Le glacier Thwaites, surnommé le glacier de l'apocalypse, est particulièrement surveillé depuis des années. Un gros glacier à l'ouest de l'Antarctique situé dans la Terre Marie Byrd. Des spécialistes ont signalé une nouvelle fissure importante détectée récemment.
Avec Mathilde Fontez, rédactrice en chef du magazine scientifique Epsiloon, on se penche aujourd'hui sur le glacier de l'apocalypse, le glacier Thwaites. Ces derniers jours, on dressait le bilan : 2021 est dans le top 5 des années les plus chaudes. Et ça n’est pas sans conséquences.
franceinfo : On mesure de plus en plus de fissures dans les glaciers de l’Antarctique, en particulier l’un d’entre eux...
Mathilde Fontez : Ce glacier est particulièrement surveillé par les spécialistes depuis des années. C’est le glacier Thwaites, et il même est surnommé "le glacier de l’apocalypse". Parce que c’est le plus gros : il fait un tiers de la surface de la France à peu près.
Et parce qu’il a une position stratégique : il se situe à l’ouest de l’Antarctique, à l’entrée d’une série de vallées qui sont en dessous du niveau de la mer. Il joue donc le rôle d’une sorte de bouchon de glace : s’il cède, tout risque de fondre derrière.
Or on observe des signes de faiblesse de ce glacier ?
Oui. Les glaciologues ont sonné l’alerte il y a quelques semaines, alors qu’ils étaient réunis à la Nouvelle-Orléans. De nouvelles fissures ont été détectées par les campagnes d’observation satellite.
Ces fissures progressent à des vitesses qui peuvent atteindre 2 kilomètres par an, c’est beaucoup. Et il y en a une qui s’étend jusqu’au milieu du glacier. Sans compter que d’autres mesures, réalisées par un robot plongeur montrent que la glace se creuse sous le glacier. Il fond par en-dessous.
L’eau s’insinue sous le glacier ?
De plus en plus, oui. Alors il faut rappeler ce que c’est qu’un glacier : c’est une rivière de glace qui, normalement, coule très doucement. Et ce glacier-là, il se jette dans la mer.
À l’avant, il y a donc une plateforme qui flotte sur l’eau et qui se décroche progressivement. À l’arrière, normalement, le glacier est retenu parce qu’il repose sur la roche. Et c’est là que les chercheurs voient l’eau s’insinuer : le glacier de Thwaites se décroche de la roche.
Il y a une sorte de cercle vicieux qui s’est mis en place : les creux dans la roche créent des turbulences, qui attirent les eaux plus chaudes. Les mesures de la température de l’eau sous le glacier montrent qu’elle est 1 ou 2 degrés au-dessus du point de congélation. Ce qui accélère la fonte.
Cette image du glacier Pine Island, non loin de son voisin, le glacier Thwaites, est lui depuis quelques temps fissuré sur ses berges, déversant des quantités de glace dans l'océan. (ESA HANDOUT / EPA / MAXPPP)
On parvient à prédire ce qui va se passer ?
Les chercheurs font des simulations numériques pour essayer de prédire la progression des fissures, oui. Mais ce n’est pas une science exacte, en particulier à cause de ces cercles vicieux, ces phénomènes qui s’auto-amplifient et qui font que la fonte du glacier n’a rien de linéaire. Il va fondre, ça c’est sûr. Il n’y a pas de doute. La question c’est : quand ?
Là, les chercheurs ont annoncé qu’il est susceptible de se briser dans les 5 prochaines années. Ce qui pourrait augmenter sa contribution à la hausse mondiale du niveau des mer. Il est aujourd’hui responsable de 4%. Cela pourrait monter à 25%. Sachant qu’un effondrement de l’ensemble du glacier augmenterait le niveau mondial de la mer de 65 centimètres. Et qu’à terme, si toutes les vallées autour fondent, c’est une élévation de 3 mètres qui est prédite. Ce serait un bouleversement global.