Ces travaux pourraient permettre de mieux comprendre la transmission et la prévention des maladies. | Jonathan Sanchez via Unsplash
On sait depuis longtemps que notre bonne ou mauvaise santé se joue dans l'ADN de nos parents. Mais on sait aussi que l'ADN ne fait pas toute l'histoire. Le mode de vie du père –son régime alimentaire, son poids, son niveau de stress, etc.– n'est pas sans conséquences sur la santé de ses enfants. Le processus est épigénétique: il survient via des marques biochimiques héritables associées à l'ADN et aux protéines qui le lient. Reste que la façon dont l'information est transmise lors de la fécondation, ainsi que les mécanismes et les molécules exacts qui, dans les spermatozoïdes, participent à ce processus, demeuraient jusqu'à présent assez obscurs.
Les choses viennent de s'éclaircir avec une étude offrant une avancée significative dans ce domaine, car elle identifie comment l'information environnementale est transmise par des molécules non-ADN dans les gamètes. Menés par des chercheurs canadiens, affiliés à l'université McGill et à l'université Concordia, ces travaux font progresser la compréhension scientifique de l'héritabilité des expériences de vie paternelles et pourraient même permettre de mieux comprendre la transmission et la prévention des maladies.
Régime alimentaire
En l'espèce, les scientifiques de l'équipe de Sarah Kimmins, titulaire de la chaire de recherche du Canada en épigénétique, reproduction et développement, se sont focalisés sur le régime alimentaire de souris mâles, leur spécialité depuis plus de quinze ans. Pour déterminer comment les informations affectant le développement sont transmises aux embryons, les chercheurs ont manipulé l'épigénome des spermatozoïdes en donnant à des souris mâles un régime alimentaire sans vitamine B9, avant d'en suivre les effets sur des groupes particuliers de molécules au sein des protéines associées à l'ADN.
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Ce qu'ils ont découvert, c'est que les modifications induites par le régime alimentaire sur un certain groupe de molécules (les groupes méthyles), associées aux protéines histones (jouant un rôle essentiel dans la fixation de l'ADN dans les cellules), entraînent des altérations de l'expression génétique dans les embryons, avec des anomalies de la colonne vertébrale et du crâne à la naissance –le genre d'anomalies dans la fermeture du tube neural que préviennent, chez les mères, une supplémentation en acide folique avant la grossesse. Et, élément remarquable de leurs travaux, Kimmins et ses collègues ont pu démontrer que les modifications des groupes méthyles sur les histones dans le sperme sont transmises lors de la fécondation et restent dans l'embryon en développement.