L’hydrogène constitue une vraie piste d’avenir pour la transition énergétique, en permettant le développement des énergies renouvelables décentralisées. C’est un vecteur d’énergie clé, servant à transporter de l’énergie produite par une source primaire (solaire, éolien) jusqu’aux usagers. Pendant des années, les chercheurs ont essayé de trouver des moyens efficaces et rentables d’utiliser la réactivité de l’aluminium pour générer de l’hydrogène propre. Récemment, des chimistes de l’UCSC ont développé une méthode simple, rentable et efficace pour le produire, en utilisant du gallium, des nanoparticules d’aluminium et de l’eau.
L’hydrogène est l’élément chimique le plus simple : son noyau se compose d’un unique proton et son atome ne compte qu’un électron. La molécule de dihydrogène (H2) est constituée de deux atomes d’hydrogène. On parle donc communément d’hydrogène pour désigner en fait le dihydrogène. Il est également l’élément chimique le plus abondant dans l’univers, mais pas à l’état pur. Il est toujours lié à d’autres éléments chimiques, dans des molécules comme l’eau (H2O) ou les hydrocarbures.
Potentiellement inépuisable, non-émetteur de gaz à effet de serre, acteur de la combustion et facile à transporter, l’énergie hydrogène est considérée comme la « source d’énergie » propre idéale. Or, l’hydrogène n’est pas une source d’énergie mais un « vecteur énergétique » : il doit être produit puis stocké avant d’être utilisé. Il pourrait jouer à l’avenir un rôle essentiel dans la transition énergétique en permettant de réguler la production d’électricité générée par les énergies renouvelables intermittentes (solaire et éolien).
Les stratégies mondiales industrialisées de génération d’H2 se concentrent principalement sur la génération d’hydrogène à partir de combustibles fossiles, la synthèse de bio-hydrogène et la génération d’hydrogène photo-catalytique, bien que ces techniques ne soient pas toujours respectueuses de l’environnement. L’avancement des techniques électrochimiques de génération d’hydrogène est essentiel pour résoudre les problèmes de durabilité et d’énergie. Parmi les différentes manières de produire de l’hydrogène, l’électrolyse de l’eau est une approche facile et écologique, utilisée depuis plus de deux siècles. Il s’agit de séparer la molécule d’eau en ses deux éléments (hydrogène et oxygène) à l’aide d’un courant électrique.
Une réaction bien connue
La réaction de l’aluminium et du gallium avec l’eau est connue depuis les années 1970. L’aluminium est un métal très réactif, capable d’arracher l’oxygène des molécules d’eau pour générer de l’hydrogène. Son utilisation, notamment pour contenir des produits de type liquides — comme les canettes, ne présente aucun danger, car l’aluminium réagit instantanément avec l’air pour former une couche d’oxyde d’aluminium. Ce bouclier empêche toute réaction ultérieure. Le gallium est un élément chimique de la famille des métaux pauvres, présentant la plage d’état liquide (c’est-à-dire la différence entre point de fusion et point d’ébullition) la plus importante de tous les éléments. En effet, sa température de fusion est de 29,76 degrés Celsius, ce qui le fait presque instantanément fondre dans la main. Il est principalement utilisé en alliage avec l’arsenic dans l’arséniure de gallium GaAs, un semi-conducteur très utilisé en optoélectronique. Cet élément permet également d’obtenir des images de sites d’inflammation par scintigraphie, en imagerie médicale. Dans le cas présent, c’est son interaction avec l’aluminium qui nous intéresse. Il permet d’éliminer le revêtement passif d’oxyde d’aluminium de ce dernier, le mettant en contact direct avec l’eau.
Un des auteurs de l’article, B. Singaram, a déclaré que l’idée est née d’une conversation qu’il a eu avec un étudiant, le co-auteur Isai Lopez. Ce dernier avait vu des vidéos sur l’interaction galium-aluminium-eau et commencé à expérimenter la génération d’hydrogène dans sa cuisine. B. Singaram explique dans un communiqué : « Il ne le faisait pas de manière scientifique, alors je l’ai mis en contact avec un étudiant diplômé pour faire une étude systématique. J’ai pensé que cela ferait une bonne thèse pour lui de mesurer la production d’hydrogène à partir de différents rapports de gallium et d’aluminium ». L’étude est désormais publiée dans la revue Applied Nano Materials.
