La fortune des plus riches a augmenté plus rapidement que celle du reste de la population.
En 2014 sortait le livre Pourquoi les riches ont gagné de Jean-Louis Servan-Schreiber. L’essayiste, disparu fin 2020, y expliquait comment l’explosion de la richesse mondiale a surtout profité à quelques-uns. La planète comptait alors 12 millions de millionnaires en dollars américains. Un chiffre considérable. Mais qui fait pâle figure à côté de celui que vient de calculer le Crédit Suisse. Dans son 13ème Global Wealth Report, la banque helvétique en dénombre désormais... 62,5 millions. Cinq fois plus en huit ans!
Le Crédit Suisse dévoile la structure de la richesse en 2021, qui place tout en haut de la Pyramide une infime minorité d'individus, qui possèdent plus de 45% des actifs de la planète...
En 2021, la richesse mondiale a augmenté de 9,8% pour atteindre 463.600 milliards de dollars. Soit 87.500 dollars par adulte. Cela signifie qu'en un an, elle a augmenté de 13 fois le Produit intérieur brut (la production totale) 2021 de la France! En fait, cette richesse mondiale a même augmenté de 12,7% (son rythme le plus élevé jamais observé) mais sa progression brute a été affectée par des variations de change, et notamment par la baisse d’un certain nombre de grandes monnaies par rapport au dollar. Et Nannette Hechler-Fayd’herbe, Global Head of Economics & Research au Crédit Suisse, prévient: ce n’est pas terminé… "Nos perspectives à cinq ans, explique-t-elle, prévoient que la richesse continuera de croître. Selon nos prévisions, d’ici à 2024, la richesse mondiale par adulte devrait franchir le seuil de 100.000 dollars et le nombre de millionnaires dépassera 87 millions de personnes au cours des cinq prochaines années."
En France, la progression a été irrégulière, mais elle a abouti à une richesse qui est passée de l'équivalent de 100.000 dollars par adulte en 2000, à plus de 300.000 aujourd'hui. Et dans le mouvement, elle a laissé sur place la richesse par adulte des Britanniques...
Des mécanismes qui ne changent pas
Dans son livre, Jean-Louis Servan-Schreiber identifiait trois causes principales à cet accroissement des richesses mondiales: une forte croissance mondiale (moins en Europe), une révolution numérique qui multiplie les jeunes millionnaires et une domination de la finance, qu’il qualifiait de "maîtres du jeu de l’argent". Les mêmes causes, apparemment, ont produit les mêmes effets. Les marchés boursiers et des taux d’intérêt bas qui ont favorisé l’immobilier, ont permis, notamment en France des progression de richesses assez inhabituelles, comme le montre le graphique ci-dessous. L’addition des progressions des marchés boursiers et de l’immobilier a été très forte en Inde (+31% en cumulant les deux bâtonnets jaune et marron). Mais la France arrive juste derrière (+28%), devant les États-Unis (23%), l’Italie (23%) et le Canada (22%). Coté "révolution numérique", les chiffres parlent aussi. Aux États-Unis et au Canada, par exemple, ce sont les millennials et la génération X qui, selon les observations de ce 13ème Global Wealth Report, ont le plus accru leur richesse entre 2019 et 2021.
La France a connu un enrichissement de ses habitants plus important que dans beaucoup d'autres pays grâce à la hausse, à la fois, des actifs financiers (par la Bourse essentiellement) et des actifs immobiliers...
Concentration accrue
Autre phénomène déjà observé depuis quelques années, la concentration des richesses: elle s’accélère. Le phénomène avait déjà été pointé au niveau français par notre classement des 500 fortunes, publié cet été. La part de la richesse mondiale détenue par les 1% les plus riches au monde atteint désormais 45,6%. Les riches ont (aussi) gagné la bataille de cette période Covid, en améliorant de presque deux points leur part des richesses. En 2019, il y a donc seulement deux ans, le 1% des plus riches ne détenait en effet "que" 43,9% des richesses mondiales. La situation est mondiale, mais la France, là aussi, fait entendre sa petite musique… Alors qu’après la crise financière de 2008-2009,la hausse rapide des actifs financiers avait eu tendance à accentuer les inégalités de patrimoine partout dans le monde, l’Hexagone semble avoir réussi à limiter le phénomène. Son coefficient de Gini (qui mesure les inégalités de salaires entre 0, égalité parfaite, et 1, inégalité totale) pour les 1% des Français les plus riches a diminué depuis 2000, contrairement à tous les grands pays développés, où il a fortement augmenté…