Volodymyr Zelensky à Washington le 21 septembre 2023
Volodymyr Zelensky a très bien joué le rôle de Churchill à l’exportation. Mais les années passent, et il est temps de quitter la scène théâtrale pour revenir à la réalité. Cette réalité où l’agence Reuters fourre son nez dans les combines de certains ministres. Cette réalité où, après l’engouement pour le slogan “Gloire à l’Ukraine !”, les gouvernements étrangers reportent leur attention sur leurs problèmes intérieurs. C’est ce qui se passe en Pologne.
La Pologne est-elle la meilleure de nos amies et voisines ? Fort probablement, oui. Et Duda, le président polonais, et le Premier ministre Morawiecki n’ont-ils pas été des avocats de l’Ukraine durant les longs mois de notre lutte ? Oui, ils l’ont été.
La Pologne est un bon voisin, avec qui on peut dialoguer
Il y a des élections en Pologne [législatives, le 15 octobre 2023]. Et il n’y a pas que les deux grands partis qui sont en lice, mais aussi d’autres, plus radicaux, plus bruyants, qui n’hésitent pas à parler de l’arrogance et de l’ingratitude des Ukrainiens. Par conséquent, le pire que puisse faire l’Ukraine, ce serait de dire : peu nous importent les pommes et les oignons polonais.
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Le gouvernement polonais va-t-il défendre ses agriculteurs ? Oui, car c’est un électorat clé. Vraisemblablement parce que dans une démocratie établie, ce sont des acteurs puissants. Et qu’on ne peut pas, comme en Ukraine, se moquer des agriculteurs – leur balancer : débrouille-toi pour survivre.
Par ailleurs, la Pologne, c’est notre couloir d’exportation des céréales et il s’agit donc du premier test de la capacité de l’Ukraine à respecter les règles pour atteindre l’Union européenne.
De plus, nous avons un tas de voisins un peu dingues qui souhaitent notre mort. La Pologne aussi a ses personnages néfastes, mais avec eux on peut dialoguer et avoir des relations pragmatiques mutuelles.
Un premier test pour l’engagement européen de Kiev
C’est un peu comme la Grande-Bretagne et la France, qui ont beaucoup de racines communes, se sont bien souvent bagarrées, et qui ont compris qu’il vaut mieux entretenir un bon voisinage pragmatique, préserver sa souveraineté et la vie de millions de citoyens.
Zelensky a donc très longtemps joué le rôle de Churchill. Mais le pic de ce spectacle est passé, et maintenant, au lieu des applaudissements, on exigera de lui des plans d’action, des décisions.
Et je reviendrai enfin sur l’information selon laquelle, à partir de 2024, Varsovie n’aidera plus les réfugiés ukrainiens. Voilà ce que j’ai à dire : deux ans, c’est déjà un délai solide pour dresser des plans pour l’avenir et comprendre ce que l’on veut. Construire une nouvelle vie quelque part, ou rentrer à la maison pour reconstruire après la guerre. Il est impossible d’être assis sur deux ou trois chaises à la fois. Ça fait peur ? Oui, mais tout le monde a peur.
Je pense que les parents qui, à Kharkiv, ramènent leurs enfants à l’école dans le métro ont peur, eux aussi. Alors quand je vois, sur Youtube ou Instagram, les vlogs de quelques Ukrainiens malins qui se présentent comme “des réfugiés des Carpates en Norvège”, avec par exemple une femme en train de découper du saumon tandis qu’à l’arrière-plan un jeune type est vautré dans un canapé avec son téléphone, je trouve ça plutôt moyen. Et donc ces gens-là ont encore un an pour savoir ce qu’ils veulent.
Le gouvernement polonais, lui, a quarante millions de citoyens à gérer, et ils sont sa priorité. C’est ça, la realpolitik.