaire dans lequel on se construit. Moi, j’ai 44 ans et j’ai grandi dans cette idée d’une croissance économique comme colonne vertébrale de nos sociétés consuméristes, où l’avoir est le synonyme de l’être.
On aborde cette question dans l’épisode où j’interviewe la sociologue et philosophe Dominique Méda. Elle travaille notamment sur l’économie et dessine un monde post-croissance, qui dépasserait justement cet imaginaire-là. Son approche consiste à dire qu’aujourd’hui, on court après un unique indicateur : le PIB.
« Notre boussole ne devrait plus se baser seulement sur le PIB mais intégrer aussi la préservation des écosystèmes et des ressources naturelles »
Or cette mesure de la valeur des biens et services produits chaque année ne peut pas résumer à elle seule les objectifs d’une société. Ceux-ci comprennent l’intérêt général, le bien commun et bien-être des citoyens, ce qui recouvre aussi d’autres notions : la santé, l’éducation, le plein-emploi, avoir du temps pour soi, pour sa famille, pour ses proches, l’équilibre des écosystèmes… Aujourd’hui notre boussole ne devrait plus se baser seulement sur le PIB, mais intégrer aussi la préservation des écosystèmes et des ressources naturelles pour préserver ce qui est au cœur de nos sociétés. À partir de là, on peut reconstruire une société plus équitable, qui préserve le capital planétaire des générations futures.
Le premier épisode du podcast est publié le jeudi 3 mars, et disponible ici : smartlink.ausha.co/dernieres-limites