Après une ascension fulgurante, l'immobilier dans le métaverse a plongé. Les maisons et appartements virtuels achetés des millions ne valent presque plus rien. Malgré tout, le rêve d'un métavers où le réel et le virtuel fusionnent reste tenace. Les technologies de réalité virtuelle se perfectionnent pour s'intégrer dans le quotidien alors que leur coût écologique est encore peu mesuré.
Le metavers Decentraland organise fin septembre une biennale d'architecture. Ici, la création illustre "la présence du futur".
@Decentraland
Emménager à côté du rappeur Snoop Dog, se muscler dans une salle de fitness virtuelle ou encore visiter le Metropolitan Museum of Art, le plus grand musée d'art des États-Unis. Tous les rêves ou presque sont permis dans les métaverses, ces mondes virtuels qui brouillent la frontière avec le réel. À tel point que le prix au mètre carré des parcelles a bondi de 879% entre septembre 2019 et mars 2022 selon Chainalysis, une agence spécialisée dans la blockchain. Le record : une maison vendue à 4,3 milliards de dollars sur la plateforme Sandbox, considérée comme un précurseur du métaverse.
Un an plus tard, les prix se sont effondrés. Sur Decentraland, une autre plateforme populaire, le cours a chuté de 78% en 2022 et la tendance se poursuit en 2023, selon l'outil d'analyse WeMeta. Ainsi, en septembre 2023, une parcelle d'un mètre carré coûte 2,14 dollars sur Decentraland et 0,05 dollar sur Sandbox, un autre métaverse populaire, contre 6530 pour l'immobilier réel en Île-de-France.
"Le métaverse n'est pas la priorité"
"C'est la fin d'une euphorie, explique à Novethic Julien Pillot, économiste spécialiste du numérique. De nombreuses entreprises ont cru pouvoir obtenir des retours sur investissement rapides mais l'engouement du grand public et la maturité technologique ne sont pas encore là. " Autre signe des difficultés du marché, les 43 milliards de pertes cumulées de Reality Labs, filiale de Meta chargée du développement du métaverse Horizon Worlds, depuis sa création en 2019. "Face à la récession économique et la fin de politiques monétaires accomodantes, investir dans le métaverse n'est pas la priorité", ajoute Julien Pillot.
L'aventure des métaverses n'est pas terminée pour autant. "L'erreur de ces plateformes a été de vouloir créer des modèles économiques avant de créer des communautés de fidèles", explique Maud Clavier, directrice générale de Vrroom, une plateforme dédiée aux spectacles immersifs. Le fait que ces plateformes aient choisi l'usage de cryptomonnaies, encore peu diffusées et mises à mal par un krach en 2021, a contribué à l'échec.
En parallèle, la réalité virtuelle, cette technologie immersive accessibles avec un casque, fait ses preuves : jumeaux numériques pour faciliter la maintenance dans les usines, formation à des gestes difficiles dans la santé ou encore la mécanique, concerts virtuels, visites collectives d'appartements organisées par des agences immobilières... Briques après briques, ces applications préfigurent le futur des métaverses.
"La promesse d'une existence bien plus douce et pacifiée"
"Pour quelques professionnels travaillant au développement de ces univers, le métaverse reste une valeur refuge. C'est la promesse d'une existence bien plus douce et pacifiée, loin de la dégradation de l'environnement réel", affirme l'économiste Julien Pillot. Dans la plateforme de spectacles immersifs Vroom, les utilisateurs peuvent créer leurs propres mondes, à l'image du jeu vidéo Fortnite ou du réseau social VRChat, considéré comme un métaverse. Egalement, le metavers Decentraland ne s'avoue pas vaincu et organise une biennale d'architecture entre le 21 et le 24 septembre afin de pousser la créativité de ses utilisateurs.
Les défenseurs des métaverses considèrent qu'ils peuvent contribuer à réduire l'empreinte carbone de certains évènements en évitant, par exemple, l'impact pharaonique de milliers de déplacements en avion. Toutefois, le sujet est débattu. Énergie nécessaire pour le fonctionnement des plateformes, fabrication et usage des casques de réalité virtuelle... "Le frein environnemental et énergétique est considérable pour le développement des métaverses", analyse Julien Pillot.
L'utopie d'un métaverse qui fait fusionner réel et virtuel n'existe pas encore. Pour le moment, "les législations sur le numérique développées en Europe apportent d'importants gardes-fous aux dérives possibles, observe Julien Pillot. Toutefois, "il faut observer les nouveaux usages, les comprendre et légiférer au besoin. Si un jour un monde 'oasis' virtuel s'impose à tous, sans alternatives, alors de nouvelles régulations pourront s'envisager", conclue-t-il.
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