Vicieux car minuscules, donc facilement ingérables par les espèces marines et par l’homme, mais non « collectables », les microplastiques, définis par leur taille inférieure à 5 mm, s’infiltrent partout, dans tous les milieux aquatiques (océans et rivières) et terrestres de la planète, comme l’ont montré de nombreuses études publiées ces dernières années.
En revanche, le « transport atmosphérique de ces microplastiques » avait été jusqu’ici « largement négligé », écrivent les chercheurs à l’origine d’une étude parue mercredi 15 juillet dans la revue Nature Communications, qui s’intéresse à un type de microplastiques en particulier : ceux émis par les pneus des voitures.
Quand nous roulons, l’abrasion des pneus, ainsi que l’usure des plaquettes de freins, provoquent conjointement des émissions de microparticules de plastique en quantité importante. Pour la première fois, cette pollution a été chiffrée, et le voyage de ces microparticules a été suivi à la trace via des modélisations à l’échelle mondiale : ainsi, les chercheurs estiment que plus de 200 000 tonnes de microplastiques sont emportées chaque année par les vents, et ce depuis les routes où bouchonnent les voitures jusqu’aux endroits les plus reculés de la planète.
Des océans à la neige de l’Arctique
Aucune zone n’est épargnée : les particules provenant surtout d’Europe, d’Asie et du continent américain peuvent, pour les plus petites d’entre elles, rester près d’un mois en suspension dans l’air, et être transportées jusqu’aux océans – où plus de 52 000 tonnes d’entre elles aboutissent – et dans des régions reculées et enneigées (pour 20 000 tonnes d’entre elles), selon l’étude.
Les particules sont transportées jusqu’en Arctique, où d’autres chercheurs avaient déjà noté leur forte présence. « Cette nouvelle étude nous aide à comprendre pourquoi nous avons trouvé de telles quantités de microplastiques dans la neige de l’Arctique, mais aussi dans le plancher océanique de l’Arctique, où nous avions trouvé 13 000 particules de microplastiques par kilo de sédiments », commente auprès de Wired l’écologue Marine Bergmann.
Surtout, l’Arctique pourrait être une « région particulièrement sensible », estiment les chercheurs, car les propriétés d’absorption des rayons du soleil des microplastiques pourraient « provoquer un réchauffement accéléré et la fonte de la cryosphère ». La présence de microplastique affecte en effet l’albédo de la glace océanique – c’est-à-dire la manière dont la glace reflète l’énergie solaire – l’une des propriétés clé qui permet de réguler l’échange de chaleur entre l’océan et l’atmosphère.
4 kilos par pneu
Andreas Stohl, chercheur à l’Institut norvégien de recherche sur l’air, et directeur de l’étude, assure qu’un pneu perd en moyenne 4 kg de plastique au cours de sa vie. « C’est une énorme quantité de plastique si on la compare à celle provenant des vêtements. On retrouve des fibres de vêtements dans les rivières, mais pas des kilos entiers ! », insiste-t-il, auprès du Guardian.
Cette pollution sous-estimée pourrait même augmenter à l’avenir, pronostique Andreas Stohl, avec le développement des voitures électriques, « plus lourdes » donc « synonymes de davantage d’usure des pneus et des freins ».
Malgré l’essor des mobilités douces dans de plus en plus de grandes villes européennes, la voiture n’est pas prête de ralentir sa croissance, avec un marché automobile mondial qui devrait – après une petite baisse liée à la crise du Covid-19 – atteindre de nouveaux records en 2025, selon une étude du cabinet AlixPartners parue le 8 juin dernier.
« Les constructeurs automobiles devront apporter une réponse à ce sujet s’il devient réellement une source de préoccupations ces prochaines années », conclut Andreas Stohl, tout en conseillant aux citoyens de réduire leur utilisation de plastique dès que cela est possible, et de s’assurer que les quantités utilisées sont recyclées.