©université de Franche-Comté
C’est un événement qui vient d’ébranler le micromonde de la robotique : un nanorobot baptisé MiGriBot (Miniaturized Gripper Robot) vient de battre le record du monde de vitesse dans la manipulation d’objets. Derrière cette prouesse : une équipe française dirigée par Redwan Dahmouche.
Rapide comme l’éclair, souple comme une véritable main et d’une précision chirurgicale, MiGriBot est capable de saisir et de déplacer un micro-objet près de 720 fois par minute, soit 12 opérations par seconde ! Le microscopique robot opère avec une précision de l’ordre du micromètre, soit un millionième de mètre. Une invention qui propulse l’équipe de recherche RoMoCo sur le devant de la scène dans le domaine de la nanotechnologie.
Avec plus de 4 200 milliards de dollars1 de dépenses mondiales dans le secteur informatique en 2019, la microélectronique est devenue un enjeu majeur du marché industriel. L’Europe ne représente pourtant que 9 % de la production des composants électroniques2. Smartphones, ordinateurs, automates industriels et autres objets programmables de notre quotidien : des milliards de produits sont aujourd’hui composés de microcircuits. Une industrie colossale qui nécessite désormais des procédés d’assemblages très complexes (rien qu’un smartphone est constitué de plus de 500 composants !) et qui demande des cadences de production de plus en plus élevées.
Inventer un robot « compact, rapide et précis »
« Les techniques actuellement utilisées en mécanique robotique restent coûteuses et il y avait encore beaucoup de progrès à faire en termes de temps et de précision, explique Redwan Dahmouche, maître de conférences à l’université de Franche-Comté3 et inventeur de MiGriBot. L’université de Harvard a sorti le MiniDelta en 2018 mais il ne possédait pas la capacité de saisir un objet. En 2020, l’université de Tokyo a pu passer cette étape mais ce dernier ne dépassait pas les 72 opérations par minute. Le défi était donc de travailler sur ces trois critères pour avoir un robot compact, rapide et précis. »
Pour ce faire, les chercheurs ont d’abord dû trouver les composants adéquats. Les bras mécaniques de ce robot d’une souplesse hors norme sont constitués de polydiméthylsiloxane, un composé chimique qui est également à la base d’huiles ou de certains caoutchoucs. Selon la densité de la matière, ce polymère (assemblage de macromolécules) peut prendre différentes formes, allant du microfluide organique à une texture proche de la gomme. Une telle élasticité a permis d’alléger la structure et d’accélérer ainsi sa motricité dans la manipulation des objets. Mais la vitesse et la précision ne sont pas qu’une affaire de matière, la singularité de ce modèle réside dans le choix de sa structure.
Une architecture repensée en « parallèle »
Les robots de grande et de moyenne taille (allant de quelques dizaines de centimètres à plusieurs mètres) ainsi que les microrobots utilisés par les industriels sont habituellement construits d’après une architecture sérielle. Tous les éléments constituant les bras mécaniques sont assemblés en série. Chaque élément (dont les « actionneurs » ou micromoteurs) étant disposés les uns après les autres. Ce qui limite considérablement leur vitesse d’action.
Les actionneurs de MiGriBot sont tous connectés à la base du robot. Les articulations répondent ainsi bien plus vite et permettent une bien meilleure coordination entre toutes les parties.
Ici, notre robot a été monté d’après une architecture dite en « parallèle » : « Généralement, les robots combinent plusieurs systèmes, éclaire Redwan Dahmouche. Les pinces sont par exemple toujours ajoutées de façon indépendante et sont un chaînon à part entière de l’ensemble. Tandis qu’ici, tous les éléments font partie intégrante d’un même système. » Les actionneurs de MiGriBot sont tous connectés à la base du robot. Les articulations répondent ainsi bien plus vite et permettent une bien meilleure coordination entre toutes les parties.
« Ce qui fait l’originalité de ce robot, poursuit son inventeur, réside donc dans l’architecture que nous avons entièrement repensée afin d’appliquer un tel cahier des charges à cette échelle. » Un tel choix permettrait de continuer à produire selon les mêmes méthodes que les modèles de la microélectronique classique. Ce qui offre la possibilité de fabriquer à la chaîne des dizaines, voire des milliers de MiGriBot.
©Université de Franche-Comté
Car le projet de l’équipe de Redwan Dahmouche ne s’arrête pas là : « À terme, nous aimerions produire des micro-usines capables d’assembler les structures les plus complexes en microélectronique. Ce n’est pas seulement une question de rentabilité. La possibilité d’avoir sur un mètre carré des milliers de microrobots réalisant des millions d’opérations par minute ferait baisser considérablement la consommation énergétique dans les processus de fabrication ».
La possibilité d’avoir sur 1 m2 des milliers de microrobots réalisant des millions d’opérations par minute ferait baisser considérablement la consommation énergétique dans les processus de fabrication.
Si cette prouesse est avant tout une réponse à la demande du marché, son destin semble ouvert à de nombreux autres domaines comme nous le rappelle son inventeur : « Il existe actuellement des technologies révolutionnaires de micro et nanocapteurs capables de détecter des substances chimiques fortement toxiques dans certains environnements ou bien encore des cellules cancéreuses dans les organismes. Mais de telles capacités nécessitent un assemblage spécifique ». À cette échelle, le nanorobot serait capable de manipuler et de trier différentes cellules lors de processus de détection.
Fort de toutes ces aptitudes, il reste cependant un défi de taille à relever pour ces microbras très prometteurs. Les chercheurs doivent se pencher désormais sur la question de la consommation énergétique et des déchets électroniques (estimés à plusieurs dizaines de millions de tonnes par an) : « Aujourd’hui, nous devons étudier la longévité de ce modèle. Nous n’avons pas encore le recul nécessaire pour connaître la robustesse et la durabilité de ce type de robot. Nous devons faire en sorte que cette technologie puisse éviter les défauts de l’obsolescence », conclut Redwan Dahmouche. ♦