On doit l’invention du terme web 2.0 à cet informaticien irlandais qui, forcément, a beaucoup à dire sur la prochaine évolution d’Internet, la version 3.0. Si Tim O’Reilly en reconnaît le potentiel, il avertit que la technologie devra d’abord passer par un crash avant de pouvoir atteindre son apogée.
Le web3, la prochaine évolution logique, un Internet où les utilisateurs peuvent non seulement créer et partager du contenu, mais également posséder conjointement le réseau. Les entreprises technologiques américaines et les principaux investisseurs injectent donc quantités de fonds dans les premières applications de ce nouveau web.
Facebook a changé son nom en Meta en octobre dernier et a ensuite investi massivement dans le développement de son propre métavers. Pendant ce temps, les NFT, ces identifiants échangeables sur la blockchain qui changent à jamais la façon dont nous définissons la propriété, révolutionnent le monde de l’art. Les plateformes de trading de NFT et les échanges crypto qui pèsent plusieurs milliards de dollars ne font pas exception.
Pourtant, il est difficile pour certains acteurs technologiques d’investir autant d’argent dans une innovation émergente. La frénésie autour du web3 alerte de nombreux observateurs quant à la formation d’une gigantesque bulle spéculative.
« Difficile de convaincre quelqu’un de quelque chose quand le gain financier ne repose que sur la croyance »
Parmi les critiques, on retrouve alors Tim O’Reilly, légende de l’Internet pour avoir lancé le premier site web moderne et, accessoirement, inventé le terme web 2.0. C’est-à-dire la forme actuelle d’Internet où les utilisateurs peuvent créer du contenu, mais où une poignée d’entreprises technologiques centralisent ces productions.
« Il est difficile de convaincre qui que ce soit de quoi que ce soit lorsque le gain financier dépend de sa croyance », a déclaré l’Irlandais lors d’une interview sur CBS MoneyWatch . O’Reilly croit au potentiel du web3 en tant que technologie émergente, mais pense qu’il est encore trop tôt pour investir autant d’argent. « Il est encore loin de son apogée « , souligne O’Reilly.
En fait, l’informaticien voit des similitudes entre le crash des dotcoms des années 1990 et le comportement d’investissement effréné des capital-risqueurs de la Silicon Valley dans la technologie blockchain.
L’importance du web3 n’apparaîtra qu’après l’éclatement de la bulle
« Préparez-vous à un crash », a affirmé O’Reilly à CBS à propos de la bulle du web3. « Je pense que la blockchain est très intéressante en théorie, mais si vous l’examinez sérieusement, de nombreux experts ont déjà dit qu’il ne se passait pas encore grand-chose », a déclaré O’Reilly.
L’informaticien irlandais pense que nous ne comprendrons pleinement ce que le web3 signifiera pour notre société qu’après l’éclatement de la bulle actuelle. Selon lui, c’était aussi le cas pour les applications web2.
« J’ai inventé le terme web 2.0 il y a environ 17 ans. L’idée était que nous assistions à la deuxième incarnation d’Internet après le crash des dotcoms. […] Nous ne saurons pas exactement ce qu’est le web3 tant que les bulles actuelles n’éclateront pas. Parce que nous avons une bulle. Tout comme lors du crash des dotcoms, il y a toutes sortes de start-ups folles qui sont encensées pour leur capitalisation de marché énorme, mais elles n’ont pas grand-chose à montrer », souligne O’Reilly.
« Le pouvoir trouve toujours un moyen de centraliser »
Enfin, O’Reilly a adressé quelques conseils pour les adeptes de la technologie décentralisée, en distinguant deux types d’adeptes.
Premièrement, il y a ceux qui espèrent que cette technologie créera un système financier totalement nouveau qui responsabilisera l’utilisateur.
« Mais l’histoire nous enseigne que le pouvoir cherchera toujours de nouvelles voies pour se centraliser. Toute l’histoire de l’industrie informatique a été guidée par une ouverture radicale, qui a conduit à une innovation massive et plus tard à sa fermeture », explique O’Reilly.
Ceux qui sont vraiment convaincus du potentiel de la technologie sont donc mieux préparés à une éventuelle déception.
Deuxièmement, il y a les « vrais croyants » qui croient à la valeur des cryptomonnaies. « Ne vous fiez pas à cette valeur. Vous perdrez votre fortune imaginaire et serez ruiné dans le monde réel », a ponctué Tim O’Reilly.