Les filtres à microplastiques seront bientôt obligatoires pour prévenir la pollution causée par nos vêtements. Reporterre fait le tour des solutions déjà disponibles et envisagées pour le futur.
Tous les lave-linge neufs devront être dotés d’un filtre à microfibres de plastique à compter du 1ᵉʳ janvier 2025. « Ou de toute autre solution interne ou externe à la machine », précise la loi antigaspillage et pour une économie circulaire (Agec) adoptée en 2020. Objectif : limiter la pollution causée par les centaines de milliers de fragments de plastique relargués dans l’eau à chaque lessive.
Composés de polyester, d’acrylique, d’élasthanne ou encore de polyamide, nos vêtements polluent tout au long de leur vie, et pas uniquement lors de leur phase de fabrication. Ils seraient responsables de près de 35 % de la pollution plastique mondiale des océans, selon une étude de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN) publiée en 2017.
Les dégâts causés par ces tonnes de microfibres sont encore mal évalués. On sait cependant qu’elles peuvent capter les métaux lourds, transporter des micro-organismes pathogènes et qu’elles finissent dans l’estomac des poissons et cétacés.
Ces filtres pourraient limiter cette pollution. Mais à quoi ressembleront-ils ? Industriels et pouvoirs publics planchent encore sur le décret d’application « pour définir les critères qui permettront de mettre en place des filtres performants », précise le ministère de la Transition écologique. Le texte devrait voir le jour d’ici fin 2023. Mais avant cela, un certain nombre de difficultés devront avoir été résolues : « La filtration sur ce type d’appareils à des niveaux inférieurs au millimétrique soulève des enjeux techniques (pression faible, débit important, mailles de filtre fines) », explique le ministère à Reporterre.
De grandes quantités de microplastiques se détachent des parties synthétiques des vêtements, surtout lors de leurs premiers lavages. © P-O. C./ Reporterre
Outre la question technique, se posent celles du surcoût et des contraintes d’usage pour l’utilisateur. « Comment nettoyer ces filtres ? Les consommateurs respecteront-ils les consignes ? Ces filtres se satureront-ils de fibres et faudra-t-il les changer ? Que deviendront les filtres usagés ? » s’interrogeait l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques (OPECST) dans un rapport publié en décembre 2020. Des premières réponses sont apportées par les rares fabricants qui commercialisent déjà des solutions de filtrage.
Quels systèmes de filtration sont proposés ?
Le groupe Beko est le seul à proposer deux lave-linge avec un filtre intégré au prix de 699 euros — un modèle est vendu sous son nom de marque et un autre sous marque Grundig. La technologie baptisée FiberCatcher et fabriquée en Turquie, s’active uniquement lors des programmes synthétiques. Situé à l’arrière du bac à lessive de la machine, le filtre est « très facile d’accès », assure l’industriel. Le circuit d’évacuation d’eau a été repensé pour que cette dernière repasse par le tiroir à lessive avant d’être rejetée. « Le groupe Beko travaillait sur ce sujet bien avant l’adoption de la loi, nous dit une porte-parole du groupe. Le filtre est constitué de plusieurs tamis aux mailles très fines et très serrées qui permettent de retenir les microparticules. »
Electrolux a pour sa part opté pour un filtre externe, fabriqué en Pologne à partir de plastique recyclé, et vendu 79,90 euros. L’appareil doit être installé sur un mur et relié au tuyau d’évacuation des eaux. Il s’adapte à tout type de lave-linge, assure Boulanger qui le commercialise et l’a testé sur différents modèles.
Que se passe-t-il quand le filtre est plein ?
Sur l’appareil Electrolux, un voyant s’allume. Il faut alors nettoyer la cartouche avec une petite brosse, et jeter les fibres microplastiques dans la poubelle des déchets ordinaires, « et non dans l’eau », précise la marque. Le filtre doit être remplacé tous les six mois environ et coûte 19,90 euros.
Même durée de vie et même prix de remplacement pour le filtre intégré dans les lave-linge Beko et Grundig, mais cette fois, pas besoin de nettoyage. « Une fois que les microplastiques sont emprisonnés dans le filtre, l’idée est justement de rendre impossible qu’ils s’en échappent et se retrouvent dans l’eau », explique le groupe Beko. L’utilisateur doit alors télécharger un bordereau en ligne pour renvoyer gratuitement la cartouche usagée au fabricant, qui se chargera de la confier à un organisme de recyclage. Pas sûr que tous les clients s’astreignent à cette démarche.
Ces filtres filtrent-ils suffisamment ?
Beko assure que son système Fibercatcher capture « jusqu’à 90 % des microfibres plastiques émises lors du cycle de lavage ». Mais il n’a pas pu nous indiquer la taille des particules retenues. Sylvien, un détenteur de ce lave-linge, regrette dans un commentaire posté sur le site de Boulanger que le filtre microfibres ne serve pas pour l’intégralité des programmes : « Vu la capacité [9 kg], les textiles sont souvent mélangés, donc ça fait vite gadget malgré l’intérêt mis en avant. » La marque lui répond qu’il n’est pas possible de l’utiliser sur l’intégralité des programmes « car son pouvoir de filtration serait rapidement altéré », en raison de la présence des fibres de coton.
