L'homme derrière ChatGPT a une doctrine pour l'avenir. Dans ce texte canonique, Sam Altman anticipe les conditions d'un monde post-intelligence artificielle générale. Il faut le lire pour comprendre sa vision de l’économie et de la redistribution des richesses dans un univers où l’immense majorité du travail et des tâches sont réalisées par des machines capables d'égaler les humains.
Dans un billet de blog datant de mars 2021, Sam Altman, le cerveau derrière ChatGPT, partage sa vision de l’économie et de la redistribution des richesses dans un monde post-intelligence artificielle générale, où l’immense majorité du travail et des tâches serait réalisée par des machines capables d’atteindre un niveau de performance semblable à celui de l’humain.
La question de l’impact de l’IA sur le travail n’est pas neuve : dès les années 1960, Herbert Simon prédisait que « les machines seraient capables, d’ici vingt ans, d’effectuer tout ce qu’un homme peut faire ». Cependant, les récents gains de productivité exponentiels déjà observés pour des systèmes tels que GPT-4 ou ChatGPT donnent de nouveau à la question une certaine pertinence. Dans la Silicon Valley, différents courants de pensées se confrontent quant à la pertinence scientifique d’une extrapolation de ces observations empiriques pour anticiper les capacités futures de l’IA.
En 2018, OpenAI publiait une étude montrant que depuis 2012, la quantité de calcul utilisée pour le développement des plus grands modèles d’IA a augmenté de manière exponentielle, pour être multipliée par deux tous les trois ou quatre mois. En comparaison, la loi de Moore possède une période de doublement estimée à dix-huit mois. Pour Sam Altman, cette quantification de l’accélération technologique suggère effectivement des lois empiriques de passages à l’échelle de l’amélioration de ces systèmes : l’efficacité algorithmique de l’IA va se généraliser partout, dans tous les domaines, et l’imminence d’un tel scénario ne fait aucun doute.
Pour Sam Altman, le paradigme schumpétérien — celui des cycles de destruction créatrice par lequel les nouveaux emplois remplacent les emplois existants — est rendu obsolète par l’intelligence artificielle générale. À l’inverse, de nombreuses technologies qui, par le passé, ont fait émerger de nouveaux emplois et de nouvelles tâches, l’IA pourrait conduire à une automatisation quasi-complète du travail, diminuant d’autant la valeur économique créée directement par l’humain. Dans ce contexte, Sam Altman alerte ici sur l’urgence selon lui de la réflexion à mener sur les nouveaux mécanismes de redistribution de la valeur dans la société.
La loi de Moore étendue à toute chose
Mon travail avec OpenAI me rappelle chaque jour l’ampleur du changement socio-économique qui s’annonce, plus tôt que la plupart des gens ne le croient. Les logiciels capables de penser et d’apprendre feront de plus en plus le travail que les gens font aujourd’hui. Le pouvoir passera de plus en plus du travail au capital. Si les politiques publiques ne s’adaptent pas en conséquence, la situation de la plupart des gens sera pire qu’aujourd’hui.
Dans sa charte publiée en 2018, OpenAI déclare que sa mission est notamment de s’assurer que les bénéfices de l’IA soient redistribués globalement. Une tension émerge entre les ressources financières nécessaires à l’entreprise qui pourrait désaligner l’intérêt des parties prenantes avec cette mission originelle. L’entreprise, qui reconnaît cette tension, déclare vouloir « minimiser les conflits d’intérêts ».
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Nous devons concevoir un système qui tienne compte de cet avenir technologique et qui taxe les actifs qui constitueront la majeure partie de la valeur dans ce monde — les entreprises et les terres — afin de répartir équitablement une partie de la richesse à venir. Ce faisant, la société de demain sera beaucoup moins divisée et chacun pourra participer à ses gains.
Dans les cinq prochaines années, des programmes informatiques capables de penser liront des documents juridiques et donneront des conseils médicaux. Dans la décennie suivante, ils effectueront du travail à la chaîne et deviendront peut-être même des compagnons. Et dans les décennies suivantes, ils feront presque tout, y compris de nouvelles découvertes scientifiques qui élargiront notre concept de « tout ».
Cette révolution technologique est inarrêtable. Et une boucle récursive d’innovation, dans la mesure où ces machines intelligentes nous aident elles-mêmes à fabriquer des machines plus intelligentes, accélérera le rythme de la révolution. Trois conséquences cruciales en découlent.
