Proposer un accueil et des recommandations personnalisés aux visiteurs est une pratique qui remonte au siècle dernier. 25 ans après, plus aucun internaute n’est impressionné par une page d’accueil personnalisée selon son profil. Pour capter à nouveau leur attention et gagner leur confiance, les marques doivent proposer des dispositifs marchands plus sophistiqués, simplifiant toujours plus l’accès à la bonne offre. Pour ce faire, les annonceurs peuvent maintenant s’appuyer sur la puissance des modèles génératifs pour proposer de véritables concierges numériques.
En synthèse :
Depuis les débuts du commerce en ligne (il y a quasiment 30 ans), des billiards de $ ont été dépensés pour amener les internautes sur les boutiques en ligne, c’est ce que l’on appelle l’acquisition de trafic, et c’est ce qui a fait la fortune de Google et Meta (entre autres).
Mais ça, c’était avant le lancement de ChatGPT et cie, car les chatbots grignotent petit à petit le temps et l’attention des utilisateurs, privant ainsi les éditeurs de contenus et les apporteurs de trafic de leur principale source de revenus : As AI Takes His Readers, A Leading History Publisher Wonders What’s Next.
Le problème décrit dans l’article précédent n’est pas simplement un changement d’aiguillage (remplacer une source de trafic par une autre), mais une menace plus profonde, car les chatbots n’affichent pas de liens, mais une synthèse des contenus aspirés pendant leur phase d’entrainement.
Est-ce une menace existentielle pour les éditeurs de contenus et moteurs de recherche ? Oui et non, car les habitudes sont longues à changer, et car il y a de nombreuses pièces à prendre en compte dans le vaste puzzle du e-marketing.
Les chatbots sont aimeraient bien être les nouveaux intermédiaires
Vous avez certainement dû lire beaucoup de choses et entendu beaucoup de discours annonçant la fin des moteurs de recherche et la future « ère des chatbots », ces nouveaux acteurs qui vont supplanter les plateformes numériques en tant qu’intermédiaires ultimes entre les utilisateurs et les contenus / services / offres.
Depuis le lancement de ChatGPT en novembre 2022, on ne peut que constater que ce service plait beaucoup et que l’éditeur fait de gros efforts pour proposer toujours plus de fonctionnalités. L’audience reste néanmoins relativement réduite, mais elle progresse comme nous le démontre cette étude : Adobe Analytics: Traffic to U.S. retail websites from Generative AI sources jumps 1,200 percent.
Les trois principaux enseignements de cette étude sont les suivants :
- Le trafic en provenance des chatbots est en hausse spectaculaire (en moyenne +1.200%), mais ne représente encore qu’une très faible part, en moyenne 0,17% du trafic total (New Study of 3,000 Sites: 63% of Websites Receive AI Traffic) ;
- Le nombre de pages vues par session originaire d’un chatbot est en hausse constante ;
- le taux de conversion des visiteurs provenant des chatbots s’aligne petit à petit avec ceux en provenance d’autres sources.
Ces statistiques confirment ce que nous savions déjà : à mesure que les utilisateurs passent de plus en plus de temps sur les chatbots, ils leur accordent une meilleure confiance, donc représentent un apport de trafic de qualité.
Outre les premiers cas d’addiction aux chatbots qui sont encore marginaux (Something Bizarre Is Happening to People Who Use ChatGPT a Lot), les chatbots sont donc une nouvelle source de trafic à choyer, d’autant plus que certains chatbots proposent maintenant des agents capables de réaliser des transactions : Perplexity partners with Seattle startup Firmly to boost shopping features within AI search app.
Les agents transactionnels sont-ils une réalité de marché ? Ce n’est ni l’endroit ni le moment pour en discuter, car je vous réserve ça pour un prochain article. Je préfère dans l’immédiat vous parler de l’usage des smartphones l’on peut faire non pas en dehors, mais sur son site.
Acquisition > Transformation (?!?)
Si ces centaines de milliards de $ sont dépensés chaque année sur l’acquisition de trafic, les sommes investies pour transformer ce trafic entrant en commandes sont beaucoup plus petites. Pourtant, les différentes pratiques d’amélioration du taux de transformation sont parfaitement maitrisées : e-merchandising, utilisabilité, ergonomie incitative… J’ai beaucoup de mal à expliquer le déséquilibre entre les deux, car le ROI est bien meilleur avec de l’optimisation du taux de conversion que de l’augmentation du trafic entrant.