Des sacs de lavage, dans lesquels insérer ses vêtements avant de les mettre dans la machine, pourraient faire partie des solutions les plus efficaces aujourd’hui. © P-O. C./ Reporterre
Electrolux promet également une capture jusqu’à 90 % des fibres microplastiques « de plus de 45 microns ». Dans une étude menée en 2016 par des chercheurs de la Plymouth University, la taille moyenne des fibres récoltées était comprise entre 11,9 et 17,7 microns de diamètre. Autrement dit, une grande part de ces microplastiques seraient passés à travers les mailles du filtre Electrolux. C’est tout l’enjeu des travaux en cours qui doivent mettre au point « une méthode de mesure normalisée et partagée », selon le ministère de la Transition énergétique.
D’autres solutions sont-elles envisageables ?
- Le lavage avant commercialisation
Dans son rapport de 2020, l’OPECST explique que « 60 à 80 % des fibres seraient libérées au premier lavage », d’après les chercheurs travaillant sur le relargage des fibres textiles qu’elle a auditionnés. Plus on les lave, moins les vêtements perdraient leurs fibres. Ainsi il estime que « si l’efficacité des filtres sur les machines à laver est encore incertaine, […] le lavage des vêtements avant leur mise sur le marché permettrait de limiter considérablement la libération des microfibres par les lessives ultérieures ». On pourrait alors imaginer un process de lavage industriel en amont avec des systèmes de filtration plus sophistiqués et performants.
- Le sac de lavage
De grands sacs dans lesquels on glisse ses vêtements avant lavage sont aussi présentés comme une solution pour filtrer les microplastiques. Le plus connu, GuppyFriend, a été initié par l’ONG allemande Stop Micro Waste en collaboration avec une équipe de chercheurs dont l’Institut Fraunhofer UMSICHT. Les tests menés par celui-ci (document en allemand) ont montré que le sac retenait en moyenne 79 % des microfibres pour les vêtements partiellement synthétiques et 86 % pour les vêtements entièrement synthétiques. Concernant les fibres les plus fines, « elles pourraient théoriquement se glisser dans les petites ouvertures du sac de lavage, précise la marque. Mais elles ne le font pas. Pour passer par l’ouverture, la fibre devrait traverser verticalement le tissu. Or, les fibres ne sont jamais positionnées verticalement, en raison de l’eau présente dans et autour du sac et du mouvement. »
Une étude menée en 2019 par une organisation de consommateurs néo-zélandaise semble confirmer une certaine efficacité, même si la filtration n’est pas parfaite. Pour limiter le plus possible le rejet de plastique, le consommateur doit également respecter certaines consignes de lavage (sac rempli aux deux tiers, cycles courts, maximum 40° C, essorage limité, pas de sèche-linge…), et bien veiller à jeter dans la poubelle ménagère les microparticules accumulées au bout de plusieurs lavages.
Alors que les alertes sur le front de l’environnement continuent en ce mois de septembre, nous avons un petit service à vous demander. Nous espérons que les derniers mois de 2023 comporteront de nombreuses avancées pour l’écologie. Quoi qu’il arrive, les journalistes de Reporterre seront là pour vous apporter des informations claires et indépendantes.
Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés exclusivement par les dons de nos lectrices et lecteurs : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre. Ce soutien vital signifie que des millions de personnes peuvent continuer à s’informer sur le péril environnemental, quelle que soit leur capacité à payer pour cela. Allez-vous nous soutenir cette année ?
Contrairement à beaucoup d’autres, Reporterre n’a pas de propriétaire milliardaire ni d’actionnaires : le média est à but non lucratif. De plus, nous ne diffusons aucune publicité. Ainsi, aucun intérêt financier ne peut influencer notre travail. Être libres de toute ingérence commerciale ou politique nous permet d’enquêter de façon indépendante. Personne ne modifie ce que nous publions, ou ne détourne notre attention de ce qui est le plus important.
Avec votre soutien, nous continuerons à rendre les articles de Reporterre ouverts et gratuits, pour que tout le monde puisse les lire. Ainsi, davantage de personnes peuvent prendre conscience de l’urgence environnementale qui pèse sur la population, et agir. Ensemble, nous pouvons exiger mieux des puissants, et lutter pour la démocratie.
Quel que soit le montant que vous donnez, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission d’information pour les années à venir. Si vous le pouvez, choisissez un soutien mensuel, à partir de seulement 1€. Cela prend moins de deux minutes, et vous aurez chaque mois un impact fort en faveur d’un journalisme indépendant dédié à l’écologie. Merci.
📨 S’abonner gratuitement aux lettres d’info
Abonnez-vous en moins d'une minute pour recevoir gratuitement par e-mail, au choix tous les jours ou toutes les semaines, une sélection des articles publiés par Reporterre.