La transformation fondamentale du système économique qu’appellent les grands enjeux contemporains nécessite un changement drastique de nos modes de vie, prévient l’économiste Thomas Piketty dans sa chronique.
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Disons-le d’emblée : il est impossible de lutter sérieusement contre le réchauffement climatique sans une redistribution profonde des richesses, à l’intérieur des pays comme à l’échelle internationale. Ceux qui prétendent le contraire mentent à la planète. Et ceux qui prétendent que la redistribution est certes souhaitable, sympathique, etc., mais malheureusement impossible techniquement ou politiquement, mentent tout autant. Ils feraient mieux de défendre ce en quoi ils croient (s’ils croient encore à quelque chose) plutôt que de se perdre dans des postures conservatrices.
La victoire de Lula face au camp de l’agrobusiness au Brésil redonne certes un peu d’espoir. Mais elle ne doit pas faire oublier que tant d’électeurs restent sceptiques face à la gauche social-écologique et préfèrent s’en remettre à la droite nationaliste et antimigrants, au Sud comme au Nord, comme l’ont montré les élections en Suède et en Italie. Pour une raison simple : sans une transformation fondamentale du système économique et de la répartition des richesses, le programme social-écologique risque de se retourner contre les classes moyennes et populaires. La bonne nouvelle (si l’on peut dire) est que les richesses sont tellement concentrées au sommet qu’il est possible d’améliorer les conditions de vie de l’immense majorité de la population tout en luttant contre le changement climatique, pour peu que l’on se donne les moyens d’une redistribution ambitieuse.
Autrement dit, chacun devra naturellement changer profondément son mode de vie, mais le fait est qu’il est possible de compenser les classes populaires et moyennes pour ces changements, à la fois sur le plan financier et en donnant accès à des biens et services moins énergivores et davantage compatibles avec la survie de la planète (éducation, santé, logement, transport, etc.). Cela passe par une réduction drastique du niveau de fortune et de revenu des plus riches, et c’est d’ailleurs la seule façon de constituer des majorités politiques pour sauver la planète.
Des milliardaires imposés à 5 %
Les faits et les chiffres sont têtus. Les milliardaires mondiaux ont poursuivi leur progression stratosphérique depuis la crise de 2008 et pendant la pandémie de Covid-19 et ont atteint des niveaux inédits. Comme l’a montré le rapport sur les inégalités mondiales 2022, les 0,1 % les plus riches de la planète détiennent désormais à eux seuls quelque 80 000 milliards d’euros de capitaux financiers et immobiliers, soit plus de 19 % des patrimoines à l’échelle mondiale (l’équivalent d’une année de PIB mondial). La part détenue par les 10 % les plus riches atteint 77 % du total, contre seulement 2 % pour les 50 % les plus pauvres. En Europe, que les élites économiques aiment présenter comme un havre d’égalité, la part des 10 % les plus riches est de 61 % du patrimoine total, contre 4 % pour les 50 % les plus pauvres.
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