(Crédits : Thomas Peter)
À l'évidence, les progrès de l'économie chinoise sont spectaculaires et, de ce point de vue, les 14.000 milliards de dollars que représente la production agrégée chinoise relèvent quasiment du miracle en comparaison de l'état où se trouvait ce pays il y a encore 20 ans. Mais en fait, quel est le niveau de vie des Chinois par rapport aux citoyens des autres pays ? Si le PIB chinois en valeur absolue est en soi impressionnant, d'autres mesures indiquent une situation nettement plus contrastée, voire carrément déprimée.
Le PIB nominal, mesuré face à la monnaie de réserve mondiale qu'est le dollar, classe la Chine au 60e rang mondial derrière les Seychelles et les Maldives. Quant au PIB calculé en regard de la parité du pouvoir d'achat, c'est-à-dire de ce qui peut être acheté d'équivalent entre nations pour une quantité donnée d'argent, il indique que la Chine est reléguée au 73e rang mondial derrière la Guinée. Les États-Unis, eux, sont respectivement 5e dans le premier classement (derrière le Luxembourg, la Suisse, l'Irlande et la Norvège) et 7e en parité du pouvoir d'achat. En réalité, les performances américaines sont proprement exceptionnelles, car cette nation se situe 5e d'un classement où se distinguent de petites économies homogènes et stables socialement, tandis qu'eux - les USA - sont une puissance économique massive, très diversifiée et caractérisée par une forte diversité sociale. En comparaison, les 60e et 73e places de la Chine la placent derrière les pays du Tiers-Monde les plus pauvres, alors même que son PIB agrégé la propulse à la seconde place mondiale derrière les États-Unis.
La chasse menée en Chine contre les plus riches
Cette contradiction flagrante, autorisant de considérer la Chine à la fois comme une superpuissance économique et comme un pays sous-développé, se manifeste nationalement par les Chinois les plus riches parvenant à mener le même train de vie que les Occidentaux les plus aisés quand, au même moment, l'écrasante majorité de leurs concitoyens vivotent pires que des Guinéens. Bien sûr, les inégalités sont un phénomène et un malheur mondiaux existant dans chaque pays. Il n'en reste pas moins que même au sein du pays occidental le plus inégalitaire du monde - à savoir les États-Unis - les plus pauvres ont un niveau de vie incomparable aux Guinéens.
Xi Jinping connaît parfaitement l'histoire de son pays et notamment la Longue Marche entreprise par Mao qui a fédéré les laissés pour compte, les paysans et les miséreux de l'époque constitués en armée ayant renversé le régime en place accusé de promouvoir injustices et inégalités. C'est à ce prisme qu'il faut voir la chasse menée aujourd'hui en Chine contre les plus riches et qui a pour objectif affiché de démontrer que le Parti communiste se préoccupe des pauvres. Pour autant, les actions de Xi Jinping et de ses fidèles sont susceptibles de nuire à la machine à produire chinoise, et donc au PIB facial de leur pays. Les dirigeants chinois se retrouvent donc en quelque sorte à la croisée des chemins. Confrontés à une pauvreté au sein de leurs territoires comparables à celle des nations les plus miséreuses du globe, contraints d'adopter des mesures spectaculaires - souvent théâtrales - destinées à montrer à leurs citoyens qu'ils sont bien décidés à lutter contre ce fléau, ils sont bien conscients que leurs actions volatilisent la confiance du milieu des affaires en leur économie et fragilise donc ce PIB qui les rend (à juste titre) si fiers.
(*) Michel Santi est macro-économiste, spécialiste des marchés financiers et des banques centrales. Il est fondateur et directeur général d'Art Trading & Finance. Il vient de publier « Fauteuil 37 » préfacé par Edgar Morin. Il est également l'auteur d'un nouvel ouvrage : « Le testament d'un économiste désabusé ». Sa page Facebook et son fil Twitter.