Dans le cadre du projet Breakthrough Starshot, des chercheurs ont tenté d’optimiser la conception d’une voile photonique interstellaire. Pour cela, il leur a fallu prendre en compte la contrainte de la pression photonique sur la structure et la possibilité d’une déchirure de la voile. De telles voiles photoniques propulseraient des vaisseaux spatiaux à 20% de la vitesse de la lumière, assez rapidement pour faire le voyage jusqu’à Alpha du Centaure (le système stellaire et planétaire le plus proche) en une vingtaine d’années (au lieu de plusieurs millénaires).
L’idée de se propulser dans l’espace à l’aide d’une voile guidée par la lumière n’est pas nouvelle. Le projet Breakthrough Starshot ambitionnait déjà d’envoyer de petits vaisseaux (propulsés par photovoile) vers les étoiles les plus proches, mais comprendre comment faire survivre ces modèles tout au long du voyage nécessitait des recherches plus poussées.
Aussi étonnant que le choix puisse paraître, utiliser des voiles réfléchissant la lumière en utilisant le choc des photons pourrait être la seule chance d’atteindre une autre étoile au cours d’une vie humaine. Grâce à des matériaux fins de quelques nanomètres et à un réseau de lasers puissants, les voiles permettraient d’acheminer des vaisseaux spatiaux (à 20% de la vitesse de la lumière) jusqu’à Alpha du Centaure (Alpha Centauri, le système stellaire et planétaire le plus proche de nous) en une vingtaine d’années (au lieu de plusieurs millénaires).
Concevoir des matériaux durables
« Atteindre une autre étoile de notre vivant nécessitera une vitesse relativiste, c’est-à-dire une vitesse proche de celle de la lumière », explique dans un communiqué Igor Bargatin, ingénieur en mécanique de l’université de Pennsylvanie et l’un des auteurs des études. Dans le cadre du projet, son équipe travaille sur la conception des matériaux de la voile, sa taille et sa forme, afin de trouver une solution durable avant projection dans l’espace.
D’autres recherches avaient supposé que le soleil fournirait toute l’énergie nécessaire pour déplacer les voiles légères. Mais l’intensité lumineuse doit être largement supérieure pour atteindre la vitesse relativiste évoquée par Bargatin. Pour capter davantage de lumière, on peut augmenter la taille de la voile, ou encore diriger un grand nombre de lasers terrestres vers elle. Mais dans le premier cas, le poids de la voile serait plus important et donc plus difficile à déplacer ; et réduire la masse de la voile pourrait la rendre moins robuste et plus susceptible de se déchirer.
Deux études publiées dans la revue Nano Letters décrivent les caractéristiques fondamentales des voiles à concevoir, qui devraient être construites à partir de feuilles ultrafines d’oxyde d’aluminium et de disulfure de molybdène.
Première étude : obtenir la courbure d’un parachute
Dans le premier article, les chercheurs soulignent que les voiles légères, « qui sont rapidement accélérées à des vitesses relativistes par des lasers, doivent être considérablement courbées [et non plates comme supposé précédemment] afin de réduire leurs contraintes mécaniques et d’éviter les déchirures ».
« L’intuition ici est qu’une voile très fine, que ce soit sur un voilier ou dans l’espace, est beaucoup plus sujette aux déchirures », explique Bargatin. « C’est un concept relativement facile à saisir, mais nous avons dû faire des calculs très complexes pour montrer réellement comment ces matériaux se comporteraient à cette échelle ».
Deuxième étude : supporter la pression thermique
La deuxième étude est dirigée par Aaswath Raman, professeur adjoint au département de science et d’ingénierie des matériaux de l’UCLA. Elle donne un aperçu de la manière dont les motifs nanométriques à l’intérieur de la voile pourraient dissiper le plus efficacement possible la chaleur diffusée par un faisceau laser un million de fois plus puissant que le soleil (au niveau de la lumière émise, qui dans le cas du laser est très concentrée). La gestion thermique est un objectif important de la conception de la voile photonique en raison des puissances laser intenses requises, mais elle a très souvent été considérée comme secondaire par rapport aux performances d’accélération.
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« Si les voiles absorbent ne serait-ce qu’une infime partie de la lumière laser incidente, elles atteindraient des températures très élevées », explique Raman. « Pour s’assurer qu’elles ne se désintègrent tout simplement pas, nous devons maximiser leur capacité à rayonner leur chaleur, qui est le seul mode de transfert de chaleur disponible dans l’espace ».
Les propriétés optiques nouvellement trouvées permettraient ainsi un bon équilibre entre l’absorption et l’émission minimales de la lumière lorsqu’elle s’étend. La voile pourrait résister à une poussée initiale encore plus forte, réduisant ainsi le temps nécessaire aux lasers de rester sur leur cible.
« Il y a quelques années, le fait même de penser ou de faire des travaux théoriques sur ce type de concept était considéré comme farfelu », conclut le professeur Deep Jariwala. « Aujourd’hui, non seulement nous disposons d’un concept, mais ce concept est fondé sur des matériaux réels disponibles dans nos laboratoires. Notre plan pour l’avenir serait de fabriquer de telles structures à petite échelle et de les tester avec des lasers de grande puissance ».