Plus « fils du ciel » que jamais, comme on disait des empereurs de Chine, Xi Jinping veut imposer sa vision des affaires du monde. Cette ambition est au cœur des priorités du président chinois, tout juste adoubé pour un troisième mandat quinquennal à la tête de la deuxième économie de la planète. Mais à quoi doit ressembler le monde selon Xi ?
La question serait académique s’il ne s’agissait d’un chef d’Etat, entouré d’une équipe de mandarins tout à sa dévotion, qui concentre plus de pouvoir qu’aucun de ses homologues étrangers. Sinologue averti, l’ancien premier ministre australien Kevin Rudd décrit, dans le quotidien britannique Financial Times (22-23 octobre), « une vision du monde marxiste-léniniste » – où le politique l’emporte sur l’économie et où la « lutte », le « combat », termes qui parsèment les discours de Xi, doivent être les moteurs de la politique chinoise.
Mais contre qui ? L’ennemi est désigné : les idées occidentales. Elles déstabilisent les relations entre Etats et minent le système international, autant qu’elles peuvent nuire à la stabilité intérieure de la Chine. L’objectif de renforcer la « sécurité nationale » du pays suppose – parmi d’autres nécessités – de changer un ordre international façonné par les Etats-Unis et qui ralentit l’ascension de Pékin au sommet de la puissance.
Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Xi Jinping obtient les pleins pouvoirs en Chine pour se confronter à l’Occident
Dans cette bataille politico-idéologique, la Russie, d’autant plus agressive qu’elle est sur le déclin, est aux côtés de la Chine. Leur cible partagée est « l’ordre libéral », cet ensemble de normes auquel se réfère le système international né en 1945. Ce ne sont pas tant les institutions qui sont contestées, Pékin s’en accommode volontiers, que les « valeurs » auxquelles elles se réfèrent.
Evacuer les droits de l’homme
« L’ordre libéral international » ne fut souvent ni libéral ni vraiment international. Mais ses textes fondateurs, la Charte des Nations unies puis la Déclaration universelle des droits de l’homme, sont le produit d’une culture, très largement occidentale, et d’une époque, l’après-guerre. Américains et Européens, qui avaient en mémoire massacres et tueries de masse, ont voulu remettre au centre de la vie internationale les droits de l’individu tels qu’ils les entendaient – libertés d’expression et de conscience, notamment.
Pékin ne reconnaît pas l’universalité de ces « valeurs » et fait valoir qu’elles sont évoquées par des Occidentaux qui y ont trop souvent été infidèles. La Chine « rejette toute idée d’un ordre international guidé par des valeurs universelles partagées », relève l’hebdomadaire britannique The Economist dans son édition du 15 octobre, intitulée « Le monde que veut la Chine ». La Chine dénonce une invention occidentale utilisée pour contrer son inéluctable émergence à la première place. D’où la nécessité, dit Xi, de « mener la réforme du système de la gouvernance mondiale ».
Il vous reste 51.36% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.