Le service de presse de Destinus le présente comme un «Elon Musk russe», et l'ambition folle de l'«Hyperplane» de Mikhail Kokorich, décortiquée par New Atlas, pourrait effectivement être le fruit de l'imagination sans limite du patron de SpaceX.
Visant rien de moins qu'une révolution du secteur du transport de marchandises, l'entrepreneur venu de l'Est souhaite ainsi développer un aéronef pleinement autonome alimenté à l'hydrogène, présenté comme «zéro émission» et capable de transporter du fret à Mach 15 d'un continent à l'autre.
L'engin, est-il expliqué, «combine les avancées technologiques d'un vaisseau spatial et la physique simple des planeurs, pour créer un véhicule répondant aux exigences d'un monde hyperconnecté». Il pourrait décoller normalement de la piste d'un aéroport, accélérer tranquillement jusqu'à la côte, où un moteur de fusée le catapulterait jusqu'à la mésosphère, zone de très haute altitude entre l'atmosphère et l'espace où la résistance de l'air est très réduite.
À cette altitude, il pourrait atteindre sa vitesse de croisière de plus de 18.000 kilomètres par heure, avant de ralentir pour venir se poser comme une fleur, l'instant d'après ou presque, à quelques dizaines de milliers de kilomètres de là.
«La logique est simple. Si vous souhaitez déplacer quelque chose d'un endroit à un autre endroit sur Terre, vous devez dépenser de l'énergie dans plusieurs directions», a expliqué Kokorich lors d'une interview. Ces dépenses sont consacrées à s'arracher à la gravité terrestre, à la friction avec l'air, et enfin à l'énergie cinétique et la vitesse.
«Oui, nous avons besoin de faire accélérer notre véhicule à une très haute vélocité avec un moteur de fusée, poursuit-il. Donc nous dépensons plus d'énergie dans l'accélération. Mais parce que nous volons dix fois plus vite, et parce que nous volons à de telles altitudes, où il y a dix fois moins d'air qu'à 33.000 pieds, nos pertes liées à la gravité et celles liées à l'aérodynamique sont extrêmement faibles. En fait, on peut transporter quelque chose d'un continent à l'autre pour moins cher qu'avec des avions classiques. Ça semble étrange, mais ça ne l'est pas: nous dépensons au final moins d'énergie pour le faire.»
D'accord, mais...
Pour réussir ce qu'elle décrit elle-même comme un gros pari technique et commercial, Destinus devra trouver un système de refroidissement de l'hydrogène capable d'empêcher l'aéronef de fondre sous la pression et la chaleur, ainsi qu'un moteur-fusée qui puisse être réutilisé presque aussi facilement et longuement qu'un réacteur classique d'avion.
Et c'est peut-être là que le bât blesse, explique New Atlas. Si la start-up a déjà fait voler (à très faible altitude et très basse vitesse) un prototype nommé «Jungfrau», le développement de la machine finale devra reposer sur des technologies (moteur-fusée et hydrogène) qui, aujourd'hui, semblent hors de portée ou extrêmement complexes à développer et à commercialiser.
Enfin, note encore le site, la personnalité même de Mikhail Kokorich pose question. S'il a quelques réussites entrepreneuriales à son actif, comme le fabricant russe de mini-satellites Dauria Aerospace, Kokorich est aussi impliqué dans d'autres affaires suffisamment troubles et louches pour attirer l'attention de la justice américaine.
Enfin, la nature hypersonique même de l'engin que souhaite concevoir Destinus pourrait poser problème. Si transporter du fret à une telle vitesse peut constituer un fantasme de logisticien, un tel appareil volant à une telle vitesse se transformerait en une arme potentiellement dévastatrice, même sans charge militaire. Nul doute que les gouvernements du monde entier pourraient en prendre ombrage.