Ceci est très dommage, car des progrès considérables ont été faits au fil des ans pour fluidifier la navigation (articles thématiques) et faciliter l’accès aux pages produit (menus XL). De gros progrès permettant d’améliorer considérablement l’expérience de visite et de fluidifier le parcours d’achat.
En revanche, la navigation au sein des catégories reste laborieuse, surtout s’il y a un catalogue à la fois large et profond. De même, l’identification du bon produit est une opération périlleuse, car tout repose sur les filtres et les tris, assurément le talon d’Achille des boutiques en ligne. Les e-commerçants essayent de contourner l’appréhension des filtres avec des boutons-capsules pour restreindre l’offre, mais ça reste compliqué pour les non-initiés, et pas très inspirant pour les habitués.
Vous pourriez me dire que le moteur de recherche interne est un moyen alternatif pour accéder au produit, et même mettre en avant les moteurs de dernière génération qui proposent de la saisie prédictive et intègrent même des images dans les résultats, mais ça serait faire l’autruche.
Ce qui nous amène à parler des chatbots, ou du moins de leurs dernières itérations.
Les chatbots comme alternatives aux menus et moteurs de recherche
Est-ce bien réaliste de penser que les chatbots peuvent se substituer aux menus de navigation et moteurs de recherches internes ? Oui et non, car des chatbots étaient déjà proposés sur les sites web il y a 20 ans (agents conversationnels), mais ils étaient très limités (à peine mieux qu’une FAQ). C’est notamment le cas de La Poste qui bénéficie certainement d’une des plus longue ancienneté sur le sujet avec des chatbots de différentes générations (cf. Un Assistant Courrier à votre service lancé en 2018).
Ces premiers chatbots étaient perfectibles, certes, mais la bonne nouvelle est qu’avec l’IA générative, il est possible de doter ces agents conversationnels de capacités de compréhension et d’action largement supérieure à tout ce que nous avons plus connaitre ces deux dernières décennies.
Les chatbots exploitant sur les modèles génératifs nous font logiquement reconsidérer leur utilisation dans un contexte d’accueil et d’orientation des visiteurs, car ils offrent une bien meilleure compréhension du besoin (grâce à un dialogue riche et de la reformulation) ainsi que des recommandations plus pertinentes (reposant sur des calculs probabilistes en fonction du profil de l’internaute) : De la commande en ligne à la vente en ligne grâce à l’IA générative.
Lors de leur dernière conférence annuelle, les équipes d’Adobe ont présenté une fonctionnalité qui pousse le concept de chatbot un cran plus loin avec un agent capable d’accueillir, d’orientation et de conseiller les visiteurs en fonction de leur profil tout en respectant la tonalité et l’expérience voulue par la marque : Adobe lance ses propres agents IA (en seconde partie d’article).
Avec Brand Concierge, l’ambition d’Adobe est de proposer une réelle solution de vente en ligne, ce qui fait une différence par rapport aux boutiques en ligne qui ne proposent « que » de l’achat passif en ligne (ce sont les clients qui doivent faire l’effort de parcourir le catalogue, mettre les produits au panier et passer la commande).
Vous noterez qu’Adobe reprend un concept déjà exploré par IBM à l’époque de Watson (une IA proposant du machine learning reposant sur des calculs statistiques) et de sa solution Fluid présentée en 2014 : The North Face Testing Watson-Powered Virtual Personal Shoppers.
Idem à l’époque des chatbots dans les applications de messagerie (2016-2017), de nombreuses marques proposaient des chatbots marchands pour aider les utilisateurs à trouver les produits correspondant à leurs besoins, mais ça restait très laborieux : Des chatbots au conversational commerce.
Plus récemment, nous avons vu arriver une nouvelle génération d’assistants intégrés à des boutiques en ligne (ex : Amazon debuts AI-powered Shopping Guides), mais il s’agit de solutions propriétaires, avec des coûts de développement et d’exploitation très élevés. De plus, un assistant d’achat comme Rufus est capable de répondre à vos questions, mais ne va pas se charger de l’accueil et de l’orientation des visiteurs : Amazon veut bousculer l’expérience d’achat en ligne avec son assistant Rufus.