Google a déjà publié des travaux sur la façon dont l’IA pourrait aider à désigner la nouvelle génération de puces électroniques servant elle-même à entraîner les modèles d’IA.
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Cette révolution créera une richesse phénoménale. Le prix de nombreux types de travail (qui détermine le coût des biens et des services) tombera à zéro une fois que des IA suffisamment puissantes auront rejoint la population active.
Le monde changera si rapidement et si radicalement qu’un changement politique tout aussi radical sera nécessaire pour distribuer cette richesse et permettre à un plus grand nombre de personnes de mener la vie qu’elles souhaitent.
Si nous parvenons à réaliser ces deux objectifs, nous pourrons améliorer le niveau de vie des gens comme jamais auparavant.
Parce que nous sommes au début de ce changement tectonique, nous avons une rare opportunité de pivoter vers l’avenir. Ce pivot ne peut se contenter de répondre aux problèmes sociaux et politiques actuels ; il doit être conçu pour la société radicalement différente du futur proche. Les plans politiques qui ne tiennent pas compte de cette transformation imminente échoueront pour la même raison que les principes d’organisation des sociétés pré-agricoles ou féodales échoueraient aujourd’hui.
Ce qui suit est une description de ce qui se prépare et un plan pour naviguer dans ce nouveau paysage.
I — La révolution de l’IA
Sur une échelle de temps réduite, le progrès technologique suit une courbe exponentielle. Comparez l’aspect du monde il y a 15 ans (pas vraiment de smartphones), il y a 150 ans (pas de moteur à combustion, pas d’électricité domestique), il y a 1 500 ans (pas de machines industrielles) et il y a 15 000 ans (pas d’agriculture).
Le changement à venir sera centré sur la plus impressionnante de nos capacités : la capacité phénoménale de penser, de créer, de comprendre et de raisonner. Aux trois grandes révolutions technologiques – agricole, industrielle et informatique – s’en ajoutera une quatrième : la révolution de l’IA. Cette révolution générera suffisamment de richesses pour que chacun ait ce dont il a besoin, si nous, en tant que société, la gérons de manière responsable.
Les progrès technologiques que nous réaliserons au cours des 100 prochaines années seront bien plus importants que ceux que nous avons accomplis depuis que nous avons maîtrisé le feu et inventé la roue. Nous avons déjà construit des systèmes d’intelligence artificielle capables d’apprendre et de faire des choses utiles. Ils sont encore primitifs, mais les tendances sont claires.
Dans un récent papier, des chercheurs de Microsoft ont publié de nouveaux résultats pour montrer qu’au-delà de sa maîtrise du langage, GPT-4 pouvait résoudre des tâches inédites dans un certain nombre de domaines tels que les mathématiques, la programmation informatique, la médecine, le droit ou encore la psychologie. En outre, les chercheurs avancent que dans toutes ces tâches, les performances de GPT-4 sont étonnamment proches de celles de l’homme.
Bien que les performances de ces systèmes soient inédites, savoir si elles vont pouvoir se généraliser à un niveau comparable à celui de l’humain est un sujet de controverse dans la communauté scientifique.
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II — La loi de Moore étendue à toute chose
D’une manière générale, il existe deux moyens de s’offrir une vie agréable : soit un individu acquiert plus d’argent (ce qui le rend plus riche), soit les prix baissent (ce qui rend tout le monde plus riche). La richesse est le pouvoir d’achat : ce que nous pouvons obtenir avec les ressources dont nous disposons.
Le meilleur moyen d’accroître la richesse de la société est de réduire le coût des biens, de la nourriture aux jeux vidéo. La technologie entraînera rapidement cette baisse dans de nombreuses catégories. Prenons l’exemple des semi-conducteurs et de la loi de Moore : pendant des décennies, tous les deux ans, les puces sont devenues deux fois plus puissantes pour le même prix.
Au cours des deux dernières décennies, les coûts des téléviseurs, des ordinateurs et des loisirs ont baissé aux États-Unis. Mais d’autres coûts ont augmenté de manière significative, notamment ceux du logement, des soins de santé et de l’enseignement supérieur. La redistribution des richesses ne suffira pas si ces coûts continuent de s’envoler.
