Dès 2025, une pénurie potentielle au niveau du lithium et du cobalt, des composants indispensables pour la production des véhicules électriques et de leurs batteries, pourrait porter un solide coup d'arrêt au secteur. ©Shutterstock
Pourra-t-on encore construire assez de voitures électriques à l'avenir ? L'Agence internationale de l'énergie (AIE) alerte en tout cas sur la double réalité qui entoure ce marché voué à poursuivre son expansion.
D'un côté, il y un constat sans appel : la voiture électrique se généralise à une vitesse sans cesse plus élevée.
"[Actuellement], 130 000 voitures électriques sont vendues chaque semaine dans le monde, ce qui équivaut à l'ensemble des ventes pour l'année 2012", glisse l'AIE. Elle explique que la hausse a été particulièrement fulgurante sur les trois dernières années. "En 2019, les ventes de véhicules électriques ont atteint 2,2 millions d'exemplaires, soit 2,5 % des ventes totales de voitures", passant ensuite à 3 millions en 2021 (4,1 % des ventes) puis à 6,6 millions en 2021 (9 % des ventes). "Nous estimons à 16 millions le nombre de voitures électriques sur les routes à travers le monde, pour une consommation d'approximativement 30 TWh par an, soit l'équivalent de toute la production de l'Irlande."
Des composants de plus en plus rares
D'un autre côté, face à cette demande grandissante, un problème se dressera déjà très bientôt sur la route des constructeurs : celle de la pénurie. Dans son rapport intitulé The Role of Critical Minerals in Clean Energy Transitions, l'AIE identifie dès 2025 une pénurie potentielle au niveau du lithium et du cobalt, des composants indispensables pour la production des véhicules électriques et de leurs batteries, "sauf si des investissements suffisants sont réalisés pour augmenter la production".
Outre l'extraction de ces minerais, l'AIE rappelle que c'est l'ensemble de la chaîne des valeurs qui devra être adaptée : traitement et raffinage du métal des batteries, fabrication des cathodes et des anodes, fabrication des séparateurs, production des cellules, assemblage des batteries et bien sûr l'assemblage des véhicules électriques. Ces industries, "dont certaines sont encore naissantes", devront rapidement augmenter leur capacité de production, au risque de créer des "goulots d'étranglement qui ralentiront la transition vers une mobilité entièrement électrique".
Cette raréfaction des matériaux a également des répercussions sur les prix. "En 2021, le prix de l'acier a augmenté de 100 %, celui de l'aluminium d'à peu près 70 %, et celui du cuivre de plus de 33 %", rappelle encore l'AIE. Sans oublier les hausses du carbonate de lithium (150 %), du graphite (15 %) et du nickel (25 %), pour ne citer que quelques-uns des composants nécessaires de façon spécifique aux véhicules électriques. Si ces hausses n'ont pour le moment pas d'effet sur le prix des batteries, elles pourraient à un moment donné faire grimper la facture.
Viennent s'ajouter des problématiques d'ores et déjà connues, comme la pénurie déjà en place des puces électroniques. Un enjeu de taille pour le secteur, étant donné que les véhicules électriques "exigent deux fois plus de puces" que leurs homologues thermiques.
La Chine tire la demande mondiale
Derrière cette hausse des véhicules électriques, un pays stimule tout particulièrement le marché : la Chine. "Les ventes ont quasiment triplé en 2021, avec 3,4 millions de véhicules"mis sur les routes, pointe l'AIE. "En d'autres termes, on a vendu plus de véhicules électriques uniquement en Chine en 2021 qu'à travers tout le reste du monde en 2020." Une performance rendue possible par une politique en la matière tout particulièrement agressive de la part de Pékin. Les pouvoirs publics chinois visent la barre des 20 % des véhicules 100 % électriques d'ici 2025, et se donnent les moyens d'y parvenir.
L'Europe n'est pas non plus en reste, avec une hausse de 70 % des ventes en 2021, à 2,3 millions de véhicules. Si la croissance annuelle est plus faible qu'en 2020, elle s'inscrit dans un contexte de ralentissement généralisé des ventes sur le marché de l'automobile. Les meilleurs élèves se situent plutôt au nord du continent. En 2021, les ventes de véhicules électriques représentaient 72 % des ventes en Norvège, 45 % en Suède et 30 % aux Pays-Bas. L'Allemagne connait toutefois la plus grande électrification de son parc automobile, avec un taux de 25 % en 2021.
Quant aux Etats-Unis, s'ils ne comptent que 4,5 % de véhicules électriques, la transition semble s'y accélérer puisque les parts des électriques ont doublé en l'espace d'un an.
Reste désormais à savoir si le secteur parviendra à enjamber les pénuries et autres ornières sur son chemin, au risque de se retrouver en panne sèche des composants, à l'arrêt sur le bord de la longue autoroute de l'électrification...