25 fois plus puissant que le CO2 pour générer de la chaleur, le méthane est l’un des principaux gaz à effet de serre de notre planète. Son utilisation en tant qu’hydrocarbure le dégrade en partie, mais c’est loin d’être suffisant pour éliminer l’excédent présent en grande quantité dans l’atmosphère. Des chercheurs néerlandais ont alors tenté d’exploiter l’incroyable capacité d’une classe de bactéries appelée archées anaérobies méthanotrophes (ANME). En absorbant et en dégradant le méthane, ces bactéries peuvent produire de l’électricité telles de véritables petites centrales vivantes. Exploitées de la bonne manière, elles pourraient d’une pierre deux coups, contribuer à la transition énergétique dont l’Union européenne (en pleine crise énergétique) a en ce moment grand besoin.
Le méthane a toujours été naturellement présent sur Terre, notamment dans les écosystèmes pauvres en oxygène tels que les tourbières et les marécages, mais aussi dans les déjections d’animaux herbivores. Il y est produit par des archées méthanogènes puis oxydé par les méthanotrophes aérobies et anaérobies avant d’être rejeté dans l’atmosphère. Ces bactéries se développent surtout dans des endroits où les eaux de surface et souterraines sont riches en azote (qui peut provenir de certains engrais), car elles ont besoin de nitrates pour décomposer le méthane.
À rappeler que la Terre a mis des milliers d’années à stabiliser son taux de méthane atmosphérique et autres gaz à effet serre, pour parvenir à une température propice à la vie. Mais les activités humaines ont profondément bouleversé ce subtil équilibre, surtout depuis le début de l’ère industrielle.
Au cours des deux derniers siècles, les modes de vie ont drastiquement changé et ont abouti à la société surconsommatrice actuelle. Satisfaire cette surconsommation a alors inévitablement sollicité des productions massives, ayant de graves conséquences sur l’environnement.
L’exemple le plus proche est la production de viande bovine et de lait, où le méthane (dans les déjections des vaches) représente la moitié des gaz à effet de serre émis par le secteur. Au cours des dernières décennies, la quantité de méthane atmosphérique a d’ailleurs augmenté de façon alarmante, aggravant le réchauffement de la planète. Aujourd’hui, le méthane est le deuxième gaz à effet de serre anthropique le plus abondant dans l’atmosphère, représentant environ 20% des émissions mondiales.
Dans les centrales actuelles au gaz, le méthane produit par les bactéries est converti en énergie électrique via la combustion. Mais la quantité maximale de méthane convertie y plafonne à moins de 50%. Les recherches menées par une équipe de l’Université de Radboud ambitionnent alors de s’appuyer directement sur les bactéries AMNE pour cette conversion.
Il s’agit notamment d’une fascinante capacité découverte pour la première fois chez les bactéries Anammox (ou ANaerobic-AMMonium-Oxidation), qui consiste à oxyder l’ammonium en azote, et cela en l’absence d’oxygène (en utilisant le nitrite comme accepteur d’électrons au lieu de l’oxygène). D’après les auteurs de l’étude décrite dans Frontiers in Microbiology, cette réaction chimique longtemps considérée comme impossible, est la même que celle qui se produit chez les ANME, où le méthane est transformé (au lieu de l’ammonium). Au cours de ce processus de transformation, les bactéries libèrent des électrons, qui peuvent être utilisés pour produire de l’électricité.
Un générateur mi-chimique, mi-biologique
Pour effectuer leurs expériences, les auteurs de la nouvelle étude ont sélectionné le genre Candidatus Methanoperedens. Ensuite, « nous avons créé une sorte de batterie à deux bornes, l’une étant une borne biologique et l’autre une borne chimique », explique dans un communiqué Heleen Ouboter, microbiologiste à l’université Radboud et auteure principale de l’étude. Les bactéries sont donc cultivées sur l’électrode biologique et cèdent des électrons (issus de la conversion du méthane) à celui chimique.
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Il faut également noter que les ANME utilisent des métaux et des métalloïdes extracellulaires insolubles ou des bactéries syntrophiques (présentes dans leur environnement) comme accepteurs d’électrons, et ce via un mécanisme appelé transfert d’électrons extracellulaire (EET). Le groupe de chercheurs a donc cultivé une population bactérienne à domination Candidatus Methanoperedens dans un environnement anaérobie et concentré en méthane.
Par ailleurs, l’anode biologique a également été réglée sur une tension nulle et placée dans une cellule électrochimique amorcée, pour pouvoir induire de l’électricité. Résultat : le courant électrique présent dans l’enceinte a atteint les 274 milliampères par mètre carré, dont les auteurs de l’étude attribuent plus d’un tiers à la conversion du méthane. Grâce au générateur, 31% du méthane a alors pu être converti en énergie électrique.
Bien que la capacité du nouveau générateur ne surpasse pas celle des centrales actuelles, les chercheurs sont optimistes et estiment peut-être bientôt pouvoir atteindre un rendement plus élevé.