Maguelone Du Fou
Par Margherita Nasi
EnquêtePeu à peu, les formations d’ingénieurs ou de commerce intègrent les enjeux écologiques et sociaux dans leurs enseignements. Certaines s’engagent même dans une profonde mue académique.
Peut-on, en école d’ingénieurs, imaginer le futur non pas sous le prisme des hautes technologies, mais à travers la sobriété et la résilience ? A Centrale Nantes, six jeunes ont fait ce pari. Un projecteur diffuse sur le mur de la salle de cours l’image du premier catamaran fabriqué à partir de fibres de lin, We Explore. Conçu par le navigateur Roland Jourdain, il participera à l’édition 2022 de la Route du rhum, dont le coup d’envoi sera donné le 6 novembre. Quand le bateau sera revenu de sa course transatlantique, les étudiants devront l’équiper avec des solutions simples, robustes, facilement repérables. « Ici, nous formons des ingénieurs capables de relever le défi climatique et toutes les crises associées », affirme Jean-Marc Benguigui, responsable de l’option « ingénierie des low-tech ».
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Ses élèves sont à l’image de ce nouveau programme, lancé en septembre : pionniers et engagés. Auriane Raffenot et Ilan Vermeren rentrent d’une année de césure. La première était en service civique au sein d’une association qui œuvre à l’insertion professionnelle de personnes exilées dans des métiers écologiques. « La plupart des personnes en exil sont très résilientes, elles se sont débrouillées toute leur vie, et les low-tech, c’est un peu ça aussi : faire avec ce qu’on a pour trouver des solutions qui intègrent la technologie de façon simple et durable », explique l’étudiante de 22 ans. Le deuxième a passé un CAP boulanger et rentre du Brésil, où il a découvert la permaculture en woofing – une forme de tourisme alternatif où on offre sa force de travail dans une ferme biologique contre le gîte et le couvert. « Je ressens un peu de distance avec les autres élèves de Centrale, reconnaît-il. La voie royale en école d’ingé, c’est encore l’intégration des grandes boîtes du CAC 40. Mais rien qu’avec l’explosion des factures de gaz et d’électricité, tout le monde va finir par s’intéresser aux low-tech. » Guilwen Meunier, 21 ans, a, lui, choisi cette option pour « prouver que la sobriété a un rôle majeur à jouer dans les écoles d’ingénieurs ».
« Les low-tech ont toute leur place en école d’ingénieurs, mais ce n’est pas encore acquis. Avec cette nouvelle option, on casse les codes » Jean-Baptiste Avrillier, directeur de Centrale Nantes
Lorsque cette filière a été présentée, une partie du corps professoral a réagi avec scepticisme, retrace Jean-Marc Benguigui : « On pense encore que les low-tech, c’est du bricolage, qu’on choisit ce parcours pour travailler dans une ferme du Larzac. » Voilà pourquoi Jean-Baptiste Avrillier a tenu à ce que le terme « ingénierie » figure dans l’intitulé. Les low-tech, explique le directeur de l’Ecole centrale de Nantes, sont « aussi compliquées que les high-tech. Elles ont toute leur place en école d’ingénieurs, mais ce n’est pas encore acquis. Avec cette nouvelle option, on casse les codes ». Depuis son arrivée aux manettes de l’école, en juillet 2020, le polytechnicien a créé un poste de directeur du développement durable, adopté un plan d’action pour mobiliser aussi bien les activités de recherche et d’enseignement.
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