Lors de la Guerre Froide, et afin de déjouer la surveillance des radars Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord [NORAD], l’Union soviétique développa un système de bombardement orbital fractionné [OGCh pour Orbital’noi Golovnoi Chasti] qui, reposant sur un missile balistique RS-36 modifié, consistait à mettre une arme nucléaire sur une orbite basse.
Puis, la mise au point d’un dispositif d’alerte avancé par les États-Unis et les accords de désarmement SALT 2, signés en 1983, eurent raison de ce système imaginé par les Soviétiques. Depuis, il semblerait que la Russie ait récupéré cette capacité de « bombardement orbital fractionné », avec le missile RS-28 « Sarmat » [code Otan : SS-X-30]. Du moins, c’est ce que le chef du Kremlin, Vladimir Poutine, laissa entendra en mars 2018, quand il présenta les « nouvelles armes invicibles » russes.
Mais la Russie n’est plus la seule à s’intéresser à une telle capacité. En septembre, lors de la conférence annuelle « Air, Space, & Cyber », le secrétaire à l’US Air Force, Frank Kendall, avait dit soupçonner la Chine de développer également un système de bombardement orbital fractionné.
« Il y a un potentiel pour que des armes soient lancées depuis l’espace selon ce vieux concept de la Guerre Froide appelé ‘Système de bombardement orbital fractionné. […] Si vous utilisez ce type d’approche, vous n’avez plus d’utiliser une trajectoire de missile balistique intercontinental traditionnelle. C’est un moyen de déjouer les dispositifs d’alerte avancée et les systèmes de défense antimissile », avait en effet avancé M. Kendall, au sujet du développement des moyens militaires de la Chine, soulignant que celle-ci cherchait à se doter d’une capacité nucléaire dite de » première frappe ».
Le secrétaire à l’US Air Force n’avait alors pas donné plus de détails sur ce programme chinois. Cela étant, on en sait maintenant davantage grâce à des informations révélées par le Financial Times.
Ainsi, selon le quotidien britannique, qui s’appuie sur les confidences de plusieurs sources ayant connaissance de l’affaire, la Chine a procédé, vers le mois d’août, à l’essai d’un planeur hypersonique à capacité nucléaire, lancé par une fusée Longue Marche 2C. Le tir de celle-ci [le 77e] n’a fait l’objet d’aucune communication de la part des autorités chinoises, contraiement aux 76e et 78e.
Le planeur hypersonique en question a donc fait le tour de la Terre en orbite basse, avant de se diriger vers sa cible, qu’il aurait toutefois manqué de plus de 32 kilomètres.
Par rapport à un missile balistique stratégique, dont la trajectoire est parabolique, une telle arme – théoriquement manoeuvrable – aurait une portée sans limite tout en étant plus difficile à repérer en raison de sa course imprévisible. Et cela la rendrait évidemment plus difficile à intercepter.
D’un point de vue juridique, une telle arme n’est pas formellement interdite par le Traité de l’Espace… qui, pourtant, proscrit les armes nucléaires en orbite. Mais ce texte a quelques lacunes, exploitées par le passé par l’Union soviétique et maintenant par la Chine.
D’après le Financial Times, l’essai chinois aurait pris le renseignement américain par surprise. Le porte-parole du Pentagone, John Kirby, n’a pas souhaité faire de commentaire. Cependant, a-t-il dit, « nous avons clairement exprimé nos inquiétudes concernant le développement militaire que la Chine continue de poursuivre, qui ne fait qu’accroître les tensions dans la région et au-delà. C’est l’une des raisons pour lesquelles nous considérons la Chine comme notre défi de stimulation numéro un ».
Pour rappel, Pékin a déjà développé le planeur hypersonique DF-ZF [Dong Feng – ZF, ou Wu-14] propulsé par un missile DF-17. Lors de son premier vol d’essai, en 2014, il avait atteint la vitesse de Mach 10. Et la capacité à le manoeuvrer fut testée, avec succès, un an et demi plus tard.