Des ingénieurs du MIT et du National Renewable Energy Laboratory ont conçu un nouveau moteur thermique, une cellule thermophotovoltaïque sans pièces mobiles. Le dispositif est capable de produire de l’électricité à partir d’une source de chaleur de 1900 à 2400 °C. L’équipe rapporte une efficacité sans précédent, de plus de 40%, une performance supérieure à celle des turbines à vapeur traditionnelles (dont le rendement maximal se situe généralement aux alentours de 35%). Cette technologie pourrait ouvrir la voie vers un réseau électrique totalement décarboné.
Les cellules thermophotovoltaïques (TPV) sont des cellules photovoltaïques qui sont optimisées pour convertir le rayonnement électromagnétique infrarouge en électricité (les cellules photovoltaïques fonctionnent dans le visible et l’ultraviolet). Cette technologie permet ainsi d’élargir la gamme des longueurs d’onde pouvant être converties en électricité.
En théorie, l’efficacité d’une cellule TPV peut dépasser les 50%, mais en pratique, les scientifiques n’avaient jusqu’à présent jamais dépassé les 32%. La cellule nouvellement développée s’avère plus rentable que les turbines à vapeur qui sont utilisées aujourd’hui dans la production d’électricité, car elle peut exploiter des sources de chaleur à plus haute température.
En effet, la machinerie sur laquelle reposent les turbines dépend de pièces mobiles dont la température est limitée ; les sources de chaleur supérieures à 2000 °C seraient bien trop chaudes et entraîneraient la dégradation des matériaux. C’est pourquoi les scientifiques ont recherché des alternatives afin d’augmenter les rendements. « L’un des avantages des convertisseurs d’énergie à semi-conducteurs est qu’ils peuvent fonctionner à des températures plus élevées avec des coûts de maintenance inférieurs, car ils n’ont pas de pièces mobiles », explique Asegun Henry, chercheur au département de génie mécanique du MIT et co-auteur de l’article présentant le dispositif.
Plusieurs couches de matériaux pour un rendement maximal
Tout comme les cellules photovoltaïques, les cellules TPV peuvent être fabriquées à partir de matériaux semi-conducteurs dotés d’une bande interdite étroite — la bande interdite étant l’énergie séparant la bande de valence de la bande de conduction ou en d’autres termes, l’énergie que doivent acquérir les électrons pour atteindre la bande de conduction (et conduire l’électricité). Si un photon de haute énergie est absorbé par le matériau, il peut envoyer un électron à travers la bande interdite.
Mais jusqu’à présent, les cellules TPV n’ont affiché que des rendements relativement faibles, d’environ 20% en moyenne (le record étant de 32%). La plupart des cellules TPV existantes reposent sur des matériaux à faible bande interdite, qui convertissent les photons à basse température et à faible énergie (d’où un rendement moins élevé). Pour améliorer leur efficacité, les chercheurs ont donc cherché le moyen de capturer des photons de plus haute énergie, à partir d’une source de chaleur à plus haute température.
Pour ce faire, ils ont utilisé des matériaux à bande interdite plus élevée (entre 1,0 et 1,4 eV) et des jonctions multiples (plusieurs couches de matériaux). La cellule se compose ainsi d’un empilement de trois matériaux : en surface se trouve un alliage à bande interdite élevée, qui repose sur un alliage à bande interdite légèrement inférieure, sous lequel se trouve une couche d’or semblable à un miroir.
La première couche permet de capturer les photons à haute énergie issus d’une source de chaleur et les convertit en électricité ; les photons de plus faible énergie qui traversent la première couche sont capturés par la seconde et sont convertis à leur tour. Enfin, les photons qui traversent cette deuxième couche sont réfléchis par le miroir vers la source de chaleur, plutôt que d’être absorbés sous forme de chaleur perdue — le rayonnement inutilisé est renvoyé vers l’émetteur.
Vers un réseau électrique entièrement décarboné
L’équipe a testé la cellule en l’exposant sous une lampe à haute température, dont ils ont fait varier l’intensité. À l’aide d’un capteur de flux de chaleur, ils ont examiné comment l’efficacité énergétique de la cellule — soit le rapport de la quantité d’énergie produite sur la quantité de chaleur absorbée — variait avec la température de la lampe. « Un dispositif de 1,4/1,2 eV a atteint une efficacité maximale de 41,1 ± 1% pour une densité de puissance de 2,39 W/cm2 et une température d’émetteur de 2400 °C. Un dispositif de 1,2/1,0 eV a atteint une efficacité maximale de 39,3 ± 1% pour une densité de puissance de 1,8 W/cm2 et une température d’émetteur de 2127 °C », rapporte l’équipe dans Nature.
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Cette cellule TPV s’avère donc tout à fait opérationnelle et efficace. « Les cellules thermophotovoltaïques ont été la dernière étape clé pour démontrer que les batteries thermiques sont un concept viable », a déclaré Henry. L’équipe prévoit de l’incorporer dans une batterie thermique à l’échelle du réseau : le système absorberait ainsi la chaleur excédentaire, la stockerait (sur un support en graphite) et la convertirait en énergie électrique dès lors que les conditions d’ensoleillement ne sont pas suffisantes.
Reste à concevoir un dispositif à plus grande échelle pour envisager un système de production capable de répondre aux besoins. Les cellules utilisées dans ces expériences mesurent environ 1 cm² ; pour un système de batteries thermiques à l’échelle d’un réseau électrique, elles devraient atteindre une surface d’environ 900 m² et devront fonctionner dans des entrepôts à climat contrôlé.
Selon Henry, les infrastructures dédiées à la fabrication de cellules photovoltaïques à grande échelle pourraient être adaptées à la fabrication de TPV. « La technologie est sûre, sans danger pour l’environnement pendant son cycle de vie, et peut avoir un impact considérable sur la réduction des émissions de dioxyde de carbone dues à la production d’électricité », souligne-t-il. La multiplication de tels systèmes de stockage de l’énergie thermique à l’échelle du réseau pourrait permettre à terme de réduire d’environ 40% les émissions mondiales de CO2 et de recharger les véhicules électriques (responsables de 15% des émissions actuellement) avec de l’électricité sans CO2.