Des enfants ayant fui les inondations au Pakistan jouent dans un camp de réfugiés climatiques à Sehwan. (REUTERS/Akhtar Soomro)
Les chiffres sont sans doute en deçà de la réalité. Ne serait-ce qu'au regard des inondations ayant endeuillé le tiers du Pakistan cet été. Mais l'étude réalisée par la Banque asiatique de développement (BAD) avec l'Internal displacement monitoring centre (IDMC), un organisme dépendant du Conseil norvégien pour les réfugiés, a le mérite d'évaluer globalement, pour la première fois, les conséquences humaines et financières des catastrophes climatiques et naturelles.
Pour la zone Asie-Pacifique, ces événements extrêmes ont provoqué, entre 2010 et 2021, le déplacement de 225,3 millions de personnes. Ce chiffre équivaut « à une moyenne annuelle de 18,8 millions de personnes et à environ 78 % du total mondial des déplacements de population liés aux catastrophes au cours de cette période », relève Noelle O'Brien, l'une des directrices de la BAD en charge des thématiques sur le climat et les catastrophe.
Si l'actualité se concentre sur la Guadeloupe sévèrement touchée par la tempête Fiona , ou si bon nombre de personnes gardent en mémoire les ravages provoqués à la Nouvelle-Orléans (Louisiane) en 2005, c'est bien dans les pays asiatiques que les calamités sont les plus nombreuses et les plus coûteuses.
A commencer par les inondations qui sont à l'origine de la plupart des déplacements avec 113,6 millions de personnes frappées. En 2010, plus de 15 millions de personnes ont dû fuir les inondations en Chine. Sur la période étudiée, ce sont plus de 40 millions de Chinois qui ont été dans l'obligation de quitter temporairement ou non leur domicile. L'Inde avec près de 30 millions de personnes et le Pakistan (15 millions) suivent de près.
Facteurs d'origine humaine
Les pluies diluviennes ne sont pas seules en cause. « D'autres facteurs d'origine humaine, tels que la destruction généralisée des mangroves côtières dans le Pacifique ou la construction de grands barrages en Asie du Sud-Est, ont rendu les pays plus vulnérables aux inondations. Cela a été le cas, par exemple, dans les pays situés le long du fleuve Mékong comme le Cambodge, le Laos, le Myanmar, la Thaïlande et le Vietnam où les ruptures de barrage et les lâchers d'eau ont joué un rôle », souligne l'étude.
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Pour l'IDMC, 17,8 millions de personnes dans le monde risquent d'être déplacées par les inondations chaque année. Et 80 % vivent dans des zones urbaines et périurbaines. « Le réchauffement climatique et la croissance démographique devraient augmenter considérablement les risques », prévient le Centre.
Un coût colossal
Les cyclones, typhons et autres ouragans sont la deuxième cause des déplacements de population. Sur la période étudiée, près de 100 millions de personnes ont été touchées directement. En Asie, ces cyclones tropicaux ont représenté 80 % des déplacements totaux liés aux tempêtes. A la suite du typhon Haiyan en 2013 (Chine, Philippines, Vietnam et Palau) 5,1 millions de personnes ont été forcées d'évacuer. En 2020, le cyclone Amphan (Bangladesh, Bhoutan, Inde, Myanmar) a provoqué le même résultat.
A ces deux catastrophes naturelles s'ajoutent les conséquences des tremblements de terre et tsunami (10,2 millions de personnes déplacées) et dans une moindre mesure l'activité volcanique (1,6 million). Par exemple, aux Philippines, au début de l'année 2020, le gouvernement avait évacué de manière préventive 506.000 personnes avant l'entrée en éruption du volcan Taal.
Dans le pire scénario de changement climatique, ces pertes atteindront 1.400 milliards de dollars d'ici à 2059.
A l'inverse, les effets engendrés par des sécheresses extrêmes provoquent aussi des mouvements migratoires internes. En 2018, ce sont près de 380.000 Afghans qui ont fui leur région.
Face à ces événements extrêmes, les pertes économiques sont conséquentes. Jusqu'en 2021, pour la région Asie-Pacifique, l'IDMC les évalue à environ 780 milliards de dollars, soit 2,5 % du PIB régional. « Dans le pire scénario de changement climatique, ces pertes atteindront 1.400 milliards de dollars d'ici à 2059 », avertit l'étude. Les investissements au titre de l'adaptation ou de l'atténuation au changement climatique devront donc être plus que jamais au centre des décisions gouvernementales.
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