L'hélium 3 est une chose très enviable pour l'espèce humaine. Comme le prouvent les visées chinoises sur le régolithe lunaire ou le grand plan nucléaire de la start-up Helion, cet isotope de l'hélium pourrait constituer un carburant idéal pour de futures centrales à fusion, donc une source d'énergie propre et quasiment infinie.
Pas de chance: le 3He, s'il est courant sur la surface de la Lune, qui ne bénéficie pas de la même protection que la Terre et sa magnétosphère, est très rare sur notre planète. Wikipédia, qui a eu l'amabilité de se charger des calculs à notre place, explique ainsi que l'hélium 3 ne représente qu'«une fraction d'à peine 7,2 × 10-12 de l'atmosphère dans son ensemble».
Du moins était-ce ce que la science pensait savoir jusqu'il y a peu. Car des chercheurs, menés par Benjamin Birner de l'Université de San Diego aux États-Unis, ont découvert sinon par hasard, du moins en cherchant tout autre chose, que l'hélium 3 pourrait être jusqu'à dix fois plus abondant sur Terre que prévu. Rare, mais un peu moins rare.
Comme ils le racontent dans un article publié par Nature Geoscience, c'est en cherchant un autre isotope de l'hélium, l'hélium 4, et en souhaitant trouver de nouvelles méthodes de calculs des émissions anthropiques de gaz à effet de serre, que les scientifiques en sont arrivée à cette conclusion. Sans pourtant parvenir à déterminer la source de ce bonus inespéré de 3He.
S'il n'est pas lui-même un gaz à effet de serre, le 4He est notamment le produit du brûlage par les activités humaines d'énergies fossiles, quand le 3HE naît de processus géologiques longs, ou résulte des retombées de tests d'armes atomiques ou du fonctionnement de certains réacteurs nucléaires.
«Nous n'avons mesuré que les changements dans la concentration atmosphérique de 4He», explique Birner à Motherboard dans un e-mail. Néanmoins, de précédents travaux indiquent que le ratio entre les isotopes de l'hélium ( 3He/ 4He) est globalement stable.» L'équipe ayant découvert une augmentation de la concentration d'hélium 4, celle de l'hélium 3 suit logiquement selon des proportions déjà connues.
Ça gaze?
Encore fallait-il pouvoir effectuer les calculs les plus exacts possibles –la rareté du 3He aurait pu fausser les résultats de l'étude de Birner et ses collègues. Ils l'ont fait en se servant d'un autre ratio, celui entre hélium 4 et nitrogène, ce dernier étant si abondant et stable qu'il permet des résultats mathématiques plus solides.
En testant des échantillons d'air prélevés entre 1974 et 2020, et en suivant sa méthode novatrice, l'équipe a pu déterminer que les concentrations atmosphériques de 4He avaient «significativement augmenté ces cinq dernières décennies».
En conséquence, exposent les scientifiques, la quantité d'hélium 3 dans l'atmosphère terrestre «excède largement les estimations d'émissions anthropiques en provenance du gaz naturel, des armes atomiques ou de la génération d'énergie nucléaire, suggérant un problème avec les précédents calculs ou la mauvaise prise en compte de sources connues». Bref: il y en a encore peu mais il y en a tout de même beaucoup plus, environ dix fois plus. Personne, pourtant, ne peut expliquer la source de ce bonus inattendu.
Les recherches de l'équipe sur les gaz nobles et les isotopes de l'hélium ne concernent pas directement la fusion nucléaire, bien que cette découverte d'une source pour l'instant inconnue d'hélium 3 pourrait avoir un impact réel sur l'avenir de ce très prometteur champ technologique.
En permettant de calculer beaucoup plus précisément quelles énergies fossiles sont responsables de quelles émissions de gaz à effet de serre, les méthodes de Birner et al. pourraient néanmoins revêtir une grande importance dans notre compréhension fine et immédiate des conséquences de l'action humaine sur le climat de la Terre. Donc sur les mesures d'urgence à apporter pour mieux maîtriser ses effets.