Un incendie dans une zone de la forêt amazonienne, à Iranduba, dans l’Etat d’Amazonas (Brésil), le 5 septembre 2023.
C’est une nouvelle alarmante sur le front du climat. Les puits de carbone terrestres, composés des forêts et des sols, ont massivement chuté en 2023. Ils n’ont que très peu capté de CO2, sous l’effet de gigantesques incendies et de sécheresses longues et répétées. De quoi provoquer un emballement du climat si un tel déclin se poursuivait. Ces résultats, issus des travaux d’une équipe d’une quinzaine de chercheurs, ont été présentés lundi 29 juillet lors d’une conférence internationale sur le cycle du carbone organisée au Brésil. Ils avaient été publiés le 17 juillet en preprint – c’est-à-dire qu’ils n’ont pas encore été revus par leurs pairs.
Le climatologue Philippe Ciais, l’un des auteurs de l’étude, ne masque pas sa grande inquiétude. « Si cet effondrement se reproduisait dans les prochaines années, nous risquons d’observer une augmentation rapide du CO2 et du changement climatique au-delà de ce que prévoient les modèles », prévient le directeur de recherche au Laboratoire des sciences du climat et de l’environnement. « Cette étude s’appuie sur les modèles climatiques et les données satellitaires les plus avancés », souligne pour sa part le climatologue australien Josep Canadell, directeur exécutif du Global Carbon Project – un consortium d’une centaine de scientifiques –, qui n’y a pas participé.
2023 a été l’année la plus chaude jamais enregistrée, marquée par un cortège d’événements extrêmes meurtriers frappant tous les continents. Elle a aussi connu une très forte hausse de la concentration de CO2 dans l’atmosphère, dont la progression par rapport à 2022 (+ 86 %) constitue un record depuis le début des observations en 1958. Or, les émissions de CO2 d’origine fossile, entraînées par la combustion de charbon, de pétrole et de gaz, ont peu augmenté en 2023 − entre + 0,1 % et + 1,1 %. Reste une seule explication : la chute des puits de carbone naturels, qui absorbent près de la moitié des émissions humaines − à raison d’environ 25 % pour les océans et 20 % pour les terres.
Les scientifiques ont été « fortement surpris » par le résultat de leurs travaux. Les puits terrestres ont seulement absorbé entre 1,5 milliard et 2,6 milliards de tonnes de CO2 en 2023, loin derrière les 9,5 milliards de tonnes de CO2 de 2022, ou les 7,3 milliards de tonnes de CO2 en moyenne chaque année sur la dernière décennie. C’est le plus bas niveau depuis 2003. « Ce n’est presque rien, seulement un quart à un tiers de d’habitude », précise Philippe Ciais. Ces chiffres sont donnés en valeur nette, c’est-à-dire en incluant le déstockage du carbone provoqué par les changements d’affectation des sols, comme la déforestation.
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