Selon une étude réalisée par des chercheurs de l’Université de Tsinghua, la Chine serait parvenue cet été à altérer localement la météo à une échelle particulièrement importante.
Le centenaire du Parti communiste chinois s’est tenu en grande pompe le 1er juillet dernier. Il a rassemblé des dizaines de milliers de spectateurs dans le square de Tiananmen, à Beijing. Pour une telle occasion, le gouvernement ne pouvait admettre la moindre imperfection : pas même celles apportées par les éléments naturels. Selon le South China Morning Post, qui cite l’étude du professeur en sciences de l’environnement Wang Can, il aurait donc décidé de tout simplement changer la météo prévue.
Pour ce faire, ils ont utilisé une technologie déjà expérimentée depuis de nombreuses années, que l’on nomme « l’ensemencement de nuages ». Concrètement, il s’agit de larguer dans les airs de l’iodure d’argent, plus précisément au cœur des nuages. Il est aussi possible d’utiliser à cet effet de la glace carbonique, ou encore du sel, bien que la première méthode soit la plus utilisée.
Le principe est simple : les nuages sont constitués de gouttelettes d’eau, ou d’eau cristallisée, en suspension dans l’air. Si ces gouttes ne sont pas assez denses, elles ne se transforment pas forcément en précipitation. L’ensemencement de nuages vise à introduire dans les nuages des particules ayant une forte affinité pour l’eau afin de « forcer » la condensation, ou la cristallisation des particules aqueuses en suspension. Cette technologie est relativement ancienne, puisqu’on relève déjà des ensemencements de nuages par la Russie, après la catastrophe de Tchernobyl, dans les années 1980, pour tenter de créer des nuages de pluie.
Le but était alors « d’éliminer » par l’eau les particules radioactives en suspension dans l’air avant qu’elles ne parviennent dans des zones trop peuplées… Au fil des ans, les tentatives de faire tomber la pluie artificiellement se sont enchaînées, avec plus ou moins de succès. D’ailleurs, la Thaïlande possède des « faiseurs de pluie » royaux pour lutter contre la sécheresse, et les Émirats arabes unis ont eux utilisé des décharges électriques dans un objectif similaire.
8,8 millions de kilomètres carrés sous contrôle météorologique en 2025
Cependant, la Chine est sans doute le pays qui s’est le plus investi dans cette grande course à la pluie, et ce depuis les années 1950. Elle utilise l’ensemencement de nuages, pour l’agriculture, les ressources en eau, mais aussi la mise en scène de grands événements. Entre 2012 et 2017, selon l’agence de presse officielle chinoise Xinhua, la Chine aurait investi plus de 1,34 milliard de dollars dans les recherches sur ce domaine. En 2008, le gouvernement avait déjà fait en sorte de modifier la météo pour les Jeux olympiques.
Cette tentative récente représente cependant l’une des plus efficaces, et ce sur la plus large échelle enregistrée à ce jour, selon les propos des scientifiques rapportés par le China Morning Post. Le taux de pollution et celui d’humidité étaient élevés, ce 1er juillet. Cet ensemencement aurait permis, en faisant tomber la pluie volontairement dans la journée, de « nettoyer » le ciel et de réduire la pollution de l’air de près des deux tiers. La tentative fait suite à un plan, annoncé il y a un an, d’expansion d’un programme d’altération météorologique à une zone test de plus de 8,8 millions de kilomètres carrés. Soit, plus de la superficie de l’Inde.
Alors, l’ensemencement de nuage, solution miracle pour lutter contre les nuages de pollution et la sécheresse ? Pas si sûr… Ces ambitions de faiseurs de pluie soulèvent aussi des inquiétudes nombreuses. Si un pays est capable de contrôler sa météo, il devrait aussi être capable d’influer sur celles des autres, et d’user de cette technologie à des fins militaires. Les États-Unis avaient d’ailleurs déjà fait usage de pluies artificielles lors de l’opération « Popeye », au Vietnam, dans les années 1960. Ils avaient ainsi intensifié les moussons pour rendre les routes impraticables.
Il faut aussi noter que les impacts environnementaux et météorologiques à long terme de ces pluies artificielles ne sont pas clairs. La prudence s’impose donc sur le sujet à un niveau écologique, mais aussi géopolitique. Au-delà de l’usage militaire, on peut s’interroger : que se passerait-il, dans un contexte où la sécheresse va devenir un enjeu mondial, si les pays se mettent à « monopoliser » les nuages ?