La recherche lunaire est dans une phase fructueuse. La concurrence, tout comme la coopération entre les pays, insuffle un certain dynamisme dans l’exploration et les projets à long terme, comme en témoignent les « accords Artemis ». Ces derniers visent à encadrer la conquête spatiale par des règles de bonne conduite et de coopération entre les pays désirant, avec les États-Unis, ramener les humains sur la Lune d’ici 2025, dans le but ultime d’étendre l’exploration spatiale. Récemment, des chercheurs américains ont découvert des emplacements ombragés dans des fosses lunaires dont la température oscille toujours autour d’un confortable 17 °C. Les grottes auxquelles elles pourraient mener constitueraient des abris thermiquement stables, sur le long terme, pour de futurs explorateurs humains.
La conquête spatiale du XXIe siècle prend un nouvel essor avec les accords Artemis de la NASA, signés par 20 pays. En effet, la coopération internationale sur Artemis vise non seulement à renforcer l’exploration spatiale, mais aussi à renforcer les relations pacifiques entre les nations. Par conséquent, au cœur des accords Artemis se trouve l’exigence que toutes les activités soient menées à des fins pacifiques, conformément aux principes du Traité sur l’espace extra-atmosphérique, et en protégeant les ressources extraterrestres.
Dans ce contexte, le programme américain Artemis ambitionne de renvoyer des astronautes sur la Lune vers 2025, plus de 50 ans après l’alunissage historique de la mission Apollo 11. L’objectif est d’établir à terme une présence humaine durable. Il prévoit également la construction d’une station qui sera assemblée en orbite lunaire à partir de 2024, le Lunar Gateway, futur tremplin pour des vols habités plus lointains. La capacité d’extraire et d’utiliser les ressources sur la Lune, Mars et les astéroïdes, sera essentielle pour soutenir l’exploration et le développement spatiaux sûrs et durables.
Récemment, une équipe dirigée par des scientifiques de l’UCLA a découvert des endroits ombragés dans des fosses lunaires, qui oscillent toujours autour d’une température confortable de 17 °C. Les grottes auxquelles elles pourraient mener constitueraient des camps de base plus sûrs et plus stables thermiquement pour l’exploration lunaire et l’habitation à long terme que le reste de la surface de la Lune, dont la température peut atteindre les 127 °C pendant la journée et chuter à –173 °C durant la nuit. Les résultats sont publiés dans la revue Geophysical Research Letters.
Des fosses accueillantes pour d’anciens tubes de lave
Les fosses lunaires ont été découvertes en 2009 par l’Agence japonaise d’exploration aérospatiale (JAXA), grâce à la première véritable mission spatiale lunaire japonaise SELENE ou KAGUYA. La sonde spatiale a été lancée le 14 septembre 2007 par un lanceur japonais H-IIA depuis la base de lancement de Tanegashima.
Depuis lors, la question est de savoir si ces fosses mènent à des grottes qui pourraient être explorées ou utilisées comme abris. C’est pourquoi, afin de connaître au mieux la surface du satellite naturel de la Terre, la NASA a lancé en 2009 la sonde spatiale Lunar Reconnaissance Orbiter (LRO). Grâce à la très grande précision des instruments embarqués et l’immense quantité des données envoyées vers la Terre, l’agence spatiale américaine a été capable de dresser des cartes extrêmement détaillées et un modèle 3D, pour les futures missions à long terme sur la Lune.
Tyler Horvath, doctorant à l’UCLA en sciences planétaires, déclare dans un communiqué : « Environ 16 des plus de 200 fosses sont probablement des tubes de lave effondrés. Deux des fosses les plus importantes ont des surplombs visibles qui mènent clairement à une sorte de grotte ou de vide, et il existe des preuves solides que le surplomb d’une autre fosse puisse également conduire à une grande grotte ».
C’est ainsi qu’en utilisant la modélisation informatique et les données de l’instrument Diviner, à bord du Lunar Reconnaissance Orbiter, mesurant en continu la température de la surface lunaire depuis plus de 11 ans, les auteurs de l’étude ont caractérisé en profondeur l’environnement d’une dépression à peu près cylindrique de 100 mètres de profondeur, pour une longueur et une largeur équivalentes à celles d’un terrain de football.
Situé à Mare Tranquillitatis, l’environnement thermique de la fosse est plus hospitalier que n’importe quel autre endroit sur la Lune, avec des températures variant au minimum autour de 17 °C, là où le soleil ne brille pas directement. En effet, les auteurs pensent que le surplomb d’ombrage est responsable de la température constante, limitant la chaleur pendant la journée et empêchant la chaleur de rayonner la nuit.
Pendant ce temps, la partie ensoleillée du sol de la fosse atteint des températures diurnes proches de 149 °C degrés, environ 20 degrés de plus que la surface de la Lune. Horvath explique : « Parce que la fosse Tranquillitatis est la plus proche de l’équateur lunaire, le sol éclairé à midi est probablement l’endroit le plus chaud de toute la lune ». Si une grotte se prolongeait à partir d’une fosse comme celle-ci, elle maintiendrait elle aussi la température confortable de 17 °C, sur toute sa longueur, variant de moins de 1°C sur toute une journée lunaire.
Une présence humaine durable sur la Lune
Ces grottes et ces fosses lunaires seraient le résultat de tubes de lave, également trouvés sur Terre. Ils se forment lorsque de la lave en fusion coule sous un champ de lave refroidie ou qu’une croûte se forme sur une rivière de lave, laissant un long tunnel creux. Si le plafond d’un tube de lave solidifié s’effondre, il ouvre une fosse qui peut mener au reste du tube en forme de grotte. Comme le souligne David Paige, co-auteur de l’article : « Les humains ont évolué en vivant dans des grottes, et nous pourrions y revenir lorsque nous vivrons sur la Lune ».
Il faut savoir qu’une journée sur la lune dure près de 15 jours terrestres. Les nuits incroyablement froides durent également environ 15 jours terrestres. Inventer des équipements de chauffage et de refroidissement capables de fonctionner dans ces conditions et de produire suffisamment d’énergie pour les alimenter sans arrêt pourrait s’avérer un obstacle insurmontable à l’exploration ou à l’habitation lunaire. Sans compter que l’énergie solaire — la forme de production d’électricité la plus courante de la NASA — ne fonctionne évidemment pas la nuit.
Construire des bases dans les parties ombragées de ces fosses permettrait aux scientifiques de se concentrer sur d’autres défis, comme cultiver des ressources alimentaires, fournir de l’oxygène aux astronautes, rassembler des ressources pour des expériences et agrandir la base. Les fosses ou les grottes offriraient également une certaine protection contre les rayons cosmiques, le rayonnement solaire et les micrométéorites.
Enfin, les données des premières étapes de ce projet de modélisation thermique de la fosse lunaire ont été utilisées pour aider à développer le système de gestion thermique du rover pour la mission Moon Diver proposée par la NASA. Cette dernière vise à faire descendre le rover en rappel dans la fosse Tranquillitatis pour rechercher les couches de coulées de lave observées dans ses parois et explorer toute grotte existante.
Il faut donc attendre encore un peu avant de projeter d’habiter et de travailler sur la Lune, mais ces premières données sur les fosses lunaires laissent entrevoir de grandes possibilités et de grands espoirs pour l’exploration spatiale au sens large.