Pour les agences d’information américaines, seul le risque couru par les entreprises en raison du dérèglement climatique doit être pris en compte dans la plate-forme de données que l’ONU doit bientôt lancer, s’inquiète, dans une tribune au « Monde », la professeure en sciences de gestion Frédérique Déjean.
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L’Elysée a annoncé le 3 juin le lancement d’une initiative internationale, soutenue par l’Etat, visant à la création d’une plate-forme de données sur le comportement des entreprises vis-à-vis du changement climatique. Un projet qui doit être officiellement présenté au public dans les tout prochains jours, à New York, lors de l’assemblée générale des Nations unies qui se tient du 13 au 26 septembre.
Les objectifs mis en avant sont louables : il s’agit de produire des informations comparables – car présentées de manière homogène et centralisées – afin d’aider les investisseurs à placer leurs fonds dans les sociétés les plus mobilisées dans la transition bas carbone. Pour le bien de la planète.
De nombreuses interrogations
Cette annonce suscite cependant de nombreuses interrogations, voire des réserves. Il existe déjà une plate-forme analogue, créée en 2000 à l’initiative d’investisseurs britanniques, le Carbon Disclosure Project (aujourd’hui CDP), qui publie des informations sur l’impact environnemental des entreprises et des villes. Six mille grandes entreprises la nourrissent volontairement de données en continu. Plutôt que de repartir de zéro, pourquoi ne pas soutenir son activité ?
Le projet annoncé par l’Elysée mentionne par ailleurs de nombreux acteurs américains de l’information financière comme partenaires incontournables (Bloomberg, Moodys, etc.). Effectivement, ceux-ci sont en train de développer rapidement leur activité de fournisseur d’information climatique grâce à des partenariats, voire des rachats d’agences spécialisées.
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Mais le communiqué présidentiel omet curieusement de citer des initiatives européennes pourtant d’un intérêt majeur.
En Europe, un organisme dédié, l’European Financial Reporting Advisory Group (EFRAG, en français, Groupe consultatif européen sur l’information financière), est précisément en train de mettre au point des normes « extra-financières », afin que l’ensemble des entreprises du continent présentent leur impact climatique de manière chiffrée et comparable.
La consultation des parties prenantes avant finalisation de ces normes s’est achevée en août. Toujours en Europe, l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF, en anglais ESMA pour European Securities and Markets Authority) est pressentie pour contrôler l’activité des agences d’évaluation extra-financières.
Un conflit entre deux visions
Tout un écosystème européen de production d’une information climatique fiable est donc en train de se mettre en place. Il est, semble-t-il, ignoré par les promoteurs du nouveau projet. Ignoré ? En réalité, il ne s’agit pas d’ignorance mais d’un conflit entre deux visions de cette information.
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