L’IA réduira le coût des biens et des services, car la main-d’œuvre est le principal facteur de coût à de nombreux niveaux de la chaîne d’approvisionnement. Si des robots peuvent construire une maison sur un terrain que vous possédez déjà à partir de ressources naturelles extraites et raffinées sur place, en utilisant l’énergie solaire, le coût de construction de cette maison est proche du coût de location des robots. Et si ces robots sont fabriqués par d’autres robots, le coût de leur location sera bien inférieur à ce qu’il était lorsque les humains les fabriquaient.
De même, nous pouvons imaginer des médecins IA capables de diagnostiquer des problèmes de santé mieux que n’importe quel humain, et des enseignants IA capables de diagnostiquer et d’expliquer exactement ce qu’un élève ne comprend pas.
Depuis longtemps — déjà comme directeur de l’incubateur californien YCombinator — Sam Altman s’intéresse à la lutte contre le vieillissement. Récemment, il a investi dans une startup de la Silicon Valley qui se donne pour mission de repousser l’espérance de vie humaine de dix ans.
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« La loi de Moore étendue à toute chose » devrait être le cri de ralliement d’une génération dont les membres ne peuvent pas s’offrir ce qu’ils veulent. Cela semble utopique, mais c’est quelque chose que la technologie peut apporter (et dans certains cas, elle l’a déjà fait). Imaginez un monde où, pendant des décennies, tout – le logement, l’éducation, la nourriture, les vêtements – devient moitié moins cher tous les deux ans.
Nous découvrirons de nouveaux emplois – c’est toujours le cas après une révolution technologique – et grâce à l’abondance qui règne de l’autre côté, nous aurons une liberté incroyable pour faire preuve de créativité quant à juger de la forme qu’ils prendront.
III — Le capitalisme pour tous
Un système économique stable nécessite deux composantes : la croissance et l’inclusion. La croissance économique est importante parce que la plupart des gens veulent que leur vie s’améliore chaque année. Dans un monde à somme nulle, où la croissance est nulle ou très faible, la démocratie peut devenir antagoniste, les gens cherchant par leur vote à s’approprier l’argent des autres. La conséquence de cet antagonisme est la méfiance et la polarisation. Dans un monde à forte croissance, les combats de chiens peuvent être beaucoup moins nombreux, car il est beaucoup plus facile pour tout le monde de gagner.
L’inclusion économique signifie que chacun a une chance raisonnable d’obtenir les ressources dont il a besoin pour vivre la vie qu’il souhaite. L’inclusion économique est importante parce qu’elle est juste, qu’elle produit une société stable et qu’elle permet de créer les plus grandes parts de gâteau pour le plus grand nombre. En outre, elle favorise la croissance.
Le capitalisme est un puissant moteur de croissance économique parce qu’il récompense les personnes qui investissent dans des actifs qui génèrent de la valeur au fil du temps, ce qui constitue un système d’incitation efficace pour créer et distribuer des gains technologiques. Mais le prix du progrès dans le capitalisme est l’inégalité.
Certaines inégalités sont acceptables — en fait, elles sont essentielles, comme le montrent tous les systèmes qui ont essayé d’être parfaitement égaux — mais une société qui n’offre pas une égalité des chances suffisante pour permettre à chacun de progresser n’est pas une société qui durera.
La manière traditionnelle de s’attaquer aux inégalités a consisté à taxer progressivement les revenus. Pour toute une série de raisons, cela n’a pas très bien fonctionné. Elle fonctionnera beaucoup plus mal à l’avenir. Certes, les gens auront encore des emplois, mais nombre d’entre eux ne créeront pas beaucoup de valeur économique au sens où nous l’entendons aujourd’hui. L’IA produisant la plupart des biens et services de base dans le monde, les gens seront libérés pour passer plus de temps avec leurs proches, s’occuper des autres, apprécier l’art et la nature ou œuvrer pour le bien social.
Nous devrions donc nous concentrer sur la taxation du capital plutôt que du travail, et nous devrions utiliser ces taxes comme une opportunité de distribuer directement la propriété et la richesse aux citoyens. En d’autres termes, la meilleure façon d’améliorer le capitalisme est de permettre à chacun d’en bénéficier directement en tant que propriétaire. Cette idée n’est pas nouvelle, mais elle deviendra de plus en plus réalisable à mesure que l’IA deviendra plus puissante, parce qu’il y aura beaucoup plus de richesses à distribuer. Les deux principales sources de richesse seront 1) les entreprises, en particulier celles qui utilisent l’IA, et 2) la terre, dont l’offre est fixe.