Enfin, sachez qu’il existe déjà de nombreux services en ligne pour créer votre propre chatbot, mais ce sont des solutions externes qu’il faut intégrer à votre écosystème marchand :
- 11 exemples de conversations chatbot pour générer des ventes (iAdvize)
- Chatbot x E-commerce : Optimiser l’expérience client (Dydu)
En théorie, ça fonctionne , mais la mise en pratique est généralement plus compliquée de prévue, et le résultat plutôt limité du côté des utilisateurs.
Encore et toujours un problème d’accès aux données
Dans les solutions qui sont évoquées juste au-dessus, ce ne sont pas les chatbots en tant que solution technologique qui posent problème, mais leur intégration. Comme expliqué, ces agents conversationnels sont généralement entrainés à l’aide d’une FAQ, mais ne sont pas réellement connectés à la base de données de produits (le PIM) ou aux actifs visuels ou éditoriaux de la marque (le DAM). Pour faire simple : ces chatbots « en kit » ne sont pas intégrés à l’écosystème marketing / commerce des marques, sauf à l’aide d’un développement spécifique.
Avec Brand Concierge, Adobe offre aux marques une solution clé en main pour offrir aux visiteurs un chatbot personnalisé (respectant la personnalité de la marque) permettant de fluidifier la découverte de l’offre (recommandations et comparaisons de produits) en s’appuyant sur le profil de l’utilisateur (historique d’achats) pour pouvoir faciliter la transaction (connexion au catalogue et à l’inventaire) : Adobe Launches Adobe Experience Platform Agent Orchestrator for Businesses to Activate AI Agents in Customer Experiences and Marketing Workflows.
Tout l’intérêt de cette solution est de pouvoir accueillir les visiteurs dès la page d’accueil et de les guider dans leur découverte des produits jusqu’à identifier la meilleure offre à travers une série de questions / réponses et de propositions. Ici, nous sommes clairement dans un dialogue de vente comme on les pratique en boutiques où le vendeur s’efforce d’en savoir plus sur les besoins et contraintes des clients pour ne leur proposer que ce qui a le plus de chance de les intéresser (plutôt que de les laisser errer dans les rayons).
Cette solution est particulièrement adaptée aux boutiques en ligne BtoC quand l’offre est exhaustive (catalogue large et profond), mais également en BtoB lorsque les besoins des clients sont très spécifiques (répondant à des contraintes précises). C’est précisément dans ces configurations que les solutions intégrées se révèlent particulièrement efficaces : car elles prennent en compte tous les paramètres du contexte de vente (le profil et l’historique du client, les caractéristiques des produits, la saisonnalité des offres…). L’agent conversationnel se révèle alors un levier d’optimisation de la satisfaction (conseils) et de la transformation (recommandations).
Mais le plus intéressant, c’est qu’il se substitue au site web lui-même.
Les chatbots comme alternatives aux sites web
L’idée de remplacer les sites web (statiques de par leur architecture) par des chatbots (forcément dynamique) n’est pas neuve, car nous en parlions déjà en 2106 quand on nous annonçait la révolution de l’IA en tant qu’interface : AI is the new UI ? Non, je ne pense pas!
Vous vous doutiez qu’à l’époque les utilisateurs n’étaient pas réellement prêts à abandonner le principe de site web (un ensemble de pages avec des contenus et fonctionnalités) pour adopter celui des chatbots, ce qui représente un véritable changement de paradigme pour les interfaces web (AI: First New UI Paradigm in 60 Years).
Plus récemment, avec les progrès apportés par les modèles génératifs, et notamment leur capacité à générer des interfaces web ou mobiles, certains se sont réappropriés cette idée, notamment Deutsche Telekom avec un concept de smartphone sans application qui génère des interfaces à la volée en fonction des besoins de l’utilisateur : Des contenus personnalisés aux interfaces personnalisées. Un concept qui n’est rendu possible que grâce aux modèles génératifs d’interfaces, une pratique dite de « Generative UI ».
En poussant la réflexion un peu plus loin, on se rend compte que ce changement de paradigme ne concerne pas que les interfaces, car la question de fond est de savoir qui a la maitrise des utilisateurs, donc de qui a le pouvoir de déclasser les éditeurs de contenus et services pour en faire de simples fournisseurs de flux RSS et d’APIs (cf. Les plateformes numériques digèrent le monde).
