"Néo-libéralisme" : un terme très souvent employé mais rarement défini. Que recouvre-t-il ? Depuis quand l’emploie-t-on ?
Cette série de chroniques va s'appuyer sur les travaux de Michel Foucault qui a consacré aux origines et à la diffusion du néo-libéralisme plusieurs des cours qu’il a dispensés en 1979, rassemblés et publiés depuis sous le titre, Naissance de la biopolitique. Un texte absolument remarquable, comme l'est également le livre de François Denord, Néo-libéralisme version française. Histoire d’une idéologie politique publié en 2007 qui s’intéresse plus particulièrement aux origines et aux traductions françaises de cette doctrine.
Le néo-libéralisme aux deux ancrages : allemand et américain
C’est dans la leçon du 31 janvier 1979 que Foucault commence à aborder la question des origines et de la diffusion du néo-libéralisme en rappelant qu’il a deux ancrages : un ancrage allemand qui s’accroche à la république de Weimar, à la crise de 29, au développement et à la critique du nazisme et à la reconstruction d’après-guerre, et un ancrage américain qui se réfère à la politique du New Deal, à la critique de la politique de Roosevelt et qui va s’organiser, surtout après la guerre, contre l’interventionnisme fédéral et les programmes d’assistance mis en place par les administrations démocrates. Au cœur de ces deux formes de néo-libéralisme, un même ennemi : Keynes, le planification, l’interventionnisme d’Etat.
Le rapport intime qu’entretient le néo-libéralisme avec la question de l’Etat
Pour le montrer, Foucault s’attarde d’abord sur un évènement qui peut paraître anodin, mais dont il montre tout le sens. Après la capitulation du 8 mai 1945, l'État allemand n'existe plus et le territoire allemand est découpé en quatre zones d'occupation. En avril 1948, Ludwig Ehrard, responsable de l’administration allemande de la zone anglo-américaine et futur ministre fédéral de l’économie, réclame la libération des prix. Il faut, argumente-t-il, libérer l’économie des contraintes étatiques et éviter l’anarchie et l’Etat-termite car "seul un Etat établissant la responsabilité et la liberté des citoyens peut légitimement parler au nom du peuple". Prise dans son sens trivial, cette phrase signifie qu’il ne faut accorder aucune légitimité aux mesures qui ont été prises sous le nazisme. Mais plus profondément, selon Foucault, elle indique que l’institution de la liberté économique va fonctionner comme une amorce pour la formation d’une souveraineté politique dont l’Allemagne ne dispose plus. En effet, à partir de ce moment, l’économie va produire de la souveraineté politique et de la légitimité pour l’Etat qui en sera le garant. L’économie est donc créatrice de droit public. La liberté économique produit un consensus permanent. L’Allemagne, écrit Foucault est "un Etat radicalement économique". La proposition de Ludwig Ehrard suscitera d'abord de nombreuses résistances (…).
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