Il existe de nombreuses façons de mettre en œuvre ces deux taxes et de nombreuses idées sur ce qu’il convient d’en faire. Sur une longue période, la plupart des autres taxes pourraient être éliminées. Ce qui suit est une idée dans l’esprit d’une amorce de conversation.
En 2020, OpenAI et l’Institut pour le futur de l’humanité de l’Université d’Oxford ont proposé un mécanisme de donation plutôt que d’imposition baptisé « clause d’effet d’aubaine » où les entreprises accepteraient de manière contraignante de faire don d’une part « significative » de leurs bénéfices si le développement de l’IA leur procurait « une manne économique sans précédent dans l’histoire ». Le rapport reconnaît des « problèmes d’implémentation significatifs encore non résolus. »
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Nous pourrions créer un fonds d’actions américain. Ce fonds serait capitalisé en taxant les entreprises dépassant une certaine valeur de 2,5 % de leur valeur marchande (capitalisation boursière de l’entreprise) chaque année, payable en actions transférées au fonds, et en taxant 2,5 % de la valeur de tous les terrains privés.
Tous les citoyens de plus de 18 ans recevraient une distribution annuelle, en dollars et en actions de la société, sur leurs comptes. Les gens seraient chargés d’utiliser l’argent comme ils le souhaitent ou en ont besoin – pour améliorer l’éducation, les soins de santé, le logement ou la création d’entreprise. L’augmentation des coûts dans les secteurs financés par l’État serait soumise à une véritable pression, car davantage de personnes choisiraient leurs propres services sur un marché concurrentiel.
Il faut noter que Sam Altman a également investi dans une organisation caritative, UBI Charitable, chargée d’accorder des subventions aux organisations mettant en œuvre des programmes de revenu de base universel.
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Tant que le pays se portera mieux, chaque citoyen recevra plus d’argent du Fonds chaque année (en moyenne ; il y aura toujours des cycles économiques). Chaque citoyen bénéficierait donc de plus en plus des libertés, des pouvoirs, des autonomies et des opportunités qui découlent de l’autodétermination économique. La pauvreté serait fortement réduite et beaucoup plus de personnes auraient la possibilité de vivre la vie qu’elles souhaitent.
Un impôt payable en actions de la société alignera les incitations entre les entreprises, les investisseurs et les citoyens, alors qu’un impôt sur les bénéfices ne le fait pas – les incitations sont des superpouvoirs, et c’est là une différence essentielle. Les bénéfices des entreprises peuvent être déguisés, différés ou délocalisés, et sont souvent déconnectés du cours de l’action. Mais tous les actionnaires d’Amazon souhaitent que le cours de l’action augmente. Comme les actifs individuels augmentent en même temps que ceux du pays, ils ont littéralement intérêt à ce que leur pays se porte bien.
Henry George, économiste politique américain, a proposé l’idée d’une taxe sur la valeur foncière à la fin des années 1800. Ce concept est largement soutenu par les économistes. La valeur d’un terrain s’apprécie en raison du travail que la société effectue autour de lui : les effets de réseau des entreprises qui opèrent autour d’un terrain, les transports publics qui le rendent accessible, les restaurants, les cafés et l’accès à la nature à proximité qui le rendent désirable. Le propriétaire foncier n’ayant pas fait tout ce travail, il est juste que cette valeur soit partagée avec l’ensemble de la société qui l’a fait.
Si chacun possède une part de la création de valeur américaine, tout le monde voudra que l’Amérique fasse mieux : l’équité collective en matière d’innovation et de réussite du pays alignera nos incitations. Le nouveau contrat social sera un plancher pour tous en échange d’un plafond pour personne, et d’une conviction commune que la technologie peut et doit créer un cercle vertueux de richesse sociétale. (Nous continuerons à avoir besoin d’un leadership fort de la part de nos gouvernements pour veiller à ce que le désir de faire grimper les cours boursiers reste en équilibre avec la protection de l’environnement et des droits de l’homme.)
