Fleuves asséchés, trains ralentis par la chaleur, bitume qui fond au soleil : les vagues de sécheresse qui se succèdent forcent les spécialistes à repenser le transport de marchandises. Dans ce contexte, le chantier du Cargo Sous Terrain (CST) en Suisse apparaît comme une solution. Ce tunnel devrait s’étendre sur près de 500 kilomètres et réduire de 80% les émissions de CO2. Reuben Fisher, chef de projet fret pour le Shift Project, salue la planification du report modal en Suisse.
Le fret ferroviaire représente 35% en Suisse contre 9% en France
En Suisse, un chantier de transport de marchandises semble tout droit venu du futur. Le pays montagneux, lieu de passage entre l’Europe de l’Est et de l’Ouest, agit de longue date pour diminuer le trafic routier. Son dernier projet pour acheminer les marchandises va franchir une nouvelle étape puisqu’il devrait faire baisser le trafic routier de 30%.
Les autorités viennent en effet de donner leur feu vert au méga chantier de Cargo Sous Terrain (CST). Ce tunnel reliera les grandes métropoles entre elles pour faciliter l’acheminement de marchandises légères, autrement dit des aliments et biens non dangereux. Des navettes circuleront sous terre en continu, elles déchargeront les biens dans des centres logistiques dédiés, selon le projet décrit par l’entreprise CST qui compte parmi ses actionnaires des distributeurs, des prestataires et des fournisseurs de solutions intralogistiques (DSV, DPDgroup, Rhenus Logistics, Swisslog, Gilgen Logistics, Coop, Migros, etc..) Ces wagons seront alimentés par des énergies renouvelables.
Pas de précisions sur le bilan carbone du chantier titanesque
Les émissions du secteur devraient ainsi être réduites de 80%, selon les projections de l’entreprise. Le rail consomme en effet 6 fois moins d’énergie et produit 8 fois moins de particules à la tonne par kilomètre transportée que la route. Toutefois, CST ne donne pas de précisions sur le bilan carbone du chantier titanesque. Par ailleurs, il faudra attendre 2031 pour que le premier tronçon de 70 km de tunnels et dix hubs, entre Zurich et Härkingen-Niederbipp, soit opérationnel puis 2045 pour que l’intégralité des près de 500 kilomètres relient l’ensemble des grandes villes du pays.
Même sans ce projet, le pays est déjà en avance dans ce domaine avec un fret ferroviaire qui représente 35% du transport des marchandises, contre 9% en France. "La Suisse a depuis plusieurs années un schéma directeur de la logistique pour un report modal du transport de marchandises. Cette volonté politique est une étape cruciale", salue Reuben Fisher, chef de projet fret pour le Shift Project.
Une volonté politique indispensable
En France, "le transport est le secteur le plus dépendant des énergies fossiles liquides (à 90 %), le plus émetteur de gaz à effet de serre et le seul dont les émissions n’ont pas baissé depuis trente ans", rappelle l’expert en logistique. Pour transformer ce secteur dont on ne peut pas se passer, "il est indispensable d’avoir une volonté politique", martèle le spécialiste. Il plaide ainsi pour la création d’un ministère des transports et de la logistique qui deviendrait une "activité stratégique régalienne". Le ministère reformé "serait chargé de mettre en œuvre la planification écologique de tout le secteur avec des interdictions et des obligations et une trajectoire de décarbonation obligatoire".
Il a ainsi coordonné, avec le Shift Project, ce plan de transformation du fret à horizon 2050. A cette date, les émissions du secteur devront avoir baissé de 97%. Pour ce faire, le think tank dirigé par Jean-Marc Jancovici estime que 25% des trajets routiers vont être réduits d’ici là, grâce notamment au mouvement de relocalisation. Mais l'objectif sera atteint "grâce à des mesures politiques fortes permettant un report modal vers le ferroviaire et le fluvial". Le but est aussi "d’électrifier le trafic routier, via un changement de motorisation des véhicules mais surtout au moyen de la création de portions d’autoroutes électrifiées", indique Reuben Fisher.