Une nouvelle voie verte
Cette recherche apporte des innovations technologiques faisant l’objet d’une demande de brevet actuellement. En effet, les études précédentes avaient principalement utilisé des mélanges d’aluminium et de gallium riches en aluminium, ou dans certains cas des alliages plus complexes, mais jamais des alliages riches en gallium.
En testant plusieurs types de compositions d’alliages, contenant plus ou moins de gallium par rapport à l’aluminium, l’équipe de recherche s’est rendu compte que les taux de production d’hydrogène étaient étonnamment élevés. Le plus grand rendement provenait d’un composite gallium-aluminium (Ga – Al) 3:1. Ces observations ont conduit les chercheurs à s’interroger sur les caractéristiques fondamentales, et obligatoirement différentes, de cet alliage riche en gallium.
Scott Oliver, professeur de chimie à l’UCSC et co-auteur de l’étude, a suggéré que la formation de nanoparticules d’aluminium pourrait expliquer l’augmentation de la production d’hydrogène. Son laboratoire disposait de l’équipement nécessaire à la caractérisation à l’échelle nanométrique de l’alliage. Cette analyse du composite Ga – Al par microscopie électronique à balayage et par spectroscopie de rayons X à dispersion d’énergie et diffraction des rayons X sur poudre, montre que le gallium agit à deux niveaux : il dissout le revêtement d’oxyde d’aluminium et sépare l’aluminium en nanoparticules. Singaram précise que « le gallium les empêche de s’agréger en particules plus grosses ».
Le gallium reste intact et a été facilement récupéré pour être réutilisé après la réaction. Ceci donne 90% de l’hydrogène pouvant, théoriquement, être produit à partir de la dégradation de tout l’aluminium dans le composite. S. Oliver a déclaré : « Nous n’avons besoin d’aucun apport d’énergie, et l’hydrogène bouillonne. Je n’ai jamais rien vu de tel ». Le gallium pourrait donc être collecté et réutilisé indéfiniment. Enfin, le composite peut être stocké pendant au moins 3 mois, en le recouvrant de cyclohexane pour le protéger de l’humidité.
Outre l’intérêt majeur en matière de quantité d’hydrogène produite, un second point positif apparait : n’importe quel type d’aluminium et d’eau peuvent être utilisés. Effectivement, la synthèse du composite Ga-Al se produit sans avoir besoin d’une atmosphère inerte ou d’une aide mécanique. L’aluminium commercial peut être utilisé, y compris le papier d’aluminium usagé, généralement jeté. Toute source d’eau disponible peut être utilisée, comprenant les eaux usées, les boissons commerciales ou même l’eau de mer, sans génération de chlore gazeux, comme le confirme la chromatographie en phase gazeuse-spectrométrie de masse.
L’hydrogène, vecteur des énergies renouvelables
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Il ne reste plus qu’à attendre l’approbation du brevet, puis la mise en œuvre sur le marché industriel de cette procédure, notamment pour les batteries à hydrogène. L’hydrogène soutiendra également les énergies solaires et éoliennes, en tant que vecteur d’énergie. En effet, les énergies renouvelables sont une solution efficace aux enjeux énergétiques et écologiques d’aujourd’hui, mais leur intermittence peut parfois compliquer la gestion de leur distribution.
L’idée ici est donc d’utiliser l’électricité produite en éolien ou solaire pour générer de l’hydrogène propre qui, lui, peut être stocké très facilement et durablement. Ce dernier peut être injecté dans le réseau de gaz naturel, fournir de la chaleur dans les villes, être reconverti en électricité grâce à des piles à combustible. Il permet ainsi de procurer aux consommateurs une énergie issue des filières renouvelables à toute période de l’année et en particulier lors des pics de consommation.
Toutes ces caractéristiques rendent cette découverte particulièrement pertinente et innovante, dans un monde énergétique devant se réinventer au plus vite face au défi climatique. Le dernier rapport du GIEC, plus alarmant que les précédents, sous-tend ces initiatives liant énergies renouvelables et décarbonées avec la réutilisation raisonnée des déchets que nous produisons.