Une étude Ipsos de 2022 montre qu’aujourd’hui, 65 % des Américains interrogés estiment que les produits et services utilisant l’IA présentent plus d’inconvénients que d’avantages. Avec la France, cela fait des États-Unis l’un des pays les plus sceptiques — à titre de comparaison, en Chine, ce rapport est de 22 %
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Dans un monde où chacun bénéficie du capitalisme en tant que propriétaire, l’objectif collectif sera de rendre le monde meilleur plutôt que « moins pire ». Ces approches sont plus différentes qu’il n’y paraît, et la société se porte beaucoup mieux lorsqu’elle se concentre sur la première. En d’autres termes, un monde meilleur signifie optimiser le gâteau pour qu’il soit le plus grand possible ; un monde « moins pire » moins de mal signifie diviser le gâteau de la manière la plus équitable possible. Les deux peuvent augmenter le niveau de vie des gens, mais la croissance continue ne se produit que lorsque le gâteau s’agrandit.
IV — Mise en œuvre et dépannage
Le montant de la richesse disponible pour capitaliser le fonds d’actions américain serait considérable. Les entreprises américaines représentent à elles seules une valeur d’environ 50 000 milliards de dollars, mesurée par la capitalisation boursière. On peut supposer que, comme cela a été le cas en moyenne au cours du siècle dernier, cette valeur va au moins doubler au cours de la prochaine décennie.
La valeur des terrains privés aux États-Unis s’élève également à environ 30 000 milliards de dollars (sans compter les améliorations apportées aux terrains). On peut supposer que cette valeur doublera également au cours de la prochaine décennie. C’est un peu plus rapide que le taux historique, mais lorsque le monde commencera à comprendre les changements que l’IA provoquera, la valeur de la terre, qui est l’un des rares actifs réellement finis, devrait augmenter plus rapidement.
Bien entendu, si nous augmentons la charge fiscale sur la détention de terres, leur valeur diminuera par rapport à d’autres actifs d’investissement, ce qui est une bonne chose pour la société car cela rend une ressource fondamentale plus accessible et encourage l’investissement au lieu de la spéculation. La valeur des entreprises diminuera également à court terme, même si elles continueront d’enregistrer d’excellentes performances au fil du temps.
On peut raisonnablement supposer qu’une telle taxe entraîne une baisse de 15 % de la valeur des terrains et des actifs des entreprises (qu’il ne faudra que quelques années pour récupérer !).
Selon les hypothèses ci-dessus (valeurs actuelles, croissance future et réduction de la valeur due à la nouvelle taxe), dans dix ans, chacun des 250 millions d’adultes américains recevra environ 13 500 dollars par an. Ce dividende pourrait être beaucoup plus élevé si l’IA accélère la croissance, mais même si ce n’est pas le cas, ces 13 500 dollars auront un pouvoir d’achat beaucoup plus important qu’aujourd’hui, car la technologie aura considérablement réduit le coût des biens et des services. Et ce pouvoir d’achat effectif augmentera considérablement chaque année.
Le plus simple pour les entreprises serait de payer la taxe chaque année en émettant de nouvelles actions représentant 2,5 % de leur valeur. Les entreprises seraient évidemment incitées à échapper à la taxe du fonds d’actions américain en se délocalisant, mais un simple test impliquant un pourcentage de revenus provenant d’Amérique pourrait répondre à cette préoccupation. Un problème plus important que pose cette idée est l’incitation pour les entreprises à restituer la valeur aux actionnaires au lieu de la réinvestir dans la croissance.
Depuis les années 1980, les géants du numérique ont profité de la concurrence fiscale entre pays pour optimiser leur stratégie fiscale. Ce type de tests proposé par Sam Altman est basé sur le même mécanisme que celui de projets comme l’impôt mondial sur les multinationales qui instaure une taxe sur un pourcentage minimum sur les bénéfices réalisés par les entreprises quelque soit la localisation de leur siège social.
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Si nous ne taxons que les entreprises publiques, les entreprises seront également incitées à rester privées. Pour les entreprises privées dont le chiffre d’affaires annuel est supérieur à 1 milliard de dollars, nous pourrions laisser s’accumuler l’impôt sur les fonds propres pendant un certain nombre d’années (limité) jusqu’à ce qu’elles entrent en bourse. Si elles restent longtemps privées, nous pourrions les laisser régler l’impôt en espèces.
