Parler d’écologie, de climat, de biodiversité aboutit souvent à être assimilé(e) à un emmerdeur ou une emmerdeuse. “Ca va, j’ai compris, arrêtez de nous culpabiliser maintenant!”
Il existe une incompréhension importante entre les intentions des ‘écolos’ et les réactions générées. Une société où l’on se parle de moins en moins et où l’on préfère s’invectiver sur les réseaux sociaux. A titre d’exemple, j’ai personnellement reçu des menaces de mort sur Twitter pour avoir suggéré de baisser la vitesse à 110km/h sur l’autoroute. Vous avez bien lu : des menaces de mort pour une simple mesure recommandée par l’Agence Internationale de l’Energie et qui fait consensus parmi les scientifiques sur la décarbonation des transports.
Mais finalement, qu’est ce qu’ils veulent les écolos ? Et s’ils avaient autre chose à faire que vous emmerder ?
Réveil difficile
Cela fait des mois que j’ai envie d’écrire cet article. Notamment depuis un passage radio dans La Terre au carré où Thomas VBD a dit très justement “dès qu’on est militant on a un côté emmerdant“. C’est un fait ressenti par des milliers de personnes et une posture qu’on souhaite pourtant éviter à tout prix : le casseur ou la casseuse d’ambiance.
Mais devinez quoi : on milite rarement par plaisir. Que croyez-vous? Qu’on se lève le matin et qu’on se dit “”tiens, je vais aller faire chier Michel parce qu’il va faire un aller-retour à New-York ! Tiens je vais emmerder Claire parce qu’elle vient d’acheter un SUV ! Et puis Gérard qui mange trop de viande !”
Pensez-vous que ce soit un plaisir de parler climat en pleine guerre, et d’être accusé(e) de “tout ramener à sa cause” ? De prendre le temps, chaque jour, de répéter que la consommation d’énergies fossiles provoque le réchauffement climatique et que les milliards payés à certaines dictatures leur donne assez de pouvoir pour envahir d’autres pays ?
Vous pensez que les activistes climat n’ont que cela à faire d’aller interpeller les digital nomads ? Les influenceurs qui brûlent la planète ? De devoir supporter les commentaires d’hommes toxiques sur les réseaux qui viennent vous raconter n’importe quoi sans jamais sourcer, tout en ayant l’assurance d’un Didier Raoult et d’un Idriss Aberkane réunis ?
Enfin, quand des climatologues alertent depuis 30 ans sur l’urgence climatique et finissent par s’enchainer aux portes de la banque qui finance le plus les énergies au monde, vous pensez que c’est par plaisir ? Ou pensez-vous qu’effectivement, il y a peut-être un problème ?
Pourquoi nous insistons avec ce foutu changement climatique ?
Si les écolos interpellent l’ensemble de la société depuis des années, ce n’est ni par plaisir d’avoir raison, ni par supériorité morale, ni par plaisir de vous emmerder.
Essayons d’abord de comprendre ces vives réactions. Elles sont en partie le résultat d’un manque d’information sur le réchauffement climatique et l’effondrement de la biodiversité. En effet, les médias ne sont pas à la hauteur des enjeux, et chaque année d’inaction en plus augmente les chances d’avoir des aléas climatiques plus fréquents et plus intenses. Mauvaise nouvelle : la France n’est pas prête et ce manque de préparation mènera à des pertes matérielles et humaines.
Beaucoup de personnes mal renseignées pensent que le changement climatique est lointain, et n’aura des conséquences que pour les autres. C’est une erreur. Le changement climatique fait déjà des ravages partout dans le monde, y compris dans les pays occidentaux.
Rien que pour l’année 2022, les informations inquiétantes se sont accumulées côté climat. Des mauvaises nouvelles du côté de l’Amazonie, qui serait sur le point de passer un point de bascule (et donc deviendrait une savane), mais aussi une alerte de point de bascule du pergélisol, et des températures record, du « jamais vu » du côté de l’Antarctique. Inutile de rappeler également que certaines régions du monde sont parfois rendues invivables, comme l’Inde ou le Pakistan qui subissent canicules, sécheresses, mégafeux et inondations depuis deux mois.
La France est également concernée par tous ces aléas climatiques. Le Bulletin national de situation hydrologique (BSH) évoque par exemple une situation “particulièrement préoccupante“. Au 11 mai 2022, 15 départements sont déjà soumis à des mesures de restriction d’eau (contre 12 en 2021 et 6 en 2020). Si la carte ci-dessous des territoires exposés au risque de sécheresse d’ici la fin de l’été 2022 ne vous inquiète pas, c’est probablement que vous n’en comprenez pas les conséquences :
Territoires exposés au risque de sécheresse d’ici à la fin de l’été 2022 Source
Liberté, écologie punitive
Les changements souhaités par les écolos sont parfois assimilés à de l’écologie punitive ou à une atteinte aux libertés. Prenons le problème autrement : comment seront vos libertés dans un monde à +2°C de réchauffement climatique ? A 50°C en France l’été, vous serez plus libres ? Etes-vous bien sûr de savoir ce que +2°C à l’échelle mondiale représente ?
