C'est une histoire étonnante que raconte Bloomberg. Celle d'un stock d'aluminium situé à une petite demi-heure de route d'Hô Chi Minh-Ville, une montagne presque littérale du précieux métal, longue de près d'un kilomètre, pesant 1,8 million de tonnes et dont le site estime la valeur, selon le cours actuel de la chose, à 5 milliards de dollars (4,43 milliards d'euros).
Cet incroyable trésor, explique l'expert Duncan Hobbs, représente la consommation annuelle d'un pays comme l'Inde, le second plus peuplé de la planète. D'après lui, «nous sommes en face du plus grand déficit que le monde ait connu depuis vingt ans au moins, et ce stock pourrait non seulement le combler, mais créer un petit excédent».
Notez le conditionnel car il y a un hic, un énorme hic: dans ce monde qui court justement après un métal dont la valeur a ces derniers mois explosé sur les marchés, le stock vietnamien est inaccessible et condamné à dormir sur place.
Ces 1,8 million de tonnes ont été saisies par les autorités vietnamiennes en 2019 à la suite d'une enquête antidumping initiée par les États-Unis et visant les activités d'un milliardaire chinois. Depuis, le stock dort, surveillé par des gardes, alors que l'enquête se perd dans ses méandres.
Marché renversé
Le stock est si grand et la valeur de l'aluminium si haute que son arrivée sur le marché pourrait provoquer un effondrement du cours du métal, avance Bloomberg. C'est néanmoins peu probable. Si peu probable que certaines firmes chargées d'estimer les stocks mondiaux et leurs emplacements ont retiré le trésor vietnamien de leur inventaire, arguant notamment qu'une partie du métal a plus de 10 ans et ne vaut plus grand-chose.
Mais, explique Bloomberg, cette affaire est exemplaire d'un marché de l'aluminium devenu avec les années l'un des plus turbulents du monde. Autrefois abondant, produit en masse par la Chine, le métal s'est fait (beaucoup) plus rare quand le pays a réduit sa cadence, entre autres pour des raisons environnementales.
Le rebond économique et industriel post-pandémique a fait le reste: le monde manque désormais cruellement d'une matière première importante, dont il a longtemps stocké la surproduction en attendant de meilleurs tarifs. À La Nouvelle-Orléans, à Rotterdam, en Malaisie, à Détroit, les entrepôts se sont vidés à une vitesse imprévue et les industriels de tous horizons se battent pour mettre la main, à prix d'or, sur ce qui reste.
En Chine, pays qui a pendant des années abreuvé le monde d'aluminium mais en capte désormais une grande partie de la production, les stocks actuels ne sont évalués qu'à 1,2 million de tonnes par la firme spécialisée AZ China. Cela n'équivaut qu'à deux semaines de demande. Le trésor vietnamien constituerait sans doute un appréciable bol d'air s'il était rendu accessible.