L'urine, riche en azote et en phosphore, peut être utilisée comme alternative aux engrais chimiques. Le procédé breveté par une société girondine semble prometteur, autant d'un point de vue environnemental qu'économique.
L'entrepôt de la startup Toopi Organics, à Loupiac-de-la-Réole près de Bordeaux, le 17 mai 2022. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)
De grosses cuves sont alignées dans l'entrepôt de Toopi Organics, à Loupiac-de-la-Réole, près de Bordeaux (Gironde). Cette start-up a fait le pari il y a trois ans de recycler l'urine en la fertilisant. "Si on veut arrêter de polluer massivement pour fabriquer des engrais, assure, mardi 17 mai, Mickael Roes, coprésident de cette société, on va être obligé de recycler les urines. Il n’y a pas le choix !" Notre urine, riche en azote et en phosphore, peut être une alternative aux engrais chimiques. C'est en partant de ce principe que ce dirigeant a imaginé le processus. Plutôt visionnaire car le procédé breveté sera sans doute autorisé à être mis sur le marché dans deux ou trois mois.
Alors que l'urine est in fine évacuée dans des stations d'épuration, Mickael Roes la récupère via des lieux de collecte sans eau, "dans des endroits comme le Futuroscope par exemple. Là, on fait pas mal de stades, des lycées, des collèges, partout où il y a beaucoup de gens qui passent et qui font pipi", explique-t-il. Et si les personnes dont l'urine est récupérée ne le savent pas forcément, cela ne pose pas de problèmes d’un point de vue légal assure ce dirigeant. "Ils n’ont pas besoin de nous la donner. Ils acceptent de la jeter, en fait." Une fois que les récipients sont pleins, place à la collecte des urines. "L’urine qui arrive est stable. On peut la stocker autant qu’on veut."
Une cinquantaine de pays intéressés
Ensuite, lors de la deuxième étape, l'urine est transférée dans de grandes cuves noires pour être fermentée. "On rajoute du sucre et un inoculant microbien (le concentré de bactéries qu’on souhaite faire pousser), un peu comme pour de la bière. On fait pousser deux ou trois jours et après, c’est fini." Mickael Roes obtient ainsi un engrais bio. Le rendement est intéressant car un litre d’urine donne un litre de produit, il n’y a pas de pertes. Économiquement, les agriculteurs ont aussi tout à y gagner. "Si on prend l'exemple du maïs, note Mickael Ross, le premier engrais utilisé, c’est le phosphate qui vient soit d’Ukraine, soit de Russie, soit du Maroc. Ce phosphate-là coûte aujourd’hui 1 000 euros la tonne." Soit pour les agriculteurs une somme de 130 euros à l’hectare. "Quand on met notre produit dans le champ, on enlève 50% de la dose de phosphate et notre produit coûte 20 euros, avec la même efficacité."
Avec la technologie utilisée par cette startup, un litre d’urine donne un litre de produit, le 17 mai 2022. (FARIDA NOUAR / RADIO FRANCE)
Une cinquantaine de pays industriels l'ont déjà contacté pour adopter sa technologie. "Au-delà de tous les aspects géopolitiques liés à la guerre en Ukraine, un pic du phosphate est attendu. C’est comme le pétrole ou le gaz, à un moment, il n’y en aura plus."
"Notre solution était déjà pertinente et rentable avant cette crise, là il n’y a plus de débat. Tant qu’il y a des humains, il y a de l’urine."
"C’est bien mieux au niveau environnemental que les engrais minéraux, affirme Mickael Roes.Il y a un intérêt à tous les niveaux." La startup ambitionne également de multiplier les unités de transformation : 20 en France pour éviter le transport.