En voici un aperçu, tiré du dernier rapport du GIEC :
Parler d’écologie punitive n’a finalement pas vraiment de sens. Mais il est certain que sans compréhension des enjeux et des risques, comment pourriez-vous accepter des changements qui ont l’air de nuire à vos libertés ?
Lorsque les activistes climat demandent de baisser les émissions des transports qui sont responsables de 31% des émissions en France, pensez-vous que c’est par plaisir de vous nuire ? Pensez-vous que demander de réduire l’usage de la voiture individuelle est une mesure liberticide, ou au contraire nécessaire pour à la fois respecter nos engagements climatiques et aider des centaines de milliers de Français pour qui la voiture est une prison ? Qui aime faire 1H30 de voiture matin et soir dans les embouteillages pour aller travailler ?
C’est très exactement la même chose pour la précarité énergétique. C’est un scandale que les gouvernements successifs n’aient pas pris le problème à bras le corps et n’aient pas tout fait pour sortir de cette précarité énergétique les 4.5 millions de Français concernés. Est-ce que demander à ce que l’Etat oblige les propriétaires d’isoler des logements, tout en assurant des aides et subventions justes, est de l’écologie punitive ?
Répétons-le : il y a assez de richesses en France pour que tous les Français aient un logement décent, chauffé, et se nourrissent correctement. Si ce n’est pas le cas, c’est que certaines personnes ont fait des choix, et entretiennent ces situations. Appelez cela manque de volonté politique, inaction climatique ou choix criminels, le résultat est le même. In fine, ce sont très souvent les mêmes personnes qui en profitent et les mêmes qui payent les pots cassés.
Il faut savoir ce que l’on veut
Les activistes climat ne sont pas là pour vous emmerder. ils se battent pour garder une Terre habitable pour le plus grand nombre. Ils se battent pour que les petits plaisirs des uns ne puissent pas ruiner la vie des autres. Alors il serait peut-être temps d’inverser les rôles : mettez-vous à leur place, et essayez de comprendre pourquoi ces personnes sont dans la rue ou vous interpellent sur les réseaux sociaux. Ce n’est ni par supériorité morale ni par plaisir d’avoir raison : c’est une question de survie.
La bonne nouvelle, c’est que nous avons notre avenir climatique entre nos mains. Cela dépendra de l’avenir que nous souhaitons. Le choix est très simple : soit on change, soit on arrête de faire semblant, et on assume les conséquences.
Ce choix devra être le fruit de décisions démocratiques, où l’ensemble des Français connaitraient les enjeux environnementaux (et donc sociaux). Si après lecture, vous vous rendez compte que continuer sans changer nous mènera à un avenir qui n’est peut-être pas souhaitable, vous comprendrez également que la situation exige une certaine radicalité.
La radicalité, ce n’est pas arrêter d’envoyer un email avec une pièce jointe comme exprimé par la nouvelle ministre de la transition énergétique, Agnès Pannier-Runacher. La radicalité, c’est comprendre que tous les secteurs sans exception doivent changer. Comprendre que certains secteurs doivent drastiquement réduire leur activité principale et se réorienter. C’est accepter que certaines choses ne sont pas possibles et ne seront plus possibles, comme la Coupe du monde 2022 au Qatar.
Dans la mesure où chaque tonne de CO2 émise participe au réchauffement climatique, il va falloir que tout le monde prenne ses responsabilités. Gouvernements, entreprises, collectivités locales, citoyens et citoyennes. L’inaction climatique n’est plus acceptable. Les choix climaticides ne sont plus acceptables. Le manque de volonté politique n’est plus acceptable et est d’ores et déjà criminel. Quand l’AIE et le GIEC écrivent noir sur blanc qu’il ne faut plus rien construire de nouveau dans les énergies fossiles et qu’il faut fermer prématurément des infrastructures pétrolières et gazières d’ici 2050, il est inacceptable que Total continue de lancer de nouveaux projets partout sur la planète.
Finalement, les activistes climat sont comme les climatologues et ne rêveraient que d’une chose : se tromper. Que leurs travaux et discours s’avèrent complètement faux, que nous ne soyons pas responsables du changement climatique et que nous n’ayons qu’à régler les autres problèmes. Ce n’est malheureusement pas le cas. Nous sommes responsables du réchauffement climatique, cela ne fait aucun doute, et ce n’est ni le déni ni la procrastination qui vont nous sortir de ce pétrin.