Les comparateurs ont encore tendance à sous-estimer les émissions de CO2 du train, même si ce dernier reste le mode de transport collectif le moins polluant. (Shutterstock)
La SNCF va devoir revoir certaines de ses publicités concernant les émissions de CO2 comparées du train et de l'avion. Si le train est bien le mode de transport de masse le moins émetteur de CO2, le Jury de déontologie publicitaire (JDP) , saisi d'une plainte de la Fédération nationale de l'aviation (FNAM), a estimé que des publicités de la SNCF, selon laquelle « voyager en train à grande vitesse, c'est 50 fois moins de CO2 émis que pour un voyage en voiture et 80 fois moins qu'en avion », étaient de nature à tromper le public.
Plus précisément, le JDP écrit dans son avis que les deux publicités de la SNCF mises en cause par la FNAM - celle figurant sur un dossier de presse et le même message apposé sur ses motrices -, « méconnaissent les points 2 et 4 de la Recommandation « développement durable » de l'Autorité de régulation professionnelle de la publicité (ARPP) ». A savoir : « ne pas induire le public en erreur sur la réalité des actions de l'annonceur ni sur les propriétés de ses produits en matière de développement durable » (le point 2) et formuler un message clair, en indiquant « en quoi ses activités ou ses produits présentent les qualités revendiquées » (le point 4).
Une moyenne douteuse
Le JDP ne tranche pas sur le fond : à savoir la réalité du chiffre de « 80 fois moins » avancé par la SNCF et contesté par la FNAM. Il se contente de souligner que, de l'aveu même de la SNCF, ce ratio de « 80 fois moins » « doit s'entendre uniquement en moyenne, sur l'ensemble des trajets de longue distance en France ». Il relève « au surplus que les sources et méthodes de calcul utilisées pour aboutir au chiffre allégué figurent en très petits caractères, difficilement lisibles ».
Ce qui permet à la SNCF de réfuter l'accusation de publicité mensongère. « L'ARPP ne remet pas en question la pertinence du ratio d'environ 80 fois moins d'émissions en TGV qu'en avion, qui était un calcul de l'Ademe à la date de notre communication, mais recommande simplement de préciser qu'il s'agit d'une moyenne puisque selon les trajets ce différentiel peut être de plus ou moins 80 », souligne un porte-parole de la SNCF, qui ajoute que cette publicité avait été validée en son temps, par l'ARPP.
La SNCF « ne veut pas polémiquer »
« Nous nous conformerons à l'avis de l'ARPP, de préciser qu'il s'agit d'une moyenne », annonce néanmoins le porte-parole de la SNCF. « Par ailleurs, nous mettons évidemment à jour nos communications selon l'évolution de la base de calcul de l'Ademe, qui pose maintenant un ratio d'en moyenne 65 fois moins d'émissions de CO2 en TGV qu'en avion court-courrier ». « Nous n'avons aucune envie de polémiquer et de nourrir des combats d'arrière-garde », assure la SNCF.
Dans les faits, les chiffres avancés par la SNCF et les comparaisons avec l'avion n'en restent pas moins très contestables. En 2022, l'Ademe avait déjà dû revoir son comparatif CO2, qui présentait d'énormes écarts avec d'autres calculateurs, en alourdissant le bilan de l'avion. Ce changement de calcul avait conduit l'Ademe à revoir à la hausse l'impact carbone du voyage en train, ramenant ainsi de 80 à 50 le différentiel moyen avec l'avion.
De gros écarts entre calculateurs de CO2
Néanmoins, de gros écarts demeurent entre le comparateur de l'Ademe et celui, tout aussi officiel et plus précis, du ministère des Transports. Ainsi pour un Paris/Toulouse, le simulateur de l'Ademe avance le chiffre de 135 kg de CO2 par passager pour l'avion, contre 1,9 kg pour le TGV (et 4,9 kg pour les trains Intercités), tandis que celui de la Direction générale de l'aviation civile (DGAC) donne 66,7 kg de CO2 par passager pour un vol Paris/Toulouse, auxquels le site ajoute même 12,7 kg de CO2 au titre des opérations nécessaires à la production et à la distribution du carburant. Et ce, sur la base d'une consommation moyenne de 4,6 litres de kérosène aux 100 km par passager, alors que les avions les plus modernes, comme les Airbus A220 d'Air France , sont plutôt à 2,6 litres.
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De son côté, le comparateur de la SNCF affiche pour le même Paris-Toulouse, 1,7 kg de CO2 pour le train, en se limitant au TGV, et 77 kg pour l'avion. Toutefois, aucun de ces chiffres n'intègre le bilan carbone lié à la construction et à la maintenance des infrastructures, qui sont évidemment nettement plus importantes pour le train que pour l'avion.
Une étude européenne concluait que l'impact sur l'environnement d'une ligne à grande vitesse est tel qu'il faut au moins une dizaine d'années pour compenser les émissions de CO2 produites lors de sa construction.