Un glacier menacé par le réchauffement climatique à Gletsch, dans les Alpes suisses, le 8 juillet 2022 - Fabrice COFFRINI / AFP
Une étude qui doit être publiée dans la revue Science vendredi estime qu'en limitant le réchauffement climatique à +1.5°C, 49% des glaciers existant en 2015 auront disparu en 2100.
Des conséquences dramatiques dans un futur peu lointain. Dans une étude qui doit faire l'objet d'une publication ce vendredi dans la revue scientifique Science, une équipe internationale, comprenant des chercheurs du CNRS et de l'université Toulouse III - Paul Sabatier, rapporte que les glaciers dans le monde font face à une disparition plus rapide qu'anticipée à horizon 2100.
Dans un communiqué, le CNRS explique que "selon leurs travaux, cette perte augmente de 14% à 23% par rapport aux précédentes projections, notamment celles ayant alimenté le dernier rapport du GIEC", le Groupe intergouvernemental d’experts sur l’évolution du climat, mis en place par l’ONU.
Ces projections ont de quoi inquiéter: en limitant le réchauffement climatique à +1.5°C, les auteurs anticipent que 49% des glaciers existant en 2015 auront disparu en 2100, entraînant une élévation du niveau de la mer de 9 centimètres. Cela correspond à une masse de glace perdue de 26%.
Si le réchauffement climatique atteint les +4°C, 83% des glaciers auront disparu en 2100, avec une montée des eaux de 15,4 centimètres, selon l'étude.
De nouvelles variables prises en compte
Pour parvenir à ces conclusions, les scientifiques ont fait un travail de modélisation et se sont appuyés sur un outil mathématique. La différence avec les résultats compilés par le Giec a plusieurs facteurs explicatifs, selon un des auteurs de l'étude, Étienne Berthier, glaciologue au CNRS.
L'écart découle d'abord d'un "nouveau jeu de données déduit des images des satellites" de tous des glaciers autour du globe, et de leur évolution entre 2000 et 2020, estime le chercheur auprès de BFMTV.com.
Ces images montrent que les glaciers reculent à un rythme accéléré depuis 2000, comme l'indiquait aussi l'Unesco dans un rapport publié en novembre. "Ils perdent actuellement 58 milliards de tonnes de glace chaque année, soit l’équivalent de la consommation annuelle d’eau combinée de la France et de l’Espagne, et sont responsables de près de 5 % de l’élévation du niveau de la mer observée à l’échelle mondiale", alertait déjà l'Unesco.
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Pour l'étude publiée vendredi, les scientifiques ont aussi pris en compte de "nouveaux processus", comme le vêlage, terme qui désigne "la séparation, par fracture, d’une masse de glace à partir d’un mur de glace, d’une falaise de glace ou d’un iceberg", selon le service des glaces du ministère canadien de l'Environnement.
Les "effets contradictoires" des débris rocheux ont aussi été intégrés dans les modélisations, souligne Étienne Berthier. Les débris rocheux sont "de plus en plus importants à la surface des glaciers" quand ceux-ci s'amincissent. Ils peuvent, lorsque leur couche est fine, accélerer la fonte du glacier. Mais quand cette couche est épaisse, elle "isole la glace et la protège", décrit le glaciologue.
"L'action est importante"
L'étude montre également que certains glaciers sont voués à disparaître d'ici la fin du siècle. Il s'agit principalement des plus petits, alors que la majorité des glaciers de notre planète sont "inférieurs à 1 km²", selon le CNRS.
Les scientifiques estiment que même dans le scénario où le réchauffement de la planète est limité à +1.5°C en 2100, tous les petits glaciers disparaîtront. Cet objectif paraît déjà difficile à atteindre le rapport de compilation des travaux internationaux sur le climat United in Science 2022, publié par l'ONU en septembre, évaluait que les ambitions des engagements nationaux d'atténuation du réchauffement climatique pour 2030 devaient être sept fois supérieurs à leur niveau de novembre 2021 pour parvenir à contenir le réchauffement climatique à +1.5°C.
Pour autant, "cela a un sens de se donner les objectifs les plus ambitieux possibles, de montrer que l'action est importante", soutient Etienne Berthier.
Des pertes de masses qui peuvent être limitées
Ainsi, "même si une partie des glaciers est déjà condamnée", il y a "urgence à agir et à réduire les émissions de gaz à effet de serre", assure le chercheur.
"On voit directement l'impact de l'histoire de la hausse des températures" sur les glaciers, ajoute-t-il.
"Les pertes de masse des plus grands glaciers, comme ceux d’Alaska, de l’Arctique canadien ou autour de l’Antarctique, clefs pour la montée future du niveau des mers, pourraient encore être limitées avec la mise en place de mesures pour contenir l’augmentation des températures", note aussi le CNRS.
Contenir la montée des eaux est un enjeu de première importance, alors qu'environ un milliard de personnes pourraient vivre d’ici 2050 dans des zones côtières menacées par la montée des eaux et les épisodes de submersions marines lors des tempêtes, selon un rapport du Giec de février 2022.