Illustration de la mobilisation contre le projet « Eacop » de construction d’un oléoduc par TotalEnergies en Ouganda. ANNA WANDA GOGUSEY
C’était quelques jours après l’annonce d’un profit record de 19 milliards d’euros pour 2022 par TotalEnergies, le 8 février. Un « timing » parfait du point de vue des étudiants de Sciences Po. Sur la scène de l’amphi « Bruxelles » du campus délocalisé à Nancy de l’IEP de Paris, Soraya Fettih, militante de l’association environnementale 350.org, est invitée à débattre avec Anna Zielinska, maîtresse de conférences en philosophie à l’université de Lorraine de la légitimité du projet pétrolier « Eacop » (East African Crude Oil Pipeline Company).
Cet oléoduc, détenu à 62 % par le géant français TotalEnergies et long d’environ 1 500 kilomètres, doit relier les gisements du lac Albert, dans l’ouest de l’Ouganda, à la côte tanzanienne sur l’océan Indien. Une « bombe climatique », selon les signataires d’une tribune parue dans Le Monde en octobre 2022, qui émettrait jusqu’à 34 millions de tonnes de CO2 chaque année durant vingt-cinq ou trente ans et « précipiterait le bouleversement climatique et son cortège de catastrophes meurtrières ».
A Sciences Po, ce débat politique a inauguré une semaine entière, du 13 au 18 février, consacrée à la sensibilisation des étudiants aux investissements dans les énergies fossiles et aux « bombes climatiques ». Après la table ronde, les étudiants de l’association Sciences Po environnement ont organisé un ciné-débat avec la diffusion de l’émission de « Cash Investigation » de France 2 sur le « greenwashing » (ou duplicité écologique des entreprises), pour finir par un rassemblement sur la place Charles-III de Nancy coorganisé avec Greenpeace et Les Amis de la Terre.
Vivier de jeunes talents
Ce type d’événement contre le secteur pétrolier se multiplie sur les campus, donnant l’impression d’un effet domino depuis plusieurs mois. En janvier, à l’IEP de Strasbourg, c’est une conférence sur la géopolitique de l’énergie animée par Thierry Pflimlin, directeur marketing de TotalEnergies et ancien élève de l’école, qui a été annulée. Emmanuel Droit, responsable du master, expliquait dans un e-mail cité par Rue89 Strasbourg qu’au « regard de l’impossibilité de garantir un déroulement serein du débat, le dirigeant de chez TotalEnergies a préféré annuler le débat, en accord avec la direction de l’école ».
Les étudiants de Sciences Po ne sont pas les seuls à bousculer la multinationale française. Le 28 novembre 2022, c’est à HEC Paris qu’une action militante inattendue s’est déroulée pendant un forum de recrutement. Lors de ces événements, les entreprises paient pour leur présence au cœur du vivier de jeunes talents de plus en plus convoités par les grands groupes. C’est aussi là que se mesure de façon informelle la popularité de certains secteurs ou entreprises. « Comme au Salon du livre, on remarque chaque année les stands qui font le plein et qui attirent les jeunes », explique Matthieu Mazière, directeur de la formation de l’Ecole des mines de Paris, qui a noté cette année « la cote » des entreprises de l’énergie décarbonée.
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