Quiconque a côtoyé de plus ou moins près un drone, gros ou petit, sait à quel point le bruit que ces choses volantes émettent est désagréable à l'oreille humaine –l'impression d'être chargé par un moustique tigre de la taille d'une vache, une chignole pour tympans sensibles, la discrétion d'une tondeuse à gazon qui chercherait à atteindre les nuages. C'est le propre des hélices, conçues pour pousser l'air derrière elles et, ainsi, offrir de la propulsion à l'appareil qu'elles portent: elles font du bruit. Parfois beaucoup. Toujours trop.
Ainsi que l'explique New Atlas, les fréquences atteintes dans les airs sont similaires à celles des cris d'un bébé –on ne s'étonne donc pas de les trouver crispantes. Et ce n'est pas le cas que dans les airs: les hélices marines sont également très sonores. Ce qui peut être quelque peu ennuyeux –demandez à un sous-marinier, par exemple.
Comme le précise également le site, la forme générale de l'hélice, qu'elle soit dessinée pour un aéronef ou pour un navire, n'a que marginalement changé ces derniers siècles et millénaires, avec des gains limités en efficacité.
Une équipe du Structural and Thermal-Fluids Engineering Group du laboratoire Lincoln, qui dépend du MIT, s'est penchée sur la question: et si, après tout ce temps, on changeait un peu leur forme? «Quand les gens arrivaient avec des idées folles au début des années 1900 ou pendant la Seconde Guerre mondiale, quelques designs représentaient, en gros, des ailes en anneaux. Alors, je me suis demandé ce que donnerait l'une de ces ailes en anneaux si on la transformait en hélice», raconte le Dr Thomas Sebastian, l'un des membres du laboratoire susnommé.
«Notre concept initial a été d'utiliser une forme toroïdale, cette aile en forme d'anneau, pour, nous l'espérions, en faire une hélice silencieuse», poursuit-il, indiquant que l'un de ses stagiaires, expert en impression 3D, a permis de créer et de tester de nombreuses itérations de la chose.
De l'air à l'eau
Leur instinct ne les a pas trompés: comme vous pouvez le constater dans la vidéo ci-dessous, non seulement l'hélice inventée est beaucoup plus silencieuse, mais elle ne «joue» pas les mêmes fréquences. Résultat: un drone, à pleine puissance, sonne plus comme un ventilateur que comme une armée de bourdons furieux.
The toroidal propeller, one of the Lab's @RD100Awards winners, has a unique, closed-form propeller design that makes it a significantly quieter alternative to common multirotor propellers on commercial uncrewed aerial vehicles. https://t.co/hgda3NgYIz pic.twitter.com/5XkIxNVPHd
En outre, l'équipe a bien sûr testé les performance pures de propulsion de son hélice. En faisant moins de bruit, a-t-elle perdu en efficacité? Il semble que non, c'est même l'inverse: à puissance égale, ce bidule qu'ils ont baptisé B160 fournit plus de poussée qu'une hélice classique. Bonus d'autant plus appréciable que son bruit moins prononcé permettra peut-être aux drones de voler plus près des humains, sa forme en anneau fermé rend l'hélice toroïdale moins dangereuse en cas de contact avec la chair.
Comme l'explique New Atlas, l'équipe n'en est encore qu'à ses balbutiements. Il est impossible de dire jusqu'à quelle échelle l'hélice toroïdale pourra être appliquée. Le sera-t-elle pour les taxis et voitures volantes, les appareils militaires à décollage et atterrissage vertical, ou seulement pour les drones les plus petits? En outre, une hélice toroïdale reste, à ce jour du moins, plus complexe à fabriquer qu'une hélice normale.
Ce que fera le MIT de son hélice reste donc encore un mystère. Mais d'autres, dans un domaine différent, ont déjà appliqué avec succès le concept de la forme toroïdale. New Atlas raconte ainsi l'histoire de Sharrow Marine, une entreprise qui a fait sienne l'idée et qui l'applique au domaine nautique.
Les résultats sont semble-t-il spectaculaire, à la fois en matière de bruit et de poussée. À l'inverse de celles d'hélices classiques, les extrémités des hélices toroïdales de Sharrow Marine ne créent en effet aucun vortex. Une grande partie du bruit autrefois généré est ainsi éliminée et l'ensemble propulse plus d'eau, gagnant donc également en efficacité. À puissance égale, le bateau va plus vite et consomme moins (il est question de 20% d'économies de carburant), et présente l'avantage de pouvoir accélérer sans couper la discussion de ses occupants.
L'inconvénient, il en faut bien un, c'est le prix: Sharrow Marine, qui les adapte à la demande et aux différents moteurs, vend ses hélices toroïdale quelque 4.600 euros, quand une hélice lambda coûte environ dix fois moins cher. Le silence est d'or, dit-on, pour les poissons aussi.