Boycott du Mondial au Qatar : la culpabilisation rend sourd
La punchline fait désormais partie du déroulé de toute émission, dès qu’un acteur ou une personnalité se retrouve devant une caméra ou un micro : « Allez-vous suivre le Mondial au Qatar ? » Il ne s’agit pas d’être dupe du procédé. Cet angle d’attaque s’avère assez étonnant, car on se demande bien qui prétend interdire au téléspectateur moyen d’allumer sa télé pour le match des Bleus. Il se trouve finalement bien plus d' « experts » pro-Qatar pour s’indigner de ce diktat que de parangons de vertu pour prétendre l’imposer. Roschdy Zem, en promo dans C à Vous sur France 5, n’y a pas coupé. Il a avoué sa faute... oui, il sera devant les rencontres « sans occulter l'aberration sociale et écologique » . Il a également développé son point de vue pour se justifier : « C'est trop tard. Elle a lieu dans deux mois. L'attribution pour organiser la Coupe du monde, c'était il y a dix ou douze ans. Ni les instances politiques, ni les instances sportives, ni les joueurs, même vous les médias vous allez rendre compte des résultats, donc pourquoi aujourd'hui on va prendre en otage le spectateur en disant "Ne regardez pas la Coupe du monde." On savait à qui on donnait la Coupe du monde, [...] on avait tous les éléments. [...] À partir du moment où on prend la décision, ce n'est pas au spectateur et encore moins aux joueurs qu'il faut dire de ne pas aller jouer. »
"Pourquoi aujourd'hui prendre en otage le spectateur ? En choisissant le Qatar, on savait que ce serait une aberration écologique, le sort réservé à la main-d’œuvre, on avait tous les éléments : on savait à qui on donnait la Coupe du monde !"Roschdy Zem dans #CàVous pic.twitter.com/dA3p0xi0uo
L'occulte et les personnalités
Effectivement, la « faute » retombe d’abord sur notre gouvernement (rappelons le rôle de Nicolas Sarkozy, alors président de la République, en faveur de la candidature de l’émirat) et sur la FFF, puis aussi au départ sur la FIFA. La tendance est assez similaire à ce qu’il est possible d’entendre au sujet de l’écologie. Il s’avère toujours tellement plus facile de réclamer au péquin de prendre ses responsabilités envers la planète - tri sélectif, acheter un vélo, etc. - que d’imposer au niveau « macro » - État, entreprises - des décisions douloureuses pour le portefeuille. Naturellement, il peut se manifester aussi un effet d’aubaine autour de ce type de préoccupations. Par exemple ces collectivités en France ou en Belgique qui « renoncent » aux écrans géants. Cela dit, en novembre-décembre, même avec le réchauffement, les foules ne se seraient sûrement pas pressées sous un chapiteau, alors que la crise énergétique ainsi que l’inflation incitent tout autant à cette sage décision « éthique » .
En bref, Christophe Galtier n’est certainement pas un criminel climatique. Lui demander de rendre des comptes après sa bourde magistrale sur les « chars à voile » ou encore l'apostropher lors d'une conférence comme ce fut le cas jeudi dernier consiste à enfermer la discussion dans des mea culpa individuels - « Je prends le train » - quand c'est l’ensemble du foot pro qui aurait grandement besoin de se reformer.
Toutefois, cette vision d’ensemble n’interdit pas au citoyen ou à la citoyenne de penser et d’agir en son âme et conscience. D’ailleurs, se multiplient les témoignages, en particulier sur les réseaux sociaux, du choix d’un boycott personnel de la compétition, sans généralement se poser en modèle à suivre. C’est finalement le sens de la dernière lettre d’Amnesty International aux Bleus, leur annonçant que l’ONG supportera les Danois dimanche soir. « Didier Deschamps, votre sélectionneur, que nous avions également contacté, avait pourtant annoncé en conférence de presse que vous étiez libres de votre parole, et qu’il ne s’opposerait pas à des interpellations de joueurs envers le Qatar ou la Fédération française, peut-on y lire. Serait-ce par devoir de politesse envers votre futur hôte ? Pas la moindre intervention individuelle dans les médias ou demande collective évoquant la question des droits humains dans ce pays. Silence assourdissant de votre équipe face aux milliers de travailleurs migrants décédés sur les chantiers qataris et aux milliers d’autres soumis au travail forcé. » En gros, vous qui avez la liberté de parler, exprimez-vous... Mais culpabiliser le foot ne sert à rien, car si ce sport s’apparente parfois à une religion, ni les joueurs ni les supporters n’ont besoin de passer au confessionnal. La Coupe du monde au Qatar relève du pur profane : politique, économie, écologie. Il est temps d’en prendre conscience...