Les chercheurs du Tokamak à configuration variable en Suisse ont fait appel à DeepMind, une société spécialisée dans l'intelligence artificielle. L'utilisation d'une l'IA spécialement entraînée pour configurer automatiquement les champs magnétiques leur permet de tester différentes formes de plasma.
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La fusion nucléaire pourrait un jour satisfaire les besoins énergétiques de l'humanité, en fournissant de grandes quantités d'électricité propre. Toutefois, le développement de cette technologie connaît encore de nombreux obstacles. Des atomes d'hydrogène sont chauffés à des températures extrêmement élevées pour créer un plasma, ce qui devrait libérer beaucoup d'énergie.
L'un des problèmes est de trouver comment garder ce plasma à une température plus élevée que la surface du soleil suffisamment longtemps pour en extraire de l'électricité. C'est là qu'intervient DeepMind, une société sœur de Google, spécialisée dans l'intelligence artificielle. Dans un article publié dans la revue Nature, la firme s'est associée à Swiss Plasma Center pour créer une intelligence artificielle (IA) spécialisée dans la fusion nucléaire.
Une IA pour tester différentes formes de plasma
Pour contenir la réaction, les scientifiques utilisent des bobines génératrices de champs magnétiques. Elles doivent être parfaitement calibrées pour obtenir la forme voulue et s'assurer que le plasma ne touche pas les parois du réacteur. Pour tester d'autres configurations afin d'améliorer la réaction, il est nécessaire de tout recalibrer, ce qui est une tâche très complexe et très longue.
L’IA de DeepMind a été conçue pour recalibrer automatiquement les 19 bobines magnétiques à l'intérieur du Tokamak à configuration variable (TCV) en Suisse. Il s'agit d'un système d'apprentissage par renforcement profond basé sur un réseau neuronal. L'IA a d'abord été entraînée dans une simulation en observant comment chacune des bobines affecte la forme du plasma. Elle a ensuite dû tenter de calibrer les bobines pour recréer des formes spécifiques.
Deux plasmas stables pendant 200 millisecondes
L'intelligence artificielle a réussi à correctement reproduire plusieurs formes dont une coupe transversale en forme de D, similaire à celle qui sera utilisée dans le Réacteur thermonucléaire expérimental international (Iter) en construction dans le département des Bouches-du-Rhône et dont le démarrage est prévu pour 2025. Les scientifiques ont ensuite validé les résultats de la simulation en testant les configurations directement dans le TCV.
L'IA a permis aux chercheurs de tester de nouvelles formes de plasma, dont des « gouttelettes », où deux plasmas distincts existent au sein du Tokamak simultanément. Le système a réussi à les stabiliser pendant les 200 millisecondes du test. La fusion nucléaire représente un défi de taille pour l'IA, qui est plus souvent utilisée pour des tâches bien délimitées, comme le traitement d’images, ou au tour par tour comme pour les jeux. Ici, le système a dû gérer un flux continu mais qui ne peut pas être mesuré en continu.
Les résultats de cette collaboration pourraient influencer la conception de futurs tokamaks, voire accélérer le développement d'un réacteur à fusion viable. Reste à voir si l'IA parviendra à obtenir des résultats similaires sur des tokamaks plus grands.