Le barrage de Yangqu sera imprimé en 3D, à l’aide de machines contrôlées par IA. | Weibo
Le projet paraît fou. Un nouveau barrage va être construit sur le plateau tibétain sans faire appel à aucune main-d’œuvre humaine. La construction sera entièrement prise en charge par des machines contrôlées par intelligence artificielle, qui érigeront la structure couche par couche, selon le même processus qu’une impression 3D. Une fois achevée, la centrale hydroélectrique de Yangqu fournira chaque année près de 5 milliards de kilowattheures d’électricité à la province du Henan, au centre-est de la Chine.
« La plus grande imprimante 3D du monde », c’est en ces termes que les scientifiques impliqués dans le projet évoquent cette structure haute de 180 mètres, située aux abords du fleuve Jaune. Aucun employé humain ne sera présent sur le chantier : l’ensemble des engins de construction (excavatrices, camions, bulldozers, rouleaux, etc.) seront tous sans pilote et contrôlés par intelligence artificielle. La centrale, qui devrait être achevée en 2024, alimentera en électricité toute la province du Henan, soit quelque 100 millions de personnes.
La Chine occupe actuellement la première place du classement des pays producteurs d’hydroélectricité : ses centrales représentent près de 31% de l’hydroélectricité produite dans le monde et 17% de la production d’électricité du pays. La centrale du barrage des Trois-Gorges, située sur le Yang-Tsé-Kiang dans la province du Hubei, au centre de la Chine, est la plus puissante au monde. En 2021, elle a produit 103,6 TWh d’électricité, selon la société exploitante China Three Gorges Corporation. La centrale de Yangqu ne sera pas aussi productive, mais se distingue par son mode de construction particulièrement innovant.
Un projet de construction complètement autonome
Ce projet inédit a été présenté dans le journal de l’Université Tsinghua, qui est chargée de le mener à bien. L’article évoque « un système d’impression 3D utilisant des robots intelligents pour le remplissage rapide et efficace de grands projets de construction ». Ce système comprend un dispositif de planification de la construction et une ligne d’assemblage. Le système de planification est chargé de découper le modèle de conception numérique en couches pour calculer les données liées aux matériaux de remplissage, puis de planifier les routes de transport pour chaque étape du processus de construction.
Les robots de construction collecteront les matériaux de remplissage lorsque cela est nécessaire et les transporteront grâce à un système intelligent de pavage et de roulement. Les machines seront équipées de capteurs pour vérifier que la structure acquiert la solidité nécessaire. Une fois chaque couche terminée, les robots enverront des informations sur l’état de la construction au système de planification ; le processus se répétera ainsi jusqu’à ce que le barrage soit complet. Les détails du procédé de fabrication n’ont pas été communiqués par les scientifiques.
À noter que la Chine est loin d’être novice en la matière : le plus grand pavillon imprimé en 3D au monde et le premier pont rétractable imprimé en 3D ont tous deux été construits en Chine. Ce dernier, d’un peu plus de neuf mètres de long, se trouve dans le parc Wisdom Bay de Shanghai. Le quartier est d’ailleurs bien connu pour promouvoir cette technologie : outre un musée dédié à l’impression 3D et plusieurs entreprises du secteur, il abrite également l’un des plus longs ponts imprimés en 3D de Chine, de 26 mètres de long sur 3,5 mètres de large.
Néanmoins, ces projets de fabrication additive ont toujours impliqué des travailleurs humains pendant leur construction. Avec ce projet de barrage 100% autonome, la Chine franchit une nouvelle étape : il s’agit de la première démonstration combinant impression 3D et intelligence artificielle dans le domaine de la construction. L’objectif étant, selon les responsables du projet, de libérer les humains des travaux lourds, répétitifs et dangereux. Cette approche permet également de s’affranchir des erreurs humaines (par exemple lorsque les conducteurs de rouleaux compacteurs ne tiennent pas une parfaite ligne droite), mais surtout, permet au chantier de tourner 24 heures sur 24, sans interruption.
La plus grande construction 3D au monde
Avec ses 180 mètres de hauteur, ce barrage hydroélectrique deviendra la plus grande installation au monde imprimée en 3D. Le record est jusqu’à présent détenu par un immeuble de bureaux à deux étages, de 9,5 mètres de haut, construit à Dubaï en 2020 : 640 m² de bureaux ont été érigés par une seule imprimante, accompagnée de trois employés chargés de contrôler les travaux. Mohamed Al Gergawi, ministre des Affaires du Cabinet des Émirats arabes unis, avait annoncé lors de l’inauguration que d’ici 2030, un quart des constructions seraient réalisées avec cette technique, qu’il juge 50% plus rapide et deux fois moins onéreuse.
Selon Scott Santens, défenseur du revenu de base universel aux États-Unis, son pays ne songerait pas à mener un tel projet, car il considère la création d’emplois comme la meilleure solution à la pauvreté. « Les États-Unis n’entreprendront jamais un tel projet (du moins pas avant d’avoir adopté le revenu de base universel). Pourquoi ? Parce que nous vénérons la création d’emplois au lieu de croire que le but d’un travail comme celui-ci est de le faire, et non d’employer des gens dans le processus », a-t-il déclaré sur son compte Twitter.
Le remplacement de la main-d’œuvre humaine par des technologies avancées est un débat de longue date. Mais avec ce projet d’envergure, on peut également s’interroger sur les priorités du gouvernement chinois, qui face à une flambée de cas de COVID-19 — à laquelle s’ajoutent des problèmes logistiques majeurs et des pénuries alimentaires — n’est pas capable d’assurer l’approvisionnement des habitants de Shanghai cloîtrés chez eux depuis des semaines.