Tu Xinquan (à l’écran) en visioconférence lors du Forum économique de l’Est, à l’université fédérale d’Extrême-Orient, à Vladivostok, le 2 septembre 2021.
Pour Tu Xinquan, doyen et professeur à l’Institut chinois pour les études sur l’OMC au sein de l’Université du commerce et de l’économie internationale de Pékin, la crise financière de 2008 a rebattu les cartes, en faisant prendre conscience à la Chine qu’elle ne devait pas suivre aveuglément les Etats-Unis.
Pour les Occidentaux, la Chine a énormément tiré profit de son adhésion à l’Organisation mondiale du commerce. Est-ce aussi le point de vue des Chinois ?
Pour nous, universitaires, l’adhésion à l’OMC a marqué un tournant décisif de l’ouverture et du développement de la Chine. Cependant, comme les Etats-Unis nous reprochent d’en avoir tiré des avantages indus, nous insistons moins qu’auparavant sur les bénéfices qu’elle nous a apportés. Nos dirigeants préfèrent mettre l’accent sur les efforts que nous avons accomplis.
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Au moins l’OMC permet-elle d’avoir une concurrence équitable. Aujourd’hui, il est clair que la Chine est le pays qui en a le plus profité. Pourtant, en 2001, elle est le seul Etat qui a dû faire des concessions pour la rejoindre, et cela a bénéficié aux autres pays.
Ne vous attendiez-vous pas à un tel résultat ?
Non, certainement pas. Beaucoup de Chinois craignaient une explosion du chômage. Nous étions très inquiets. En fait, la performance de la Chine a été bien meilleure que ne l’anticipaient les prévisions les plus optimismes. C’est le charme de l’économie de marché et de sa fameuse main invisible.
La Chine a-t-elle gagné contre le reste du monde ?
La situation est plus complexe. Toute compétition crée des gagnants et des perdants. Parmi les perdants figure le Mexique, dont les produits ont été concurrencés par le « made in China » sur le marché nord-américain. Les Etats-Unis, eux, n’ont pas beaucoup perdu, car il y a une intégration verticale entre ce qu’ils produisent et ce qu’offre la Chine. Les deux pays sont davantage complémentaires que concurrents. La compétition entre leurs économies est bien plus large. Elle ne concerne pas certains produits spécifiques.
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La Chine concurrence surtout des pays en développement, parce que, comme eux, elle vise à exporter dans les Etats développés et a été capable d’attirer des investissements étrangers dont d’autres auraient pu jouir le cas échéant. Si son succès pose un vrai défi au reste du monde, c’est surtout en raison de la taille du pays. La population est presque deux fois plus importante que celle du G7. Son développement bouleverse le reste du monde, c’est un fait.
Toutefois, elle fournit aussi de nombreuses occasions d’investissement. Elle est le deuxième importateur au monde. Son intégration progressive dans l’économie mondiale à partir de 1992 a largement contribué à la croissance de celle-ci et à la faible inflation qui l’a accompagnée pendant près de deux décennies. Les consommateurs américains ont ainsi bénéficié d’importations bon marché en provenance de Chine. Mais la redistribution des gains de productivité a été inégale et il y a eu des perdants.
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