Les plus attentifs feront remarquer que ce principe est grosso modo la promesse des super apps que l’on trouve principalement en Asie (L’avènement des super apps), mais qui n’ont pas réussi à s’implanter en Occident. Qu’à cela ne tienne, les agents intelligents et assistants numériques ambitionnent d’aller un cran plus loin en agrégeant tous les contenus et services possibles : Les agents intelligents sont-ils les nouveaux navigateurs web ?
Pour pouvoir tenir cette promesse, les éditeurs d’agents et d’assistants doivent intégrer un maximum de contenus et services pour pouvoir couvrir tous les besoins de leurs utilisateurs. Un authentique défi technologique pour lequel il existe bien un standard qui est en train de s’imposer (MCP pour « Model Context Protocol »), mais les choses ne sont malheureusement pas si simples : MCP – It’s Hot, But Will It Win?
Le défis technique et économique que représente la mise au point d’un middleware universel semble ainsi hors de portée, ceci explique pour le moment la position dominante des géants numériques qui semblent les seuls à pour imposer leur assistant respectif : Comment les Big Techs vont s’accaparer le marché de l’IA.
S’il n’est pas possible d’envisager un chatbot, un agent ou un assistant universel capable de répondre à tous les besoins, il est néanmoins tout à fait envisageable de porter cette ambition à l’échelle d’une marque : de proposer un « guichet unique » qui permettrait de plus de conserver la maitrise de la relation avec les clients.
Un point d’entrée unique pour éviter de devenir un simple fournisseur
Après ces digressions, je vous propose de conclure cet article en recentrant le propos sur les agents conversationnels. Comme nous venons de le voir, les chatbots de nouvelle génération comme ChatGPT ou Perplexity remportent un rand succès, car ils autorisent de nouveaux usages et apportent surtout une solution pragmatique à la pléthore de contenus et services en ligne.
Jusqu’à très récemment, ce sont les plateformes et places de marché qui étaient les destinations à la mode pour les utilisateurs, les lieux de rencontre en l’offre et la demande. Si les utilisateurs affectionnent les plateformes et marketplaces pour le gain de temps et le confort d’usage, les fournisseurs de contenus et services sont les grands lésés dans cette histoire, car ils se retrouvent dans une position asymétrique par rapport à l’éditeur de la plateforme ou de la place de marché. Avec un chatbot ou un assistant, l’asymétrie sera encore plus grande, d’où la nécessité pour les marques de ne pas rester passives, mais au contraire de (re)prendre l’initiative en développant leur propre chatbot.
Mais dans la mesure où les chatbots existent depuis presque deux décennies, les marques doivent offrir une proposition de valeur plus forte pour regagner l’intérêt et la confiance des clients avec non pas un simple agent conversationnel, mais un authentique concierge capable de connaitre l’historique des achats et de prendre en compte le profil des clients pour faire des recommandations pertinentes, de respecter la charte graphique / éditoriale de la marque pour ne pas dégrader l’expérience, et de proposer une mécanique transactionnelle fluide. Un cahier des charges sacrément compliqué si vous devez tout faire à la main, mais réaliste si vous vous appuyez sur un socle technologique unifié.
Avec cette argumentation, j’espère vous avoir bien fait comprendre que ce que propose Adobe n’est pas juste une nouvelle fonctionnalité sympa, mais une tout autre approche du commerce en ligne avec un parcours d’achat dynamique : ce sont els produits qui viennent au client, et non plus lui qui doit faire l’effort d’y accéder.
En toute honnêteté, je suis bien incapable d’évaluer le potentiel d’un tel dispositif marchand (d’anticiper la réaction et l’appétence des internautes), mais je suis enthousiaste à l’idée que nous pouvons potentiellement explorer d’autres modalités que celle des catalogues en ligne.
La priorité pour les marques est maintenant de retrouver la maitrise de leurs contenus, offres et services (ex : comparateur) pour pouvoir les mettre à contribution à travers une expérience unifiée qui peut être un chatbot sur un site web, un assistant dans une application mobile, un agent dans un environnement virtuel… Peu importe le format utilisé pour interagir avec les utilisateurs et clients, l’important est d’améliorer l’efficacité marchande en s’appuyant sur une centralisation des contenus, offres et services. C’est en quelque sorte un premier pas pour limiter sa dépendance aux places de marché, plateformes et aux assistants numériques des big techs.