Il faudrait concevoir le système de manière à empêcher les gens de voter systématiquement pour obtenir plus d’argent. Un amendement constitutionnel définissant les fourchettes autorisées de la taxe constituerait une garantie solide. Il est important que l’impôt ne soit pas si élevé qu’il étouffe la croissance – par exemple, l’impôt sur les entreprises doit être beaucoup plus faible que leur taux de croissance moyen.
Nous aurions également besoin d’un système solide pour quantifier la valeur réelle des terres. L’une des solutions consisterait à créer un corps d’évaluateurs fédéraux puissants. Une autre solution consisterait à laisser les autorités locales se charger de l’évaluation, comme elles le font actuellement pour déterminer les impôts fonciers. Elles continueraient à percevoir les impôts locaux sur la base de la même valeur imposable. Toutefois, si un certain pourcentage des ventes réalisées dans une juridiction au cours d’une année donnée se situe trop au-dessus ou au-dessous de l’estimation de la valeur des biens par les autorités locales, toutes les autres propriétés de la juridiction seraient réévaluées à la hausse ou à la baisse.
En théorie, le système optimal consisterait à taxer uniquement la valeur du terrain, et non les améliorations construites sur celui-ci. Dans la pratique, cette valeur peut s’avérer trop difficile à évaluer, de sorte que nous pourrions être amenés à taxer la valeur du terrain et des améliorations qui y sont apportées (à un taux inférieur, car la valeur combinée serait plus élevée).
Enfin, nous ne pourrions pas permettre aux gens d’emprunter, de vendre ou de mettre en gage leurs futures distributions de fonds, sinon nous ne résoudrions pas vraiment le problème de la répartition équitable des richesses dans le temps. Le gouvernement peut simplement rendre ces transactions inapplicables.
V — Passer au nouveau système
Un grand avenir n’est pas compliqué : nous avons besoin de la technologie pour créer plus de richesses et d’une politique pour les répartir équitablement. Tout ce qui est nécessaire sera bon marché et tout le monde aura assez d’argent pour se l’offrir. Comme ce système sera extrêmement populaire, les décideurs politiques qui l’adopteront rapidement seront récompensés : ils deviendront eux-mêmes extrêmement populaires.
Lors de la Grande Dépression, Franklin Roosevelt a pu mettre en place un vaste filet de sécurité sociale que personne n’aurait cru possible cinq ans plus tôt. Nous vivons aujourd’hui une période similaire. Un mouvement bénéficiant conjointement aux entreprises et aux citoyens réunira donc un électorat remarquablement large.
Une façon politiquement réalisable de lancer le fonds d’actions américain, et qui réduirait le choc de la transition, consisterait à adopter une législation qui nous ferait passer progressivement aux taux de 2,5 %. Le taux plein de 2,5 % ne serait appliqué que lorsque le PIB aurait augmenté de 50 % à partir de la date d’adoption de la loi. Commencer rapidement par de petites distributions sera à la fois motivant et utile pour que les gens se sentent à l’aise avec un nouvel avenir. Atteindre une croissance de 50 % du PIB semble prendre beaucoup de temps (il a fallu 13 ans pour que l’économie croisse de 50 % jusqu’à son niveau de 2019). Mais une fois que l’IA commencera à arriver, la croissance sera extrêmement rapide. À terme, nous pourrons probablement réduire de nombreux autres impôts en taxant ces deux classes d’actifs fondamentales.
Ici, il faut comprendre « une fois que l’intelligence artificielle générale commencera à arriver… » La grille de lecture de Sam Altman est la suivante concernant les différents scénarios de mise en oeuvre de l’AGI (intelligence artificielle générale) : d’une part elle peut commencer sous des délais courts ou longs — échéance de temps avant qu’elle ne survienne — ; d’autre part son « décollage », c’est-à-dire son adoption dans toutes les strates de l’économie, peut-être plus ou moins rapide.
Pour Sam Altman, le monde le plus sûr et le plus probable est celui d’un décollage lent, à bref délai.
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Les changements à venir sont inéluctables. Si nous les acceptons et les planifions, nous pourrons les utiliser pour créer une société beaucoup plus juste, plus heureuse et plus prospère. L’avenir peut être incroyable.