C’est historique : la banque BNP Paribas est aujourd’hui mise en demeure pour manquement à son devoir de vigilance en matière climatique par 3 associations : Oxfam France, Les Amis de la Terre et Notre Affaire à tous.
Ces associations alertent depuis des années sur la responsabilité de la finance dans la crise climatique. BNP Paribas est la banque française qui finance le plus les énergies fossiles, avec un total de 141 milliards de dollars pour la période 2016-2021, dont 55 milliards pour le développement de nouveaux projets fossiles. Alors que le changement climatique a d’ores et déjà des conséquences désastreuses partout dans le monde mais également en France où les canicules de l’été 2022 ont fait plus de 10 000 morts, il est temps que l’argent de la finance serve enfin à la transition vers un futur soutenable.
Contexte de cette mise en demeure
La mise en demeure de BNP Paribas représente le premier pas vers une action en justice inédite, la première au monde à viser une banque commerciale pour ses activités à haut risque climatique dans le secteur pétro-gazier.
Les trois ONG franchissent aujourd’hui une nouvelle étape en mettant BNP Paribas en demeure de cesser immédiatement de soutenir financièrement – directement comme indirectement – les nouveaux projets d’énergies fossiles et de se conformer à l’objectif de limiter le réchauffement global à 1,5 °C.
Rappelons ce que dit le dernier rapport du GIEC. Non seulement il ne faut plus aucun nouveau puits pétrolier ou gazier dans le monde, mais sans fermeture anticipée d’une partie des exploitations de charbon, gaz et pétrole, nous dépasserons un réchauffement mondial de +1.5°C. Malgré les alertes répétées des scientifiques, la banque continue de faire l’inverse.
Alexandre Poidatz, responsable de plaidoyer Oxfam France, rappelle à juste titre que « chaque nouveau projet fossile financé par BNP Paribas c’est davantage de sécheresses, d’inondations, de feux de forêt, et mais aussi de hausse de prix de l’énergie, y compris pour les citoyen·nes en France. Ce qui s’ouvre c’est le procès d’un monde qui change, afin que la finance d’aujourd’hui façonne le monde durable de demain. »
Les demandes des associations à BNP Paribas
Cinq demandes précises ont été formulées par les trois associations à BNP Paribas :
- Une cartographie présentant, analysant et hiérarchisant les risques d’atteintes graves résultant des activités de BNP dans le secteur des énergies fossiles, régulièrement mise à jour.
- Une quantification concrète de l’impact de ses activités sur les risques identifiés, analysés et hiérarchisés, incluant les émissions de gaz à effet de serre exhaustives – en valeur absolue et couvrant les scopes 1, 2 et 3 – de BNP et des entreprises soutenues, ainsi que les flux et stocks – montant et part – de financements et d’investissements aux entreprises dans les différents secteurs des énergies fossiles.
- Des actions adaptées de prévention des atteintes graves et d’atténuation des risques, permettant de s’aligner sur une trajectoire compatible avec l’objectif de limiter le réchauffement climatique à 1,5°C de l’Accord de Paris, en cohérence avec l’engagement pris par BNP de financer un monde neutre en carbone à l’horizon 2050 :
- l’arrêt immédiat de tout soutien financier aux entreprises qui développent des nouveaux projets d’énergies fossiles ;
- l’adoption d’un plan de sortie du secteur pétro-gazier, conforme aux exigences scientifiques de baisse de la production d’énergies fossiles d’ici 2030, pour une sortie finale d’ici 2050 ;
- la mise en place de mesures de réduction des émissions de dioxyde de carbone (CO2) et de méthane (CH4) – en valeur absolue et couvrant les scopes 1, 2 et 3 – de BNP, au minimum de 45 % en 2030 par rapport à 2010, équivalent à une réduction annuelle d’environ 7 %.
- Un dispositif de suivi périodique des mesures du plan mises en œuvre et une évaluation régulière de leur efficacité.
- La mise en place d’un mécanisme d’alerte et de recueil des signalements adapté.
BNP doit par ailleurs conditionner la poursuite de tout soutien financier à la publication et la mise en œuvre effective par ses clients de stratégies climat alignées sur une trajectoire 1,5 °C et respectant a minima les exigences listées ci-dessus.
Vers un procès pour BNP Paribas ?
Les associations rappellent formellement BNP Paribas à ses obligations légales issues de la loi sur le devoir de vigilance entrée en vigueur en 2017. [1]. Elles considèrent que la banque ne possède pas de plan solide d’identification, d’atténuation et de prévention des risques induits par ses activités pour l’environnement et les droits humains.
Concrètement, BNP Paribas a désormais trois mois pour se mettre en conformité avec la loi, délai à partir duquel, en l’absence de réponse satisfaisante, les associations pourront se tourner vers le juge. Cette action en justice constituerait le premier contentieux climatique au monde à mettre un acteur financier face à ses obligations légales et à demander l’arrêt immédiat du soutien aux nouveaux projets pétroliers et gaziers.
Comment agir en tant que citoyen ?
Cette initiative sera suivie d’une importante campagne de sensibilisation et de mobilisation à l’attention du grand public. En effet, trop peu de personnes connaissent les activités des banques, et encore moins leur rôle dans le réchauffement climatique.
Comme pour l’Affaire du Siècle en France, il y a une pétition, qui espérons-le mobilisera le plus possible de personnes pour alerter sur le rôle de BNP Paribas (et des autres banques) dans le réchauffement climatique. L’objectif est d’obtenir au moins un million de signatures !
Références
↑1 | Cette loi française pionnière devrait permettre des avancées considérables en termes de justice environnementale. Elle oblige certaines grandes entreprises multinationales françaises, dont les banques et autres acteurs financiers, à prendre des mesures propres à identifier et à prévenir les risques d’atteintes graves aux droits humains, à la santé et à la sécurité des personnes, et à l’environnement résultant de leurs propres activités et celles de sociétés qu’elles contrôlent directement ou indirectement, ainsi que celles de leurs fournisseurs et sous-traitants avec lesquelles elles entretiennent une relation commerciale établie, et ce tant en France qu’à l’étranger. Ces mesures doivent être publiées annuellement dans un plan de vigilance, mises en œuvre de façon effective et suivies par l’entreprise pour s’assurer de leur efficacité |